Aux racines de Tirreno-Adriatico

Entre 1953 (Lorenzo Petrucci) et 1970 (Michele Dancelli), aucun Italien n’a remporté Milano-Sanremo. C’est pourquoi Tirreno-Adriatico a été créée en 1966. De nos jours, cette course est beaucoup plus qu’une « servante » du premier des cinq Monuments. Son organisateur, Mauro Vegni, revient sur les origines de l’épreuve.

« A l’époque – nous parlons là des années soixante – le seul moyen pour un champion cycliste de préparer Milano-Sanremo était de participer à Paris-Nice, rappelle Mauro Vegni. Mais seules une ou deux des dix à douze équipes italiennes étaient invitées (par les organisateurs français). Au cours d’une discussion avec les directeurs sportifs Giorgio Albani et Waldemaro Bartolozzi, Franco Mealli, qui était à la tête du Vélo Club Forze Sportive Romane, leur a proposé d’organiser cette course par étapes qui leur était nécessaire à la préparation physique de la Primavera. Longtemps, la course a été communément appelée la ‘servante’ de Milano-Sanremo. Je dirais que jusqu’aux années 90, la seule raison d’être de cette épreuve était la préparation pour le jour J. Puis Tirreno-Adriatico est devenu un objectif en soi, à mesure que les équipes étrangères s’y sont de plus en plus intéressées, jusqu’à ce que, de nos jours, son niveau de participation n’ait plus rien à envier à Paris-Nice. Certaines années il est même supérieur.

« Mealli était connu comme organisateur de nombreuses courses cyclistes. Il était de Rome bien qu’originaire de Toscane. Ses épreuves ne se déroulaient pas seulement dans le Latium mais aussi dans les Abruzzes, les Marches, le sud de la Toscane… et il a rassemblé toutes ses connaissances de ces territoires bordés à l’ouest par la mer Tyrrhénienne et à l’est par la mer Adriatique pour inventer une nouvelle course. Sa femme a eu l’intuition de l’appeler Tirreno-Adriatico. C’est devenu – et c’est resté – la course des deux mers.

« Cette partie de l’Italie offre un formidable terrain à un organisateur de course cycliste. Il y a de tout ! En mars, il n’est pas nécessaire d’emmener les coureurs au-dessus de 2’000 mètres d’altitude. Mais en une semaine, il y a la possibilité de faire des étapes de montagne dans les Apennins, de placer des arrivées en côtes, d’emprunter les « murs » dans les Marches. Toute sorte de difficulté est disponible. On peut disséminer des étapes pour sprinteurs, pour finisseurs, pour grimpeurs, pour spécialistes du contre-la-montre… En mars, il y a toujours un risque de mauvais temps, mais cet endroit est parfait pour le sport cycliste.

« A part la première année, Tirreno-Adriatico s’est toujours terminé à San Benedetto del Tronto, mais pas systématiquement par un contre-la-montre comme c’est le cas depuis un certain nombre d’années. Mais même en 1966, il y a eu une arrivée d’étape à San Benedetto del Tronto. Nous sommes très attachés à la tradition. »

Mauro Vegni, directeur de toutes les épreuves organisées par RCS Sport dont le Giro d’Italia, a appris son métier auprès de Franco Mealli. « Je jouais au football où j’ai vécu une expérience semi-professionnelle, se souvient-il de ses jeunes années. Pour différentes raisons, ma carrière a été écourtée et je me sentais frustré dans ma vie de sportif, mais j’avais pour voisin à Rome ce monsieur Mealli avec qui j’avais une excellente relation. Il m’a pris sous son aile et m’a traité comme le fils qu’il n’a pas eu. Il m’a demandé de l’accompagner à ses courses et je me suis pris de passion pour le cyclisme. J’ai commencé à travailler dans l’organisation de Tirreno-Adriatico en 1976. »

Depuis lors, treize Italiens ont remporté Milano-Sanremo. Le dernier en date est Vincenzo Nibali, vainqueur l’an passé après avoir peaufiné sa condition sur les reliefs escarpés qu’on trouve dans le centre de l’Italie, entre les deux mers.