Le poste occupé par Ana Vivas n’a pas de nom. Il est simplement trop difficile de trouver une dénomination simple qui réunirait la vaste palette des différentes fonctions qu’elle exerce au sein de la Fédération Cycliste Colombienne.
Une semaine elle sera au bureau, en charge de tâches administratives, la suivante elle sera peut-être assise dans la voiture des Commissaires sur une course et demandera de l’assistance pour un coureur. Mais on pourra tout aussi bien la voir compter et empaqueter les maillots nationaux de l’équipe qui disputera les Championnats Panaméricains ou, partout dans le monde, acheter à manger et faire la lessive pour son équipe nationale dans le cadre des Championnats du Monde Route UCI.
Soigneuse, interprète, speaker de Radio Tour, assistante du Président du Jury des Commissaires, Ana Vivas endosse de très nombreux rôles tout au long de l’année. Mais pour les athlètes colombiens, le titre qui lui va le mieux est « Maman ».
« Je dis souvent pour plaisanter que je n’aurai jamais d’enfants, parce que travailler pour des cyclistes est déjà assez éprouvant pour mon cœur et mes nerfs. Je les aime tellement. »
Elle essaie de rester calme en cas d’imprévus, par exemple lorsque Rigoberto Urán l’a appelée de sa chambre d’hôtel à 6 h du matin le jour de la course en ligne des Hommes Elite des Championnats du Monde Route UCI 2016 de Doha. Il avait une forte fièvre, et Ana a rapidement contacté deux médecins, qui tous deux ont confirmé qu’il ferait mieux de ne pas rouler.
« J’ai essayé de ne pas montrer à quel point j’étais triste et inquiète, parce qu’il faut avancer. Il est resté au lit et a regardé la course à la télévision. »
Le même jour, Ana était dans la caravane lorsque la radio a annoncé que plusieurs coureurs avaient chuté, dont Fernando Gaviria.
« Lorsque la voiture est arrivée à sa hauteur, je l’ai vu appuyé sur la rambarde, se tenant le bras. C’est le genre de moments où vous savez tout de suite ce qui s’est passé, mais où vous ne voulez pas y croire… »
Malgré les déceptions, les coups de sang et les émotions fortes, le mois de septembre est celui qu’Ana préfère. C’est le mois durant lequel elle fait ses valises et voyage avec l’équipe nationale – généralement 24 coureurs et huit membres de l’encadrement – pour se rendre aux Championnats du Monde Route UCI.
« J’ai toujours été une passionnée de cyclisme, et mon métier ressemble à un rêve devenu réalité. Lorsque j’étais enfant, aller voir passer le Tour de Colombie était un rituel familial. Mais je n’avais jamais imaginé que je travaillerais pour le cyclisme colombien. »
Au départ, elle travaillait dans le domaine de la communication au sein de sa Fédération. Rapidement, aux Championnats du Monde Route UCI de Florence, en Italie, en 2013, elle s’est retrouvée dans une situation où elle a dû se pincer pour vérifier qu’elle ne rêvait pas.
« Je me suis retrouvée à la table du dîner avec, entre autres, Nairo Quintana, Carlos Betancur, Rigoberto Urán et Sergio Henao. Je n’arrivais pas à croire que c’était mon job ! »
Ana a certainement marqué les esprits lors de ses premiers Mondiaux Route. Huit jours avant le début des compétitions, ils se trouvaient tous à Cecina, à 80 km de Florence. Un jour, les coureurs lui proposèrent de rouler en ville pour aller manger une glace après le repas.
« Pour moi c’était un rêve de rouler à vélo avec l’équipe nationale… et puis je suis tombée ! C’était mon premier grand événement, et je me suis retrouvée dans la salle des urgences d’un hôpital à pleurer et à prier pour que mon pied ne soit pas cassé. »
Heureusement il ne l’était pas, mais à cause de tendons endommagés, elle a passé la semaine suivante à courir d’un endroit à l’autre sur une seule jambe.
