Pour donner à voir de l’intérieur ce que représente la mission d’un Juge UCI dans le monde du BMX, nous avons discuté avec le Consultant BMX Freestyle UCI Bart de Jong. Investi dans la discipline depuis 1979, le Néerlandais originaire de Helmond est en effet bien placé pour en parler, lui qui a pu observer son développement international sur quatre décennies.
Il s'agit d'une discipline relativement neuve pour l'UCI. A-t-on formé beaucoup de Juges ?
Bart de Jong : A vrai dire, pas tant que ça. Cela fait cinq ans qu'on se retrouve pour discuter du développement du sport et de la notation. On observe ce qui peut être amélioré, on juge des coureurs sur vidéo et on compare les résultats, pour que tout le monde soit sur la même longueur d'ondes et que les coureurs sachent à quoi s'attendre sur les événements UCI. Ça devient difficile avec 69 événements UCI au programme (en 2019) sur lesquels officient souvent des Juges locaux. Depuis deux ans, nous avons ouvert le séminaire pour les Juges aux représentants des Fédérations Nationales, pour qu'ils puissent ensuite transmettre leur savoir dans leur pays lors d'événements C1 ou lors des Championnats Nationaux.
Ces deux dernières années, on a aussi reçu l'assistance d'un Secrétaire BMX pour les inscriptions, la programmation des événements et les résultats. A part ça, la plupart des tâches me sont revenues.
Quels sont les différents officiels présents sur les épreuves de BMX Freestyle et que font-ils ?
BdJ : Les Juges notent les participants, le Secrétaire s'occupe des inscriptions, des listes et des résultats, tandis que le Délégué Technique s'occupe de l'état du park, de la liaison avec l'équipe médicale, ainsi qu’avec l'organisateur pour les questions de sécurité, de programme et de télévision. Le Délégué Technique gère aussi les aléas de la météo.
Combien de Juges sont nécessaires sur une manche de Coupe du Monde UCI ou lors des Championnats du Monde UCI ?
BdJ : L'idéal serait d'avoir cinq Juges par discipline et un Juge en chef. Ce n'est pas toujours le cas pour toutes les disciplines sur tous les événements, mais on s'en approche. Quelqu'un s'occupe du chrono, une autre personne gère les inscriptions, le Délégué Technique... Il peut y avoir 14 personnes dans une bonne équipe pour les Mondiaux UCI.
A quoi ressemble une journée « typique » de compétition en coulisses ?
BdJ : Vous êtes le premier à quitter l'hôtel et le dernier à y revenir. C'est comme un nouveau puzzle à chaque fois, et chaque pièce est importante. S'il en manque une, il faut la remplacer.
Le parcours doit être en bon état. Il faut que l'équipe médicale (médecin et ambulance compris) soit là. Les athlètes doivent savoir quand ils entrent en scène. Et les médias ont besoin de savoir ce qu'ils peuvent faire. Les entraîneurs veulent des réponses, les Juges ont besoin de manger… tout doit être en place quand la compétition commence, le chronomètre doit fonctionner, le speaker a besoin de batteries pour son micro, les DJs doivent être installés avec tout ce qu'il faut pour la musique, il faut que les réseaux de communication soient prêts, etc….
C'est une journée entière de micro-gestion, en espérant qu'il ne pleuve pas, parce que sinon, il faut tout recommencer.
Quelles sont les qualités nécessaires pour travailler sur un événement de BMX Freestyle ?
BdJ : Je valorise l'expérience. La flexibilité. Et le bon sens. On a une super équipe sur les événements, et c'est ce dont on a besoin pour que les choses fonctionnent.
Est-il nécessaire d'avoir été un athlète soi-même ?
BdJ : Ça dépend du rôle à tenir, mais oui, évidemment, c'est toujours un plus, et c'est presque indispensable d'avoir de l'expérience dans le BMX et l'événementiel. On ne peut pas noter si on ne pratique pas le BMX ou si on ne l’a pas pratiqué auparavant. Comprendre le BMX est essentiel.
Les Juges sont-ils qualifiés pour travailler aussi bien sur les épreuves de Park que de Flatland ?
BdJ : Les Juges du Park et ceux du Flatland ne sont pas les mêmes. La spécialisation est trop poussée pour qu’une même équipe puisse noter les deux disciplines. Je dirais que le Flatland est trop différent pour les Juges de Park, et même si la plupart d’entre eux pourraient officier sur un concours de Dirt, de Mini-ramp, de Vert ou de Street, on ne peut pas leur demander de noter du Flatland.
Y a-t-il suffisamment de Juges pour une discipline en croissance ?
BdJ : On pourrait en avoir plus pour gérer les événements de BMX Freestyle au niveau national et même au niveau continental, de sorte que l'organisateur n'ait pas besoin de faire voyager une équipe de Juges UCI qualifiés. Avoir un Juge UCI dans le panel serait déjà bien, parce que celui-ci peut expliquer aux autres comment ça se passe sur les événements UCI.
Avec le développement de la discipline, les besoins augmentent dans tous les domaines. On est passé de cinq événements en 2016 et 2017 à 24 en 2018, puis on a bondi à 69 en 2019.
Les Juges sont-ils des transfuges d'autres disciplines ou viennent-ils du BMX Freestyle ?
BdJ : Les gens qui travaillent sur les événements UCI ont tous acquis de l'expérience avant 2016, la plupart du temps en tant que Juges. Il est impossible de juger un événement de BMX Freestyle si on ne vient pas de la discipline. Avoir une bonne relation avec les athlètes permet de comprendre leurs besoins pour y répondre au mieux. Là aussi, la connaissance du BMX Freestyle est essentielle. Personnellement, je ne pourrais jamais travailler sur la route, la piste ou en cyclo-cross, parce que je ne maîtrise pas entièrement ces disciplines.
Avez-vous un souvenir particulier en lien avec vos missions sur les événements de BMX Freestyle ?
BdJ : Les Jeux Olympiques de la Jeunesse de Buenos Aires 2018, en Argentine, et les World Urban Games 2019 de Budapest, en Hongrie, se sont très bien passés. J'aime quand un plan se déroule parfaitement.
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans ce boulot ?
BdJ : Apporter aux coureurs ce dont ils ont besoin, autant que faire se peut, et ce n'est pas toujours facile. Essayer de préserver l'esprit du BMX Freestyle et améliorer ce qui peut l'être. Voir les coureurs et leur encadrement dans différents endroits autour du monde. Être aux premières loges pour voir de nouvelles figures. Voir que les femmes progressent événement après événement en Park. Amener le BMX Freestyle dans des endroits où on ne l'aurait jamais imaginé arriver... Je pourrais continuer encore et encore !
Et qu'est-ce qui est le plus difficile ?
BdJ : Gérer les conditions météo. Et évidemment, le BMX Freestyle est un sport de notation : il ne peut y avoir qu'un seul vainqueur, ce qui suscite toujours de la déception chez les autres coureurs et leurs supporters.