De même que l’initiative ciclovia, qui offre à des millions de personnes un accès hebdomadaire à des routes sans voiture, Bogota possède un autre précieux joyau lié au vélo : les ciclorutas. Il s’agit du plus vaste réseau mondial de pistes cyclables, déployant environ 300 km de routes réservées aux cyclistes.
Le système des ciclorutas offre aux citoyens un moyen de transport alternatif à la fois sûr et abordable – deux attributs qui sont particulièrement important pour cette zone urbaine comptant 7,6 millions d’habitants et qui affiche un taux record d’inégalité des revenus.
Les ciclorutas ont vu le jour pendant les mandats de maires visionnaires. Antanas Mockus et Enrique Peñalosa, les alcaldes chargés d’administrer Bogota entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, étaient sensibles aux questions relatives au transport durable, à la promotion de l’activité physique et au bien-être de la population indépendamment de leur position sociale.
Grâce à leur façon de voir les choses, entre 300’000 et 400’000 déplacements à vélo sont effectués chaque jour sur le réseau – et bon nombre d’entre eux, par des citoyens provenant de zones à faible revenu. Selon une étude menée en 2013, 85% des usagers des ciclorutas de Bogota disposent d’un revenu mensuel égal ou inférieur à 487 dollars et, constatation frappante, 83% ne possèdent pas un véhicule motorisé. Les ciclorutas sont un vecteur d’autonomisation de ces personnes.
Au terme du mandat de Peñalosa, près de 40% de Bogotanais ont évalué son administration comme étant «excellente».
Tout en répondant aux besoins en termes de mobilité, les ciclorutas peuvent être considérées comme servant deux objectifs sociaux.
La promotion de la santé
Les ciclorutas permettent aux citoyens disposant d’un faible revenu de satisfaire les niveaux recommandés d’activité physique (pour les adultes, cela signifie au moins 150 minutes d’activité modérée par semaine) simplement en utilisant un vélo comme moyen de transport. Selon les conclusions d’un recensement conduit aux Etats-Unis, les personnes des ménages disposant d’un revenu inférieur à 15’000 dollars, sont potentiellement trois fois plus exposées à un style de vie sédentaire que les personnes des ménages disposant d’un revenu supérieur à 50'000 dollars. Ils sont également beaucoup plus susceptibles d’être diagnostiqués comme souffrant de diabète ou d’asthme, d’être obèses et de rencontrer des problèmes de santé liés au manque d’exercice. Le fait de vivre dans des zones et communautés de faible statut socioéconomique est une entrave manifeste à l’activité physique. Une des causes de cet état de fait est le manque d’accès à des parcs ou à des infrastructures de loisirs. Bogota ne faisant pas exception à ces schémas, les ciclorutas ont un impact positif sur la santé publique. Un environnement social et physique stimulant est essentiel pour encourager un plus grand nombre de personnes à faible revenu à adopter un mode de vie plus actif.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour accroître le sentiment de sécurité. Neuf utilisateurs de ciclorutas sur dix sont de sexe masculin, et 30% d’entre eux ne se sentent pas encore en sécurité sur leur vélo. Les craintes en matière de sécurité ont aussi un effet dissuasif quand il est question d’activité physique.
L’intégration sociale
Les personnes disposant d’un faible revenu doivent généralement effectuer de plus longs et plus coûteux trajets pour se rendre à leur travail que les personnes dont le revenu se situe dans une fourchette plus élevée.
La conception du réseau de pistes cyclables de Bogota tient compte de cette réalité et vise à faciliter leurs déplacements dans la ville. Le système a été planifié de manière à s’étendre jusqu’aux quartiers où la demande de transport est la plus élevée – en particulier ceux situés le plus à l’écart du centre-ville, dans les zones sud. Le réseau comporte des artères principales, des bretelles de raccordement et des voies secondaires. Ses parcours relient le service d’autobus de la ville, le TransMilenio, permettant aux citadins de combiner cyclisme et transport public, réduisant ainsi leur dépendance vis-à-vis des véhicules privés.
Cependant, au terme d’une étude d’accessibilité, un chercheur néerlandais a conclu que les ciclorutas ont encore besoin d’être améliorées et développées afin d’offrir un niveau d’accessibilité plus élevé dans toute la ville.
De vastes campagnes de sensibilisation ont été menées dans le but de changer la perception selon laquelle les vélos sont inférieurs aux véhicules motorisés. Il faut aussi investir davantage dans l’éducation, la surveillance et la sécurité mais Bogota est en bonne voie pour faire du cyclisme une alternative viable de transport. Les villes d’autres pays en développement sont invitées à emboîter le pas…