L’E3 BinckBank Classic, 10e épreuve de l’UCI WorldTour 2019, tient son nom de l’autoroute que borde la cité d’Harelbeke, où les spécialistes des Classiques flamandes laissent libre cours à leurs ambitions. Les médias belges appellent cette course « le petit Tour des Flandres ».
Elle est cependant beaucoup plus jeune que le Tour des Flandres, qui a célébré son centenaire en 2013. Créée à Harelbeke en 1958, elle a connu différentes appellations : Harelbeke-Anvers-Harelbeke jusqu’en 1969, Grand Prix E3-Harelbeke de 1970 à 2002, Prix E3 Vlaanderen de 2003 à 2010, Prix E3 Vlaanderen-Harelbeke en 2011, E3 Harelbeke au moment d’entrer dans l’UCI WorldTour en 2012, jusqu’à son nouveau baptême, cette année, avec l’arrivée du même sponsor que celui de la course par étapes du mois d’août. On parle maintenant de l’E3 BinckBank Classic.
Mais la curiosité reste l’ « E3 ». Ce n’est pas un sponsor. C’était la dénomination d’un réseau routier et autoroutier reliant Stockholm, en Suède, à Lisbonne, au Portugal, en vertu d’un décret européen de 1950. Harelbeke se situe en bordure de l’autoroute qui mène d’Anvers à Courtrai. Mais il ne faut pas chercher l’E3 sur une carte de la Belgique. On prend l’A17 pour se rendre à Harelbeke. E3 est devenu, pour l’épreuve qui faisait demi-tour à Anvers à ses origines, un nom générique. C’est un hommage à la construction routière qui a changé la vie des gens, et par voie de conséquence celle des cyclistes.
Voilà une Classique dans le plus pur style flamand, qui emprunte des monts pavés tels que le Mont de l’Enclus, le Taaienberg, le Paterberg et le Vieux-Quaremont. Tom Boonen est le recordman des victoires en ces lieux. En s’imposant en 2004, 2005, 2006, 2007 et 2012, il a surpassé Rik van Looy, lauréat en 1964, 1965, 1966 et 1969. Le GP E3, comme il est demeuré dans les conversations, était au départ une affaire locale. Il n’y a eu que des vainqueurs belges au cours des vingt premières années, à l’exception de l’Allemand Dietrich Thurau en 1977, mais étrangement, la liste des lauréats ne comporte par le nom d’Eddy Merckx, deuxième en 1972 derrière son compatriote Hubert Hutsebaut. L’Australien Phil Anderson en a été le premier vainqueur non-européen, en 1985. C’est la première Classique flamande – mais il s’agissait plutôt d’une semi-Classique à l’époque – au palmarès de Johan Museeuw, en 1992 (mais il avait déjà terminé 2e du Tour des Flandres l’année précédente) et aussi à celui d’Andreï Tchmil, deux semaines avant son épique victoire sur le parcours boueux de Paris-Roubaix, en 1994.
La course s’est sérieusement internationalisée au XXIe siècle, à mesure que s’est développée celle que les Flamands appellent « la quinzaine sainte », qui regroupe les épreuves précédant le Tour des Flandres. Les vainqueurs des dix dernières années sont le Norvégien Kurt-Asle Arvesen, l’Italien Filippo Pozzato, le Suisse Fabian Cancellara (à trois reprises), le Slovaque Peter Sagan, le Gallois Geraint Thomas (pas étonnant qu’il ait remporté le Tour de France comportant la plus forte dose de pavés de l’époque moderne), le Polonais Michal Kwiatkowski et le Néerlandais Niki Terpstra. Tom Boonen et Greg Van Avermaet sont les deux seuls lauréats belges récents.
La « quinzaine sainte » 2019 a commencé avec un podium de rêve puisque les trois meilleurs sprinters actuels du monde, Dylan Groenewegen, Fernando Gaviria et Elia Viviani, se sont emparé des trois premières places. Dans cette même région, la partie occidentale des Flandres, il est peu probable que l’E3 BinckBank Classic se termine pareillement par un sprint massif, car les protagonistes attendus au Tour des Flandres n’ont aucune raison de se cacher dans les monts à neuf jours du grand rendez-vous. La différence majeure entre les deux courses tient à la distance, 60 km de moins (207 contre 267). L’UCI WorldTour a aussi décuplé l’enjeu, si bien que l’intérêt dépasse désormais largement une communauté flamande célébrant la construction d’une autoroute. Le prestige du « Kleine Ronde » ne cesse de croître.