Entretien avec la légende australienne Phil Anderson

A quelques jours du coup d’envoi des Championnats du Monde Route UCI 2022 de Wollongong (Australie), nous retrouvons Phil Anderson…

Premier porteur non-européen du Maillot Jaune du Tour de France (en 1981) et vainqueur de l’Amstel Gold Race (Pays-Bas) deux ans plus tard, Phil Anderson est une icône du cyclisme australien. Alors que les Championnats du Monde Route UCI 2022 se dérouleront à Wollongong, en Australie, à partir de ce dimanche (du 18 au 25 septembre), nous avons rencontré la légende locale pour parler du parcours des Mondiaux UCI, de l'envoi par fax de son inscription à l’événement et de sa poursuite derrière Bernard Hinault…

Phil, merci de nous accorder cet entretien. Où êtes-vous en ce moment?

Ma partenaire et moi nous sommes depuis près de deux mois lancés dans un road trip en Australie. L'idée a toujours été de faire coïncider notre road trip avec les Mondiaux UCI. Nous sommes maintenant en Nouvelle-Galles du Sud, mais toujours à environ 700 km de Wollongong. Nous y serons donc vers le milieu de la semaine prochaine, à temps pour les courses en ligne. Nous serons alors à environ 1’000 km de chez nous, alors nous serons sur la route encore une semaine ou deux.

Connaissez-vous bien le parcours de Wollongong ?

Un peu. Mais ce que je sais, c'est que c'est vallonné. Ce ne sera pas facile et ce n'est pas un parcours pour les sprinteurs. Le mont Keira sera un défi. Ce n'est pas un col alpin, mais il y a de la pente et ce sera exigeant pour tous les coureurs. Mais c'est souvent la distance des Championnats du Monde UCI qui met les coureurs en difficulté. Lorsque vous atteignez la fin de la saison, tout ce qui dépasse 200 km est une véritable épreuve, surtout si vous avez un Grand Tour dans les jambes. Je sais par expérience personnelle que c'est un effort majeur, et ce peu importe qui vous êtes.

Selon vous, qui remportera les courses en ligne masculine et féminine ?

Cela aurait été un super parcours pour Julian Alaphilippe mais je ne sais pas s'il se remettra de sa blessure à la Vuelta Ciclista a España [le Français est tombé dans la 11e étape, mais il semble qu'il courra les Mondiaux UCI]. C'est aussi un bon parcours pour Wout van Aert. Attention, tous les parcours sont bons pour lui ! Pour l'Australie, quelqu'un comme Michael Matthews est fort, mais avec 4’000 m de dénivelé, il y a probablement trop de montée. Les Australiens qui étaient performants à la Vuelta, Ben O'Connor [8e] et Jai Hindley [10e], pourraient être dans le coup s'ils ont les jambes.

Dans la course féminine, l'Australie envoie toujours un bon contingent. Vous ne pouvez jamais ignorer Amanda Spratt [2e en 2018 et 3e en 2019], et il sera intéressant de voir comment Josie Talbot s'en sort, car je sais qu'elle habite à proximité.

Quelles sont vos expériences de course sur les Championnats du Monde Route UCI ?

J'en ai couru quelques-uns, mais, pour être honnête, l'Australie ne leur accordait pas une grande importance quand je courais. J'ai dû tracer ma propre voie, et il n'y avait pas de processus de sélection. J'envoyais un fax ou je téléphonais à la Fédération australienne pour dire que je voulais courir. Je devais aller voir le sponsor vestimentaire de mon équipe et lui demander de me confectionner un maillot australien. C'est complètement différent de nos jours. Faire partie de l'équipe australienne, c'est comme se qualifier pour les Jeux Olympiques et c'est un grand enjeu. Depuis que j'ai pris ma retraite, il y a eu beaucoup de grands coureurs et, bien sûr, Cadel [Evans] a remporté les Mondiaux UCI en 2009.

Vous avez fait la une des journaux en tant que premier non-Européen à porter le Maillot Jaune du Tour de France en 1981. Racontez-nous cette journée d’il y a plus de 40 ans…

Ah, c'était la cinquième étape. Cette année-là, la course s'était déroulée dans le sens des aiguilles d'une montre, en partant de Nice, sur la Côte d'Azur. L'étape où j'ai pris le jaune a commencé à Saint-Gaudens et s'est terminée au Pla d'Adet, une station de ski des Pyrénées. C'était mon premier Tour de France, et je venais en tant qu’équipier, mais j'ai passé une excellente journée, troisième derrière le vainqueur d'étape Lucien Van Impe. Je me souviens qu’on avait passé une bonne partie de la journée à sa poursuite avec [Bernard] Hinault. Enfin, je suivais Hinault, qui le poursuivait ! Van Impe a tenu bon, mais notre équipe [Peugeot-Esso-Michelin] avait terminé deuxième du contre-la-montre par équipes la veille, derrière Ti Raleigh-Creda, ce qui m'a permis de porter le Maillot Jaune. On dit que le Maillot Jaune donne de grands pouvoirs, et le lendemain j'ai terminé troisième du contre-la-montre individuel. Malheureusement, Hinault a remporté l'étape, ce qui lui a offert le jaune. J'ai passé les deux semaines suivantes à essayer de le reconquérir, mais j’ai fini dixième.

L'année suivante, en 1982, j'ai remporté la deuxième étape à Nancy et j'ai de nouveau porté le jaune. Cette fois je l'ai gardé 10 jours avant de le perdre juste avant les Pyrénées.

Je n'ai jamais gagné le Tour mais je suis fier des performances que j’y ai accomplies, avec 13 participations, dont cinq top 10 lors de mes cinq premiers essais.

Votre expérience sur le Tour a-t-elle été le point culminant de votre carrière ?

C’était un sommet, mais j'étais aussi connu comme un bon coureur de Classiques. J'ai gagné l’Amstel Gold Race, Paris-Tours et Milano-Torino, ainsi que des courses par étapes comme le Critérium du Dauphiné, le Tour de Romandie et le Tour de Suisse. En fait, j'ai gagné le Dauphiné et le Tour de Suisse au cours de la même saison [1985], qui a été ma meilleure saison puisque j'ai remporté 16 courses professionnelles. Malheureusement, je n'ai jamais gagné les deux courses que je voulais vraiment gagner, le Tour des Flandres et Liège-Bastogne-Liège, et j’ai fait deuxième sur les deux.

Enfin, une fois les Championnats du Monde UCI et votre road trip terminés, quels sont vos projets ?

Eh bien, je suis à peu près à la retraite maintenant, alors il n'y a rien de concret. Ma partenaire et moi dirigions une petite entreprise qui aidait des cyclistes à faire le tour de l'Europe pour suivre les courses. Mais nous cherchions à prendre notre retraite, puis le Covid-19 est arrivé, donc ça a réglé la situation. J'aime toujours voyager à l'étranger et faire du vélo. Nous voulons juste profiter de notre vie.