A la rencontre de la nouvelle vague du paracyclisme : les opportunités et l’optimisme de John Terrell

Dans le troisième article de notre série présentant quelques-uns des talents du paracyclisme, nous nous sommes entretenus avec John Terrell qui, malgré une carrière déjà couronnée de succès, n’a aucune intention de se reposer sur ses lauriers.

L'Américain John Terrell a commencé 2022 dans une forme impériale et avec des résultats remarquables lors des deux premières manches de la Coupe du Monde Route Paracyclisme UCI : deuxième du contre-la-montre et de la course en ligne MC4 à Ostende (Belgique), puis vainqueur du contre-la-montre en côte à Elzach (Allemagne).

Pouvez-vous nous parler de votre handicap, s'il vous plaît ?

John Terrell (J. T.) : J'ai une différence au niveau de mes membres depuis l'âge de 19 ans, après avoir été percuté en tant que piéton dans un accident de voiture. Je pense que le langage a un grand impact sur notre psychisme, alors j'ai reprogrammé mes pensées pour voir ma situation comme différente et non invalidante. Nous sommes ce que nous pensons, alors changer ma perception et mon discours intérieur a changé ma façon de voir les obstacles.

J'ai subi une blessure à la moelle épinière (lésion du plexus brachial) à la suite d'un traumatisme contondant. Je manque également de proprioception dans les deux jambes à cause du traumatisme et des opérations. J'ai essayé de sauver mes membres pendant plus de deux ans, mais les chirurgies de transplantation nerveuse n'ont pas réussi, alors j'ai choisi de faire amputer mon bras.

Quelles difficultés cela vous a-t-il posé ?

J. T. : J'aurai 28 ans cette année. Je dirais que mon expérience avec une différence de membre à l'âge de 19 ans m'a offert de nombreuses opportunités de m'approprier ma situation et de prendre la responsabilité d'aller de l'avant et, malgré la tragédie, de choisir de continuer à mener une vie épanouissante.

Avez-vous grandi à vélo ?

J. T. : Le cyclisme et les vélos ont été un thème récurrent tout au long de ma vie, même si le cyclisme sur route n'est pas si répandu là où j'ai grandi, dans la banlieue de San Antonio, au Texas, dans une petite ville appelée Converse. C'est un coin où le football américain règne en maître. J'ai pratiqué de nombreux sports américains traditionnels comme le football, le basket-ball, le baseball et la natation, mais j'ai toujours fait du vélo. Je me souviens que je portais mes épaulettes et un casque de football pour faire quelques kilomètres à vélo dans le quartier pour rejoindre le terrain ! Faire du vélo m'a toujours donné un sentiment d'indépendance et de liberté.

Quand avez-vous commencé le paracyclisme ?

J. T. : Je me suis passionné pour le BMX dès l'âge de 12 ans. J'ai couru quelques années, mais je préférais le Freestyle. J'ai commencé à traîner au magasin de vélos du coin, Action Bikes, à Universal City, et un mécanicien nommé Josh White est devenu un mentor pour moi. Josh m'a montré comment réparer mon vélo et comment construire des tremplins en terre. Il m'emmenait en voyage dans d'autres villes pour parcourir différentes pistes. Il a été un élément fondamental de mon développement en tant que cycliste.

Après ma blessure, mon objectif était de reprendre le BMX à un niveau similaire à celui d'avant. J'étais dans le déni de la gravité de ma blessure, alors j'ai fait de brèves recherches sur les sports paralympiques et j'ai découvert que le cyclisme sur piste en faisait partie. Par hasard, l'une des premières vidéos que j'ai vues était celle de Joe Berenyi aux Jeux Paralympiques de Londres 2012. Joe est également amputé au-dessus du coude, il ne roule qu'avec un seul point de contact sur le guidon, alors j'ai immédiatement su que cette voie était possible pour moi aussi.

Quels sont vos objectifs pour la saison 2022 ?

