Ce que la science peut apporter au cyclisme sur piste

A l’approche des Championnats du Monde Piste UCI 2022, nous observons comment la technologie et l’exploitation de données ont contribué au nouvel élan des cyclistes canadiens.

En 2021, la conférence « Science and Cycling », pèlerinage annuel pour les plus grands scientifiques du sport, physiologistes et entraîneurs de cyclisme du monde venus discuter des innovations récentes et des futurs domaines d'expérimentation, s'est tenue en Belgique. Une intervention de Kurt Bergin-Taylor figurait au programme de deux jours de présentations et de séminaires passionnants. Entraîneur pour le Team DSM, Bergin-Taylor a concentré ses recherches sur son travail pour le programme de la sélection canadienne olympique sur piste et sur la façon dont la science appliquée a permis à l’équipe de progresser.

Lorsque Bergin-Taylor a rejoint Cyclisme Canada, la Fédération travaillait déjà depuis plusieurs années sur la question du couple. Il a fait partie d'une équipe composée d'un groupe d'experts pour continuer à développer cette approche.

Avant les Championnats du Monde Piste UCI 2022 de Saint-Quentin-en-Yvelines, en France, où des stars comme la Canadienne Kelsey Mitchell viseront l'or, nous observons les changements que ce séminaire, où Bergin -Taylor a présenté et expliqué l’approche scientifique de Cyclisme Canada, a pu amener.

Des démarreurs lents

« Lorsque notre équipe a disputé les Championnats du Monde Piste UCI 2020 de Berlin, en Allemagne, nous avons remarqué que nous étions en difficulté dans les deux premiers tours en termes de vitesse maximale. C'était particulièrement le cas de nos coureuses, explique Bergin-Taylor. Nos départs lancés étaient comparables aux meilleurs, et nous pouvions maintenir un niveau de vitesse assez élevé. Mais nos efforts debout sur les pédales étaient insuffisants ; nous n’avions pas la capacité de générer de la force à ce stade précoce. On y perdait. »

L’équipe de Cyclisme Canada s’est réunie pour discuter du problème, dont elle a établi qu’il venait du couple, soit la mesure de la force exercée sur un objet qui entraîne sa rotation. Pour simplifier, le couple est la force exercée à chaque coup de pédale. La puissance est le résultat de cette force et de la fréquence de pédalage. Le couple est fondamental dans toutes les sphères du cyclisme, mais tout particulièrement sur la piste, où non seulement il faut générer de la force avec un départ arrêté, mais où en plus les athlètes utilisent un vélo à pignon fixe, et où ils ne peuvent donc pas s’appuyer sur de plus petits braquets pour se lancer.

« Que pouvons-nous faire pour améliorer le couple, se sont-ils demandés ? Nous pouvons travailler dans la salle de gym, bien sûr, et sur le vélo. Cette dernière option est sans doute favorable en étant 100 % spécifique à la discipline, mais que pourrions-nous faire précisément pour améliorer le couple sur le vélo ?

« C'est là que nous avons utilisé un protocole via l'application de smart trainer Tacx Utility, explique Bergin-Taylor. Il y a un mode isocinétique, où peu importe la force exercée, la vitesse est fixe ; il est donc utile de s'entraîner avec peu de tours par minute. Vous avez également le mode isotonique, qui vous aide à appliquer une force constante tout au long du coup de pédale. »

Efforts maximaux, récompenses maximales

Deux fois par semaine, l'entraînement de force et de conditionnement des coureurs canadiens a été remplacé par trois séries d'efforts maximaux de quatre secondes, comprenant jusqu'à 12 répétitions à chaque fois, avec deux minutes de repos entre les séries. « Ce fut un travail acharné, mais cela a porté ses fruits puisque 66 % des participants ont établi de nouveaux records personnels en poursuite individuelle sur 3 km », explique Bergin-Taylor. La plus grande réussite a été celle de Kelsey Mitchell. La coureuse de 28 ans n'a commencé le cyclisme sur piste qu'en 2018 après avoir s’être consacrée au football, à la gymnastique et au basket dans sa jeunesse. Après trois ans d’entraînement sous la houlette de l’entraîneur Franck Durivaux, Mitchell s’offrait l’or dans la vitesse individuelle aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Elle a également remporté le bronze de la même spécialité aux Championnats du Monde Piste UCI 2021 de Roubaix, en France.

Cyclisme Canada a ensuite observé comment ses recherches sur la piste pouvaient s’appliquer sur la route. « Si on prend un sprint sur route avec une cadence variable et des demandes de couple variables en jouant sur les braquets, on peut commencer à identifier les zones tactiques qui sont des points forts pour le cycliste, explique Bergin-Taylor. Si vous avez un sprint, par exemple, et que vous savez où votre coureur est le plus fort en termes de couple, ça peut vous donner des informations essentielles avant par exemple une arrivée en montée pour laquelle vous savez que le couple nécessaire est plus élevé. La puissance est influencée par le couple et la cadence. Avec des données de puissance similaires, celui qui a un couple plus élevé peut l'emporter sur le rival avec moins de couple mais une cadence plus élevée en raison de ces exigences de couple élevées en montée.

« De plus, lorsque vous connaissez la cadence optimale à laquelle la puissance est produite, vous pouvez jouer avec la sélection des braquets, a-t-il ajouté. Nous savons que certains sprinteurs atteignent la puissance maximale à une cadence de 120 tours/min, mais si on regarde les données, on voit qu'ils sprintent en fait à 100 tours/min parce qu'ils ont passé le 54/11. Ils le font à chaque fois. On peut ensuite les éduquer et leur expliquer qu’ils sprintent plus vite avec un 54/13 qui leur permet d’atteindre 120 tr/min. »

Bergin-Taylor a terminé en décrivant les gains aérodynamiques offerts par l'équipement et la façon dont des ajustements mineurs des prolongateurs avaient entraîné une réduction du coefficient de traînée et une augmentation de la vitesse. « Les prolongateurs en titane imprimés en 3D ont vraiment aidé à rendre l'ensemble de la configuration plus propre », a-t-il conclu.

La différence entre la victoire et la défaite au niveau mondial peut se résumer à quelques millimètres. Le travail intensif du Canada portera-t-il ses fruits en France ? Nous ne tarderons pas à le découvrir.