« Fort William : la relation amour-haine la plus intense qui soit ! » Voilà la formule utilisée par la quintuple Championne du Monde UCI Rachel Atherton avant la très attendue deuxième manche de la Coupe du Monde de descente Mercedes-Benz UCI 2019 (1er-2 juin) pour résumer les bonheurs et désillusions qu'elle a connues sur le parcours d'Aonach Mor.
En Ecosse, Atherton a goûté à la victoire, à plusieurs reprises, mais elle a aussi connu la malchance : chutes, blessures, problèmes mécaniques. Mais elle n'est pas la seule à voir en Fort William une terre bénie par les anges et hantées par les démons. Alors qu'est-ce que cette « terre des braves » a de si particulier pour faire vibrer les cœurs ?
La manche écossaise de la Coupe du Monde UCI est un classique, présent sur le circuit sans discontinuer depuis 2002. Ces 17 années ont offert leur lot de rebondissements, et si le parcours change régulièrement, la piste de « Fort Bill » préserve son identité : longue, rapide, pentue, technique et prête à mettre vélos et coureurs à l’épreuve.
Le site est difficile d'accès, mais les foules se pressent chaque année sur la côte est, malgré la météo capricieuse et les moustiques des Highlands. Les estimations d'affluence dépassent les 20’000 spectateurs sur les dernières éditions. Et le nombre n'empêche pas la qualité : ces fans se font entendre, ils sont connaisseurs et ont un penchant certain pour les costumes en tous genres. En plus de la piste elle-même, le prestige et l'atmosphère rendent le site unique, et beaucoup de coureurs suggèrent que les spectateurs permettent à Fort William de véritablement se détacher dans la saison de descente.
Dans la catégorie Hommes Elite, un coureur plane au-dessus de la mêlée, et ajoute au folklore de la discipline : Greg Minnaar, triple Champion du Monde UCI (il est monté 11 fois sur le podium des Mondiaux UCI) et triple vainqueur de la Coupe du Monde UCI. Le descendeur le plus médaillé de l'histoire de la discipline s'est imposé pas moins de sept fois à Fort William, de sa première en 2003 à son triplé de 2015 à 2017. Mais les différentes éditions ont également soufflé le chaud et le froid sur sa relation avec le site. Prenez sa prestation mouvementée de 2007 :
« J'avais l'épaule complètement bandée. Je suis passé par-dessus les barrières dans les bois et me me suis encore démis l'épaule et cassé l'omoplate au passage. J'ai quand même fini quatrième. »
Dix ans plus tard, il évoquait avec Pinkbike les spécificités de cette piste : « Vous descendez la piste de Fort William, et soudain il faut prendre un virage à gauche qui plonge sur des rochers. Quelle que soit l'année, c'était difficile. Et peu importe le tracé, c'était toujours aussi dur. »
Derrière l'immense Sud-Africain, on retrouve deux hommes avec deux victoires chacun. Le Britannique Gee Atherton exprimait après sa victoire en 2010 le caractère unique d'un succès à Fort William : « Je n’ai jamais été plus excité après une victoire. C’est un de mes plus gros objectifs et un superbe tremplin pour le reste de la saison. »
Pour l'Australien Sam Hill, la zone d'arrivée de Fort William est « la meilleure d'entre toutes, avec une foule incroyable. »
Dans la catégorie des Femmes Elite, la Britannique Tracy Moseley s'est imposée cinq fois et inclut Fort William dans la liste de ses trois meilleures courses : « J’ai remporté ma première manche de Coupe du Monde à Fort William en 2002. C'était ma première Coupe du Monde en Grande-Bretagne, et j'étais la première Britannique à s'imposer en Coupe du Monde », a expliqué Moseley à Pinkbike. « Chaque année où j'ai couru ici, les spectateurs étaient formidables », a-t-elle par ailleurs confié à Dirt Magazine.
La Française Sabrina Jonnier et la Britannique Rachel Atherton ont trois succès chacune à leur actif et leurs sentiments sont mitigés, entre galères et célébrations. Après sa première victoire, en 2007, Jonnier a déclaré : « Je me sens comme en territoire ennemi. »
Elle s'est ensuite exprimée sur les défis présentés par le parcours : « La première année, c'était tellement boueux dans la forêt qu'il était difficile de rester sur le vélo, et il y avait tellement de vent au départ que les vélos menaçaient de s'envoler... Plutôt effrayant ! La piste a été nettement améliorée pendant les dix dernières années, et c'est toujours rapide et amusant. Il y a toujours une foule énorme pour nous encourager bruyamment et manifester son enthousiasme. »
L'édition 2017 a été douloureuse pour Rachel Atherton : « Je me suis luxé l'épaule. Ça m'était déjà arrivé, et je sais ce qu'il faut faire. Je devais descendre avant que l'adrénaline ne disparaisse, que la douleur apparaisse et que je commence à pleurer. Il y avait un spectateur près de moi, et je me suis tournée vers lui : ̎Allez mec, tu dois me remettre l'épaule en place. ̎ Le problème est qu'il y allait trop doucement parce qu'il ne voulait pas me faire mal. »
Un an plus tard : « Au fil des années, je l'ai détestée. C'est une longue piste, il faut être fort et en condition, mais j'ai appris à l'aimer et à m'entraîner pour. On se développe en tant que coureur pour aimer Fort William. »
Le vainqueur 2018 dans la catégorie Hommes Elite Amaury Pierron ne pouvait cacher sa joie : « Au pied, j'étais déjà cramé, mais j'ai tout donné. J'ai donné encore plus que ça... Je ne comprends pas ce qui se passe ! »
Mais la Britannique Tahnée Seagrave n'était pas exactement sur le même nuage après son succès l'an dernier : « J'ai eu la pire semaine possible... Les années précédentes, je me suis retrouvée absente pendant un an avec une luxation du coude et j'ai eu des blessures graves. Arriver en bas en un seul morceau était mon objectif, alors la victoire... C'est juste un bonus. »
Pour l'Australien Kye A’Herne, vainqueur chez les Juniors en 2018 : « C'est un sentiment incroyable de remporter sa première Coupe du Monde. Et s'imposer à Fort William, l'une des plus grandes courses de l'année, est très particulier ! »
De son côté, l'Autrichienne Valentina Höll, également sacrée en Juniors, reconnaissait avoir vécu « un week-end de folie à Fort William. »
Dans toutes les catégories, année après année, Fort William a la capacité particulière de toucher les coureurs. Et dans quelques jours, le site écossais les accueillera pour un nouveau week-end plein d'émotions.