Comme le récent Tour de France, le Binck Bank Tour perpétue la légende du « Muur ». Depuis 2012, l’épreuve belgo-néerlandaise connue précédemment sous le nom d’Eneco Tour s’achève au sommet de la côte mythique de Grammont.
Les légendes du cyclisme sont construites non seulement autour des champions, mais aussi des lieux, à l’image des côtes qui poussent les coureurs à se dépasser et frappent les esprits des spectateurs. Le Mur de Grammont – le « Muur », en flamand, un terme qui le présente comme encore plus effrayant – est une côte d’un kilomètre menant de la rivière Dendre qui irrigue le centre-ville au sommet de l’Oudenberg (littéralement la vieille côte), 110 mètres plus haut. Sa déclivité moyenne est de 9 % avec un maximum de 20 % dans une portion de pavés agencés en biseaux au XIXe siècle de sorte que les charrettes ne dévalent pas la pente. Cela rend particulièrement ardue la tâche de l’escalader à vélo, surtout lorsque la chaussée est boueuse et mouillée.
Le « Muur » est un haut lieu du cyclisme depuis des décennies : il est apparu sur le parcours d’une course entre Gand et Gand en 1950 et a souvent été l’avant-dernière et décisive difficulté du Tour des Flandres. Il a disparu du parcours quand la zone d’arrivée a été déplacée de Meerbeke à Audenarde en 2012, ce qui a donné lieu à des débats et expressions de sentiments nostalgiques. Cinq ans plus tard, en 2017, le « Muur » a opéré son retour : situé à 95 kilomètres de l’arrivée, c’est là que Philippe Gilbert a entamé sa chevauchée épique vers l’arrivée.
Depuis l’an passé, l’Omloop Het Nieuwsblad qui donne le coup d’envoi de la saison professionnelle belge reprend l’ancien final du Tour des Flandres avec le « Muur » avant le Bosberg.
Le Tour de France étant parti de Bruxelles cette année, les organisateurs ont fait un clin d’œil au cyclisme flamand en positionnant le « Muur » et le Bosberg au commencement de la première étape. Dans sa conférence de presse d’avant-course, Greg Van Avermaet s’était gardé de révéler ses plans, mais aussitôt après l’arrivée, il a admis qu’il s’était fixé comme objectif de passer en tête au « Muur » dès que Guido De Padt, le Bourgmestre de Grammont, eut exprimé en décembre 2017son désir de voir passer le Tour dans sa ville. Premier au sommet signifiait porter le maillot à pois pendant deux jours au minimum. C’était l’ambition de nombreux coureurs belges dont Frederik Backaert de Wanty-Groupe Gobert, l’enfant du pays (sa ferme se trouve à Michelbeke à seulement 15 kilomètres de là), mais le Champion Olympique a eu le dernier mot.
Greg Van Avermaet va de nouveau escalader le « Muur » ce 18 août, mais la ligne d’arrivée du Binck Bank Tour sera tracée à mi-pente, sur une portion pavée, et non au sommet devant l’église néo-baroque d’Oudenberg – qui donne son autre nom à la colline, aussi appelée Mur de la Chapelle. Philippe Gilbert est un autre concurrent célèbre du Binck Bank Tour. Gilbert est un autre protagoniste de premier plan du Binck Bank Tour. Les fans belges de cyclisme adorent les histoires impliquant Gilbert et Van Avermaet. Leurs chemins se sont souvent croisés au cours des dix dernières années, parfois équipiers, chez Silence-Lotto et BMC Racing Team, mais le plus souvent rivaux. Van Avermaet est Flamand et Gilbert est Wallon, mais tous les deux sont appréciés de tous les Belges pour le respect qu’ils expriment envers les deux communautés, les deux langues (français et flamand) et les deux formes de cyclisme : pavés en Flandres, côtes dans les Ardennes.
Le Binck Bank Tour comporte à peu près tout ce que les routes belges et néerlandaises peuvent offrir : l’exposition aux vents et quelques secteurs pavés, des côtes autour d’Houffalize, également région de mountain bike populaire depuis longtemps, avec notamment la côte Saint-Roch avec ses passages à 20 %, et un contre-la-montre individuel de 8,4 kilomètres dans les rues de La Haye, où siège le gouvernement des Pays-Bas, avant le dénouement à Grammont dont le « Muur » sera précédé des Berendries, Leberg, Valkenberg, Ten Bosse, Bosberg, Onkerzelestraat et Denderoordberg, soit autant de secteurs pavés régulièrement empruntés par les courses de cette région folle de cyclisme.
Dès lors que l’histoire fait autant que la géographie pour le succès du cyclisme belge, la troisième étape autour d’Aalter est un hommage à Briek Schotte, car elle emprunte le pavé de Kanegem, la ville natale de celui qui est resté dans l’histoire comme « le dernier des Flandriens » et qui aurait eu cent ans cette année. Le terme « Flandrien » ne se rapporte pas seulement aux origines flamandes mais englobe un art de vivre et un amour infini pour la pratique du sport cycliste dans des conditions particulièrement difficiles. Briek Schotte est décédé il y a quinze ans. Heureusement, il y a eu plusieurs « derniers Flandriens » depuis, entre Johan Museeuw, Tom Boonen et Greg Van Avermaet, qui ont déjà des successeurs désignés dans une histoire qui n’est pas près de s’arrêter puisque la relève s’annonce avec, notamment, Jasper Philipsen et… Remco Evenepoel qui semble capable de tout faire sur un vélo.