Ne plus pouvoir profiter de l’un des plaisirs les plus simples de l’existence – la vie au grand air – est ce qui pèse le plus au Colombien Pablo Alejandro Wilches depuis qu’il est confiné chez lui à Facatativá, près de Bogota, la capitale de son pays.
Pablo est l’un des sept membres de l’équipe Route Moins de 23 ans du Centre Mondial du Cyclisme (CMC) UCI, qui après avoir passé le début de l’année au Centre, à Aigle (Suisse), ont tous dû rentrer chez eux en raison de la pandémie de coronavirus. Ils attendent désormais avec impatience la levée des restrictions, afin de pouvoir retrouver leur centre d’entraînement de haut niveau.
« C’est dur de rester à la maison toute la journée sans sentir un peu de soleil ou de vent sur mon visage, mais nous devons tous prendre nos responsabilités et respecter les règles », concède Pablo Wilches (20 ans).
A Facatativá, les autorités n’autorisent qu’une heure d’activité en extérieur par jour, entre 6 h et 7 h du matin, sans s’éloigner de plus d’un kilomètre de son domicile.
« Je m’entraîne surtout sur home trainer et je fais des réunions vidéo avec le kiné du CMC UCI pour pratiquer des exercices de renforcement musculaire et des étirements. Je me concentre sur mes objectifs, et je continue à rêver et à m’entraîner pour devenir cycliste professionnel. Faire partie de l’équipe du CMC UCI est une grosse source de motivation ; c’est un rêve qui se réalise. Peu de coureurs dans le monde ont cette chance. »
« Mon entraîneur joue un rôle crucial. Il m’aide à rester motivé et en bonne condition physique. Il prend toujours de mes nouvelles, il me motive, il m’aide. »
Cet entraîneur, c’est le Canadien Richard Wooles. Depuis Aigle, il reste en contact quotidien avec ses athlètes : « Ils ont des hauts et des bas. Ils peuvent avoir de très bonnes journées, durant lesquelles ils font d’excellents entraînements, avant de traverser des périodes plus difficiles.
« Leur motivation aussi fluctue ; c’est normal. Savoir gérer ces mauvaises passes, c’est le plus important. C’est à ce moment-là qu’il faut leur parler. Nous discutons de ce qu’ils peuvent faire, en laissant volontairement de côté les choses qui leur échappent. On réfléchit ensemble aux paramètres qu’ils peuvent contrôler, aux éléments sur lesquels ils peuvent influer et aux choses qu’ils doivent simplement accepter. »
Avec des coureurs dispersés entre l’Afrique du Sud, le Maroc, le Canada, la République tchèque, l’Ethiopie, l’Erythrée et la Colombie, Richard Wooles a dû adapter ses entraînements au cas par cas. Pour certains coureurs du CMC UCI qui ne disposent que d'un accès limité à internet voire ne peuvent y accéder, il peut être très compliqué d'organiser un entraînement virtuel ou des sessions vidéo de groupe (pour prendre deux exemples très courants à l'heure actuelle).
« Certains ont pu reprendre le cyclisme en extérieur, d’autres ne peuvent pas du tout quitter le domicile familial, explique Wooles. Les objectif varient d'un athlète à l'autre : certains ont besoin de buts à court terme, d’autres doivent rêver du moment où ils feront leur retour sur les routes. Une partie d'entre eux n'a pas vraiment envie de penser à la suite. Ceux-là doivent simplement prendre du plaisir sur leur vélo pour l’instant. Nous sommes tous différents, et la priorité, c'est de rester optimiste et de se projeter vers l’avenir. »
Le Canadien poursuit : « Le rôle de l’entraîneur est complexe. Il ne se résume pas à aider les athlètes à aller plus vite sur leur vélo. Il faut les accompagner dans leur évolution et leur donner les moyens de faire face à l’adversité. »
A l’instar de son coéquipier colombien, le Sud-Africain Tiano da Silva trouve que le manque d’air frais est l’une des choses les plus dures à supporter : « Deux jours après mon arrivée, le gouvernement a annoncé un confinement généralisé en Afrique du Sud pour une durée de trois semaines. Je n’en revenais pas. En deux jours, je suis passé d’une situation où je roulais à l’extérieur dans l’un des meilleurs pays au monde pour faire du vélo, au confinement, sur mon home trainer ! »
Il a maintenant le droit de sortir à vélo entre 6 h et 9 h du matin, sans dépasser un rayon de cinq kilomètres autour de son domicile de Johannesburg.
« Ma première sortie a été un vrai bol d’air. Tout est devenu plus clair et j’ai pu oublier un peu cette pandémie », explique da Silva.
Pour le Sud-Africain, une journée type consiste aujourd’hui en deux séances sur le vélo, entrecoupées d'exercices et de musculation. Malgré les sessions vidéo en groupe, l’environnement de l’équipe, l'entraînement en compagnie de ses amis et l'organisation des journées au CMC UCI sont autant d'éléments qui lui manquent.
« Chez moi, j’ai beaucoup de temps libre et je cherche souvent de quoi m’occuper. Au CMC, c’est l’inverse : j’essaie de trouver du temps pour me reposer après une dure journée d’entraînement.
« J’ai hâte de retrouver la structure d’équipe et les infrastructures du CMC à mon retour en Suisse. »
Pourtant bien mieux loti que la plupart de ses coéquipiers, le Canadien Riley Pickrell partage cet avis : après deux semaines de quarantaine à son arrivée sur le sol canadien, il a pu s’entraîner en extérieur sur l’île de Vancouver. « Toutes les personnes que je connais sont en bonne santé et respectent les directives de distanciation sociale grâce auxquelles le Canada n’est pas trop touché, explique l’athlète de 18 ans. En raison de la faible présence du virus dans l’Ouest canadien, j’ai relativement peu de restrictions pour m’entraîner. Mais j’ai hâte de retourner en Suisse pour retrouver nos longues sorties collectives et mon cadre d’entraînement habituel. »
Un sentiment auquel Pablo Wilches fait écho : « En arrivant à Aigle, j'irai directement dans ma partie préférée de la ville, pour profiter de cette vue magnifique. J'en profiterai pour remercier la vie de me donner la chance de retourner en Europe et de continuer à construire mes rêves ! »