Bernal, un Colombien comme à la maison en Catalogne

A la Volta Ciclista a Catalunya, Egan Bernal est l'étoile montante qui catalyse toutes les attentions après sa victoire dans Paris-Nice. Le Colombien est aussi l'un des nombreux coureurs qui se sentent là comme à la maison pour avoir élu domicile à Andorre.

Voilà un an, Bernal était sur le point de récolter son premier podium sur l’UCI WorldTour, à la Volta Ciclista a Catalunya, après son transfert de l’équipe Androni Giocattoli-Sidermec au Team Sky au milieu d'un contrat de quatre ans. Mais il était tombé lourdement dans le final de la dernière étape, à Barcelone, et avait dû abandonner. Il avait retrouvé la santé à temps pour remporter l’Amgen Tour of California en mai, et gagner sa sélection dans le Team Sky pour le Tour de France, au service – remarqué – de Geraint Thomas et Chris Froome, premier et troisième à Paris, alors que ses débuts dans les Grands Tours étaient initialement prévus à la Vuelta a España.

Bernal est un jeune coureur de 22 ans particulièrement humble. Malgré sa victoire précoce au Tour de l'Avenir, il a continué à faire profil bas, déclarant : « Je ne sais pas si je gagnerai un Grand Tour un jour. Trois semaines de course, c'est une autre histoire ! » Il est désormais le plus souvent cité comme le premier Colombien appelé à remporter le Tour de France. En quelque sorte, il a déjà endossé le costume de Nairo Quintana, vainqueur du Giro et de la Vuelta mais pas encore parvenu à réaliser son fameux #sueñoamarillo (rêve jaune). Les deux stars colombiennes ont pris les deux premières places de Paris-Nice, mais c'est bien le plus jeune des deux qui s'est paré de jaune sur la Promenade des Anglais.

Le Team Sky a désigné Bernal comme son leader pour le Giro d'Italia cette année, après quoi il est également supposé retourner au Tour de France dans un rôle d'équipier de Thomas et Froome. Après Paris-Nice, la Volta Ciclista a Catalunya est son deuxième objectif européen de la saison en matière de course par étapes. Ensuite, il a prévu de s'entraîner un mois en altitude en Colombie. Sa ville, Zipaquirá, se situe à 2’500 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle est connue pour sa cathédrale de sel, « la plus belle attraction touristique du pays », selon l’espoir colombien.

En Europe, il vit à Andorre, là où il s'était adjugé la médaille de bronze aux Championnat du Monde UCI de mountain bike cross-country Olympique chez les Juniors, voilà seulement trois ans et demi. Il n'avait encore pratiquement pas couru sur route mais était prêt à franchir le pas à la suite de sa désillusion après avoir échoué dans sa conquête du maillot arc-en-ciel. Le manager italien Gianni Savio était si bien informé qu'il lui proposa un contrat de quatre ans malgré son inexpérience de la route, qui ne l'a pas empêché de terminer dans le top 20 de sa première course par étapes, La Méditerranéenne, en France. Sa success story est partie de là.

Bernal a tenu à recourir la Volta Ciclista a Catalunya malgré sa désillusion de l'an passé. Il se sent en quelque sorte à la maison dans cette partie de l'Europe, et c'est le cas de nombreux cyclistes pros actuels, bien que la Catalogne ne compte pas de grands champions en ce moment. Enric Mas, deuxième de la Vuelta 2018, vient de l'île voisine de Majorque. Il est l'un des nombreux coureurs à avoir récemment déménagé à Andorre. Julian Alaphilippe, le nouveau numéro un mondial et vainqueur de Milano-San Remo, en est un autre. Ils ont suivi le chemin tracé il y a dix ans par Joaquim Rodriguez, pur Catalan de Parets del Vallès qui s'est installé dans la principauté au milieu des Pyrénées, où la langue officielle est le... catalan.

Depuis les années 90, des douzaines de pros se sont installés chaque année en Catalogne. Le mouvement a été lancé sur la recommandation aux Américains de l'ancien pro danois Johnny Weltz, devenu directeur sportif de l'US Postal. Cette province du nord de la Catalogne a vu s'entraîner de fameux champions, souvent dans leur côte de référence, celle de Roccacorba, où, par exemple, le Canadien Ryder Hesjedal a préparé sa victoire au Giro 2012, aux dépens de... Rodriguez, contre la montre, le dernier jour à Milan. L'aéroport de Barcelone, qui dessert aussi Andorre, est devenu la destination et le point de départ commun à une grande partie du peloton.

La Catalogne est un haut lieu historique du cyclisme espagnol avec une identité régionale très forte qui trouve toute sa place dans l'UCI World Tour. Le premier vainqueur colombien du Tour de France se sera peut-être entraîné en Catalogne, car les cyclistes installés à Andorre franchissent souvent à vélo la frontière avec l'Espagne.