Bien que ses deux premiers Championnats du Monde Route UCI aient été plus « relax » en tant que cheffe de presse de la formation colombienne, l’évolution de son poste a considérablement rallongé la durée de ses journées. Elle commence par préparer le petit-déjeuner en fonction des besoins diététiques des différents coureurs, puis, en fonction de l’horaire de la course, elle organise avec le cuisinier de l’hôtel le repas à base de pâtes qui sera consommé plus tard dans la journée. Après le déjeuner, elle officie sur la course en tant qu’interprète de Radio Tour pour l’encadrement de l’équipe, avant de revenir à l’hôtel pour collecter les sacs de lessive et aller faire les courses pour le lendemain. Si quelqu’un est malade, elle l’emmène chez le médecin. Elle accompagne par ailleurs les plus jeunes coureurs à la Conférence Juniors UCI et les représentants de sa Fédération au Congrès de l’UCI.
« Ca peut être stressant, mais c’est un stress positif. C’est éreintant, mais j’aime ça. Je travaille pour des athlètes que j’admire. Pour moi c’est un honneur. Voir nos coureurs réaliser des performances partout dans le monde est ma plus grande source de motivation. Je suis convaincue qu’être à leurs côtés est ma mission. »
Cette conviction l’a conduite à demander une bourse – qu’elle a obtenue – pour se rendre au Centre Mondial du Cyclisme UCI, à Aigle, en Suisse, en novembre 2016, afin de suivre un programme de formation destiné aux Directeurs Sportifs.
« C’était une opportunité parfaite pour améliorer mes compétences, en suivant des cours directement à la source. L’une des choses que j’aime le plus dans mon métier est le fait d’assumer des responsabilités si différentes. Cela me rend capable de comprendre comment les choses fonctionnent de plusieurs points de vue : celui d’une Fédération, d’un organisateur de course, d’un collaborateur d’équipe et en tant que Directeur Sportif. La formation m’a fait prendre conscience de ce que nous ne faisons pas correctement, jusqu’où nous pouvons aller, ce que nous pouvons améliorer et de quelle façon. Cela m’a donné davantage de confiance dans la façon dont je fais mon travail. »
La jeune femme sait qu’elle travaille pour un sport qui enflamme l’imagination d’un nombre toujours plus important de fans en Colombie : « J’ai fait une belle expérience récemment dans la salle d’attente d’un cabinet médical. Le Tour de France avait commencé, et tout le monde a arrêté de faire ce qu’il faisait pour suivre les derniers kilomètres. C’est comme si le temps s’était figé : les médecins, les infirmières et les patients étaient tous devant la télévision et regardaient Rigoberto Urán. »
La Vuelta a Colombia (du 1er au 13 août cette année) est un événement important pour les Colombiens. Ana travaille dans son organisation sur les propositions de sponsoring. Durant la manifestation, elle officie comme assistante du Président du Jury des Commissaires et comme speaker de Radio Tour.
Les Championnats Nationaux représentent une autre part importante du travail d’Ana : « C’est un gros événement parce que nous faisons tout ce que nous pouvons pour que tous les coureurs membres d’un UCI WorldTeam ou d’une Equipe Continentales Professionnelles UCI y participent. C’est la seule possibilité de l’année pour les Colombiens de voir leurs idoles rouler dans leur pays. Nous faisons des Championnats Nationaux un très grand événement. »
Elle continue : « Nous vivons une nouvelle ère de fièvre pour le cyclisme en Colombie et c’est vraiment passionnant. Beaucoup de gens font du vélo le week-end ou utilisent leur bicyclette pour aller travailler. Cela ne fait que cinq ans que je fais partie de ce monde, mais durant cette période j’ai vu plus de drapeaux colombiens flotter dans le monde que lors de toutes les années précédentes. »