Assurer la sécurité depuis sa moto : le rôle essentiel du Régulateur

Perchés sur leur moto derrière leur pilote, les Régulateurs sont essentiels à la sécurité des courses cyclistes. Leur regard doit être aiguisé et leur compréhension du sport exhaustive pour contrôler la course, surmonter les pièges de la route et prendre des décisions avec autorité.

Laurent Bezault a été Régulateur pour Amaury Sport Organisation (l’organisateur du Tour de France, de Paris-Roubaix, de Liège-Bastogne-Liège et de bien d’autres événements) pendant huit ans. Il est aujourd'hui Conseiller Continental UCI pour l'Afrique et a participé à l'élaboration d'un guide UCI sur le rôle de Régulateur. Paolo Longo Borghini a quant à lui rempli cette mission sur les cinq dernières éditions du Giro d'Italia et les trois derniers Championnats du Monde Route UCI. Ils partagent ici leur expérience et leur vision sur l'évolution de la fonction de Régulateur de course.

« Je suis passé du vélo à la moto, se rappelle Laurent Bezault. J'étais dans ma dernière année pro avec l'équipe GAN, en 1993, quand Jean-Marie Leblanc m'a contacté. Il était Directeur du Tour de France et cherchait un Régulateur. J'ai fait ma dernière course sur les Championnats de France, le dernier dimanche de juin. Le lendemain, je travaillais pour la société du Tour de France, et une semaine plus tard j’exerçais la fonction de Régulateur. Je me suis formé sur le terrain avec les autres Régulateurs, qui avaient beaucoup plus d'expérience. »

Deux décennies plus tard, Paolo Longo Borghini disputait lui aussi sa dernière saison en tant que coureur professionnel lorsqu'il a reçu un appel similaire de Mauro Vegni (Directeur des courses cyclistes pour RCS Sport, l'organisateur du Giro d'Italia parmi d’autres courses de l’UCI WorldTour). Mais il a fallu un peu plus de temps pour opérer la transition entre sa fin de carrière en 2014, après 14 ans de professionnalisme, et ses débuts sur la moto de Régulateur, lors de Tirreno-Adriatico en 2016. « J'ai commencé par suivre des courses depuis les voitures d'organisation pour comprendre comment ça se passait de ce côté-là d'une course », explique-t-il.

Les deux se rejoignent sur ce constat : « On ne s'improvise pas Régulateur du jour au lendemain. »

« Par sa mobilité, son expérience et sa profonde connaissance du parcours, il permet d’assurer une certaine sérénité sur l’épreuve entre les différents acteurs et ainsi assurer la sécurité des coureurs », explique le Guide UCI du Régulateur sur les épreuves sur route. Au minimum, un régulateur est d’ailleurs exigé sur chacune des épreuves de l’UCI WorldTour, conformément au cahier des charges organisateurs UCI WorldTour. »

« Je n'aime pas trop cette manière de dire, mais on est le gendarme de la course pour assurer la sécurité en accord avec le Jury des Commissaires et l'organisateur de l'événement, résume Laurent Bezault. Les Commissaires sont responsables de l'aspect sportif de la compétition, mais il y a des règles de circulation dans ce qu'on appelle l’"échelon course". Le Régulateur est là pour les faire respecter et il anticipe ce qui arrive, grâce à son expérience de coureur et sa connaissance de la course et du parcours. »

La plupart des événements comptent plus que la limite inférieure d’un Régulateur. Et leur travail commence bien avant la course. « Si on prend les Championnats du Monde Route UCI, on est allés sur le circuit avec deux autres Régulateurs un mois avant les courses, raconte Paolo Longo Borghini. On a examiné le circuit, les zones de départ et d'arrivée, tout ce qu'il y a autour du parcours, pour connaître le terrain et les problèmes qui peuvent surgir. Il est très important d'avoir un plan bien établi avant la course. »

Cette préparation permet de mieux indiquer les points dangereux aux coureurs et de prendre de meilleures décisions une fois la course lancée et les participants éparpillés sur plusieurs kilomètres. « Si le peloton se rapproche de l'échappée et qu'il y a beaucoup de véhicules intercalés, il faut connaître les changements de route à venir », illustre Bezault. Mais même le Régulateur le mieux informé doit s'attendre à connaître des journées mouvementées.

« Dans 99 % des cas, je ne sais pas qui a gagné l'étape, pour être honnête », assure Paolo Longo Borghini. Au moment où l'excitation embrase la course et le public, le Régulateur doit en effet rester maître des événements dans un environnement en ébullition. « Le premier sprint d'un Grand Tour est particulièrement chaotique, précise-t-il. Les sprinteurs veulent la victoire, les prétendants au général et les leaders veulent être à l'avant pour éviter les problèmes. Les photographes se placent pour avoir la meilleure photo, mais ils ne peuvent pas être une gêne pour les coureurs... Ce sont les moments les plus stressants, pour moi et pour tout le monde. »

« On n'est pas dans un stade fermé avec des joueurs qui tapent dans un ballon, ajoute Laurent Bezault. Ça monte, ça descend, ça tourne, ça se rétrécit, il pleut, la route est en plus ou moins bon état. Donc on en revient toujours à la question de la sécurité, et c'est ce qui nous préoccupe. Tu ne veux pas que les coureurs soient victimes de chutes graves parce que tu n’as pas identifié un danger sur la route. »

Les moments de calme permettent tout de même aux Régulateurs de vivre des moments uniques pour les amoureux de cyclisme qu'ils sont restés. « Les Mondiaux de Bergen sont mon meilleur souvenir en tant que Régulateur, sourit Paolo Longo Borghini. Je n'ai jamais pu y participer en tant que coureur et c'était un rêve ; j'ai pu les faire pour la première fois à Bergen. »

Laurent Bezault se souvient d'avoir vécu aux premières loges la fameuse victoire en solitaire d'Eros Poli dans la 15e étape du Tour de France 1994, après que ce dernier eût hissé sa grande carcasse (85 kg) au sommet du Mont Ventoux. « Je le revois encore dans les derniers kilomètres dans Carpentras, se rappelle-t-il. Il enlève sa casquette, il la jette au public... C'est un moment de joie que j'ai vécu sur la moto. »