Donna Rae-Szalinski : directrice sportive et fière de l’être

Contrôler ce qui peut l’être, faire face à l’imprévu et prendre du plaisir.

Cela résume plus ou moins la philosophie de Donna Rae-Szalinski lorsqu’elle évoque son rôle de directrice sportive de l’Équipe Féminine UCI Wiggle High5.

Ses « filles », comme elle les appelle, l’ont surnommée « Maman Ours ». Ses 57 ans en font peut-être une figure maternelle, mais c’est quelqu’un qui n’a pas sa langue dans sa poche et elle encourage son équipe à en faire de même. À ne pas tourner autour du pot et à se dire les choses en face.

« J’essaie de construire une culture de la communication », explique-t-elle. « Il n’y a rien que les filles ne puissent me dire, et vice versa, si cela est fait avec respect. Nous avons beaucoup de discussions enrichissantes. »

Cette franchise serait ainsi propice à des débriefings d’après-course constructifs et positifs, bien qu’ils puissent parfois être tendus selon les situations.

« Après une bonne course, elles parlent généralement dans le bus, sur le chemin de l’hôtel », note la dirigeante. « Mais si les choses ont mal tourné, je les laisse se calmer et nous discutons plus tard. »

Les courses de vélo ne sacrent qu’un vainqueur et rien ne peut être tenu pour acquis quand on connaît le nombre de talents que renferme le peloton féminin.

« Nous pouvons parfois avoir le potentiel pour l’emporter, mais sans y parvenir », poursuit-elle. « Il faut, dans ce cas, passer la course en revue et déterminer ce qui a fonctionné ou non et pourquoi. On ne perd jamais son temps à s’assoir ensemble après une course pour échanger. »

Ancienne cycliste – elle a porté les couleurs de l’Australie à la fin des années 1980 et au début des années 1990 –, Rae-Szalinski dispose de sa propre société de coaching, à Geelong, sur l’île-continent. Elle a également travaillé comme directrice sportive pour la Fédération australienne et le Victorian Institute of Sport, avant de suivre en 2015 une formation UCI pour directeurs sportifs au Centre Mondial du Cyclisme UCI d’Aigle, en Suisse.

Elle n’a pas hésité longtemps lorsque la fondatrice et représentante de l’équipe Wiggle High5, Rochelle Gilmore, l’a appelée l’an dernier pour lui offrir le poste de directrice sportive.

« Je venais juste d’arriver en Australie, depuis l’Europe, et j’étais entre l’aéroport et la maison lorsque j’ai reçu son coup de fil », raconte Rae-Szalinski. « Je voulais immédiatement dire oui, mais étant donné que mon mari se trouvait à mes côtés dans la voiture, j’ai demandé quelques jours afin d’en discuter avec ma famille ! »

Elle était finalement de retour en Europe, deux semaines plus tard, pour plonger directement dans le grand bain avec l’une des meilleures équipes du prestigieux UCI Women’s WorldTour.

« Je n’aurais pas pu rêver d’un meilleur accueil », témoigne-t-elle. « Les filles sont formidables, c’est un plaisir de travailler avec elles. Ce sont des professionnelles aguerries. Elles savent gagner des courses, j’ai de la chance d’avoir un tel groupe. »

L’Australienne a étrenné ses galons chez Wiggle High5 à l’occasion du Giro d'Italia Internazionale Femminile 2016. Giorgia Bronzini en a remporté la première étape et les coureuses ont insisté pour que leur nouvelle directrice sportive célèbre cette victoire au vin rouge, sans savoir qu’elle ne boit presque jamais d’alcool et n’aime pas le vin rouge.

Le pire restait cependant à venir pour la nouvelle membre du staff. « Nous avons connu un si bon Giro que j’étais prête à rejoindre les alcooliques anonymes à la fin de la course », sourit « Maman Ours », qui a appris depuis à « supporter » le vin rouge.

Wiggle High5 a poursuivi sur sa lancée après le Giro pour finir la saison à la deuxième place du classement par équipes de l’UCI Women’s Tour. Mais Rae-Szalinski cherche toujours à faire mieux.

« Je continue à apprendre, à connaître les filles, leurs points forts, mais aussi les différentes épreuves, notamment celles que je découvre », souligne-t-elle. « Nous abordons chaque course avec une stratégie et nous faisons tout notre possible afin d’y coller. Tout est une question de préparation. Comment allons-nous courir ? Comment les autres équipes vont-elles courir ? »

« Des imprévus peuvent toujours survenir, comme par exemple lorsqu’une coureuse importante crève ou chute à un moment critique. Il s’agit de contrôler ce qui peut l’être et de savoir s’adapter sur le moment aux autres situations. »

Demandez-lui ce qu’elle préfère dans son travail et la réponse jaillirait presque avant même que la question soit finie : « La course ! », s’enthousiasme-t-elle.

« Lorsque le départ est donné et que vous êtes dans la caravane… J’adore ça. »

« Si ce n’est plus le cas, c’est qu’il est temps d’arrêter. Je deviens tendue, évidemment, mais c’est une tension positive. Si vous n’êtes pas tendu, c’est que vous êtes suffisant et vous ne devriez pas être là. »

« L’autre aspect de mon travail que j’aime beaucoup est de passer du temps auprès des filles, de travailler avec elles et de réfléchir à la façon de faire les choses. Nous prenons également beaucoup de plaisir. Cela tient particulièrement à cœur à Rochelle. Il faut qu’il y ait du plaisir. Et c’est le cas ! »

Rae-Szalinski se sent privilégiée de pouvoir compter sur le soutien des directeurs sportifs adjoints Martin Vestby et Alexandra Greenfield afin d’accomplir, ensemble, toutes les missions du poste. Cela implique, en dehors des journées de compétition, de nombreuses tâches administratives et logistiques : contacter les hôtels et les organisateurs de courses, organiser le planning du personnel de l’équipe ou s’assurer du bien-être des coureuses. Sans oublier l’analyse minutieuse du parcours des épreuves, dont l’approche, affirme-t-elle, est devenue très scientifique.

Elle dit apprécier chaque aspect de son travail. Ou presque. Le revers de la médaille ? Passer dix heures en voiture peut-être, mais par-dessus tout les longs mois loin de sa famille, en Australie.

« Mais cela fait partie du boulot. »

La quinquagénaire estime avoir la chance de travailler à une période passionnante pour le cyclisme féminin. Le professionnalisme du peloton actuel n’a en effet rien à voir avec ce qu’elle a pu connaître au cours de sa carrière de coureuse.

« Nous avions reçu un maillot lors de ma première année sur route, pour l’Australie », se souvient-elle. « Je devais le laver dans la douche à la fin de chaque journée au Tour de France Féminin et le faire sécher à la fenêtre de la voiture. »

« Les choses ont énormément évolué, notamment au cours des deux ou trois dernières années, avec l’UCI Women’s WorldTour et la couverture médiatique accrue. »

« Le peloton féminin est en bonne place aujourd’hui », affirme Rae-Szalinski. « Il suffit de regarder le nombre d’équipes victorieuses sur le WorldTour pour voir qu’aucune d’entre elles n’écrase la concurrence. Le cyclisme féminin est imprévisible. »

« C’est appréciable quand tout se passe bien pour l’équipe, mais vous ne pouvez jamais être sûr de rien. Personne ne peut se permettre d’être trop confiant. Si la victoire est au bout, parfait. Il faut en profiter. Vous la laissez ensuite derrière pour préparer la prochaine course ! »