Giuseppina Micheloni s’est consacrée au patinage et au cyclisme. Sur deux roues, elle a été en 1974 la première coureuse à remporter l’une des plus anciennes épreuves de l’UCI Women’s WorldTour, le Trofeo Alfredo Binda – Comune di Cittiglio.
« C'était une journée excitante, se remémore-t-elle. J'ai ressenti une grande émotion lorsque j'ai réussi à m'échapper et à arriver seule. Le parcours était différent à l'époque, à cheval entre la vieille ville et ses alentours. »
Un demi-siècle plus tard, l'édition 2020 de l’épreuve, prévue pour le 22 mars, a été repoussée en raison de la pandémie de Covid-19, dont l’épicentre en Italie se trouve à Bergame, la ville de Giuseppina Micheloni.
Son parcours rappelle celui d'autres talents multidisciplinaires, à l'image du Slovène Primož Roglič, champion de saut à ski avant de connaître une grande carrière sur la route.
« J'ai commencé le patinage à l'âge de 13 ans, avant de rejoindre une équipe soutenue par Pirelli, l'entreprise qui employait mon père. C'était l’une des meilleures équipes de l'époque, avec de grands professionnels et même des Champions du Monde. J'ai immédiatement gagné des courses. »
Son palmarès dans la discipline compte 32 victoires dans des épreuves de niveau provincial et régional, quatre succès à un niveau national et deux dans des épreuves internationales (à Nantes, en France, et Bologne, en Italie), pour un total de 120 courses. « Mais j'ai commencé à perdre la motivation », confesse-t-elle. Dans le même temps, elle se consacrait de plus en plus au vélo...
Du patinage au cyclisme
« Sur les routes, je croisais plusieurs champions lombards comme Giacinto Santambrogio et Tino Conti et, plus rarement, Felice Gimondi. Je me fixais souvent des défis sur l'ascension du Ghisallo, et je croisais aussi des coureurs espagnols comme José Manuel Fuente de temps en temps. Le patinage me donnait une bonne base physique. Les longs muscles internes sont stimulés par le mouvement de glisse vers l’extérieur. C'est comparable à un effort sur le vélo en montée. C'est pour ça que je suis devenue très forte en montagne : je pouvais me détacher assez facilement et c’est comme ça que j’ai remporté beaucoup de victoires. »
Giuseppina Micheloni avait également une très belle pointe de vitesse... dont elle a peu fait usage dans les sprints : « J'étais très rapide et compétitive lors des arrivées groupées, mais j'ai été marquée par une course à Settala, après une méchante chute avec d'autres filles. Je m'étais réveillée le lendemain à l'hôpital avec une blessure à la tête. Dès lors, je n'étais plus capable de participer aux sprints massifs, seulement en petit groupe. A chaque fois que je me retrouvais dans le dernier kilomètre avec trop de collègues autour, j'étais inquiète et je devais m'écarter. »
La championne a fait ses adieux au patinage en 1972 : « Un matin, j'ai remporté une course cycliste dans la zone entre Ferrara et Reggio Emilia, et l'après-midi, j'ai fini ma carrière sur les patins avec une belle place. C'était assez. »
La première équipe cycliste de Giuseppina Micheloni était la formation Alba, à Robbiate, avec laquelle elle a remporté six courses dès sa première saison, aux côtés de cyclistes réputées comme Elisabetta Maffeis.
Des Championnats du Monde UCI inoubliables
Un an plus tard seulement, l'Italienne a pu porter le maillot de son équipe nationale à l’occasion des Championnats du Monde UCI 1973, à Barcelone, en Espagne. « Je faisais partie de l'expédition italienne, se souvient-elle. C'étaient des journées fantastiques. J'ai voyagé avec mes parents, et à l'aéroport j'étais déjà entourée de grands champions comme Felice Gimondi, qui a ensuite remporté la course masculine, et Gianbattista Baronchelli. C'était une sensation incroyable. J'ai fait de mon mieux pendant la course et j'ai fini 20e alors que c'était ma première participation. En 1974, à Montréal au Canada, j'ai terminé 4e, et j'étais 8e en 1975 à Yvoir, en Belgique. »
Mais les Mondiaux UCI les plus marquants pour Giuseppina Micheloni furent ceux de 1977, à San Cristobal, au Venezuela. Pas seulement pour le charme exotique du parcours et la présence massive des supporters italiens : « Je me suis échappée avec la Française Geneviève Gambillon, une fille très forte, mais le sélectionneur m'a demandé d'attendre notre leader Luigina Bissoli, qui n'avait pas réussi à rester devant au moment le plus important. J'ai essayé de revenir par moi-même, mais il était trop tard. C'est devenu mon plus grand regret. J'avais de très bonnes jambes ce jour-là et j’aurais pu réussir un gros truc au sprint dans un petit groupe. Ça aurait pu être la plus grande victoire de ma carrière. »
Tout en affichant ses talents sur la route, Giuseppina Micheloni s'est également essayée à la piste. « Ma première fois, c'était au Vigorelli, le vélodrome historique de Milan, se rappelle-t-elle. J'étais impressionnée par la pente des virages. Et mon baptême du feu a eu lieu aux Championnats d'Italie, à Lecce, sur une piste tout juste inaugurée. J'ai réussi à obtenir deux places de deuxième derrière des championnes comme la détentrice du Record de l'Heure, Mery Cressari, et Bissoli elle-même. Malheureusement, j'ai également fini deuxième des Championnats d'Italie sur route, à Lissone (Milan) et Potenza. »
Les débuts du Tour d’Italie féminin
Giuseppina Micheloni a arrêté sa carrière une première fois après les Championnats du Monde UCI disputés en 1980 à Sallanches, en France. « C'était la fin d'un chapitre important de ma vie, raconte-t-elle. Je me suis arrêtée alors que je pouvais encore faire de bonnes choses. Peu après, je me suis mariée, et j'étais partagée entre la maison et un travail de caissière dans un supermarché. Mais en 1985, j'ai décidé de de revenir à la compétition avec une nouvelle équipe, Cantine Piovene, jusqu'à ce que je me retire vraiment en 1990. Le cyclisme avait changé. Quand j'ai commencé, c'était un sport de pionnières ; il s'est ensuite professionnalisé avec des entraînements très durs et très exigeants, difficilement conciliables avec mon travail au supermarché. J’ai quand même pu disputer les deux premières éditions du Tour d'Italie féminin en pleine ère Maria Canins. »
Giuseppina Micheloni a également mené une courte carrière de journaliste avant de prendre sa retraite en 2014. En 2016, elle a été distinguée par la municipalité de Carinate pour ses mérites sportifs et elle a enseigné le patinage à l'école pendant une courte période. « Maintenant, je vis au cœur de l'urgence nationale ; c'est une situation dramatique et tragique. On essaie tous de rester à l'abri à la maison, en attendant des jours meilleurs. Tout ira bien, et ce sera aussi le cas pour le Trofeo Binda et pour l'ensemble du cyclisme, assure-t-elle. J'espère que beaucoup de filles vont vivre le cyclisme comme j'ai pu le faire, et écrire de belles pages d'histoire pour ce sport. »