J. T. : J'aimerais participer aux Championnats du Monde sur la piste et sur la route, et monter sur le podium. Un maillot arc-en-ciel serait incroyable. Je suis actuellement le leader de la Coupe du Monde Route Paracyclisme UCI, alors conserver le maillot et gagner la série serait un rêve devenu réalité.

Quels sont vos objectifs à long terme ?

J. T. : Je souhaite obtenir la double nationalité au sein de l'UE afin que les générations futures de ma famille puissent découvrir davantage ce monde merveilleux. J'espère représenter et défendre les personnes ayant des différences au niveau des membres en terminant une course par étapes de l'UCI WorldTour comme la Volta a Catalunya ou une course par étapes similaire. Démontrer qu'il est possible pour des personnes sous-estimées de concourir au plus haut niveau inspirera des générations d'athlètes, avec des handicaps ou non.

Un autre objectif que j'ai est de créer une organisation à but non lucratif axée sur la transition traumatique et la réadaptation par le sport, le mentorat, la promotion de centres de soutien communautaires et la promotion des opportunités d'éducation pour les populations marginalisées.

D'autres objectifs à long terme incluent la participation aux Jeux Paralympiques de 2024 (Paris), 2028 (Los Angeles) et 2032 (Brisbane).

Avez-vous des héros que vous admirez dans le paracyclisme ?

J. T. : Il s’agirait de Joe Berenyi, Andrew Pruitt et Shawn Morelli. Joe m'a inspiré et m'a ouvert l'esprit à l’idée qu'il était possible de rouler et de courir avec un seul bras. Andrew parce qu’il est un pionnier du sport et qu’il a contribué à légitimer les athlètes avec handicaps à une époque où ils étaient rares. Andrew a ouvert la voie à des gens comme Joe, Shawn et moi. Shawn parce qu’elle a comblé l'écart entre le cyclisme adapté et le cyclisme professionnel en courant pour United Healthcare en 2017.

Parmi les autres personnes que j'admire et dont je m'inspire je mentionnerais Frederick Douglass, Harriet Tubman, Eric Thomas, Martin Luther King Jr, Thomas Edison, Sir Ernest Shackleton, Orville et Wilbur Wright, Helen Keller, Jackie Robinson et Buster Keaton.

A quoi ressemble pour vous une semaine d'entraînement normale ?

J. T. : Mon entraînement varie tout au long de la saison, mais j'ai tendance à faire du vélo six fois par semaine, soit de 8 à 20 heures. Le travail de foncier penche plutôt vers 20 heures avec un volume élevé associé à une intensité plus faible ; la préparation des courses se situe davantage du côté des 10 heures et plus, avec un volume plus faible et une intensité plus élevée. Ensuite, il s'agit de maintenir la forme physique tout au long de la saison. Je vais ajouter deux à trois séances de musculation par semaine pendant la période de préparation. Je me concentre sur des mouvements comme les squats divisés, les exercices de gainage et le travail de la chaîne postérieure.

Avez-vous autre chose à dire aux lecteurs sur votre parcours en paracyclisme jusqu'à présent ?

J. T. : Croyez en vous, définissez-vous, investissez du temps pour vous et profitez au maximum de chaque jour. La vie est une série de décisions, alors je veux encourager les gens à prendre de meilleures décisions et à chercher constamment à améliorer leurs efforts précédents. Nous devenons bons dans tout ce que nous pratiquons, alors faites le choix chaque jour de pratiquer la positivité et de mettre en œuvre l'auto-responsabilité. Vous récolterez les fruits de ce que vous faites pour vous.

Guide succinct des divisions sportives du paracyclisme

C – Cycles (vélos conventionnels avec adaptations mineures)

T – Tricycle (vélos à trois roues)

B – Tandem (athlètes avec déficience visuelle et pilote)

H – Vélo à main

Chaque division est divisée en différentes classes sportives (1 à 5), le nombre le plus bas indiquant une déficience plus importantes.