Le tout réuni en un coureur, l'Allemand André Greipel, qui prendra sa retraite dans quelques semaines, après une carrière de 17 ans qui l'a vu remporter plus de victoires que tout autre coureur de ce siècle. Le sprinteur d'Israel Start-Up Nation a annoncé en juillet, juste avant son 39e anniversaire, qu'il quitterait les pelotons professionnels à la fin de la saison. La 60e édition d'Eschborn-Frankfurt (samedi 19 septembre) sera l'une des dernières occasions de célébrer l'un des plus grands champions modernes du cyclisme, souvent surnommé « le gorille » par les médias sportifs.
La course d'un jour allemande est parmi les rares à avoir toujours résisté à Greipel malgré ses tentatives successives – toutes le 1er mai, date traditionnelle d'Eschborn-Frankfurt –, repoussée à la fin de l'été en 2021 en raison de la pandémie de Covid-19. En six participations, le sprinteur de Rostock, qui a grandi en Allemagne de l'Est et avait sept ans lors de la chute du mur de Berlin, a abandonné quatre fois. Les deux autres, il a frôlé la victoire : 3e en 2013, 5e en 2012. A chaque fois, il était le plus rapide du peloton, mais les échappés avaient repoussé de justesse les sprinteurs.
Résister à André Greipel au début des années 2010 n'était pas une mince affaire. Le sprinteur allemand est le vainqueur le plus prolifique du 21e siècle, couronné de plus de succès que Mark Cavendish, seulement devancé par une poignée d'icônes telles que les Belges Eddy Merckx, Rik Van Looy et Roger De Vlaeminck. « Après la pluie vient le soleil », disait-il avec philosophie en juillet 2019, alors que son bilan stagnait à 156 victoires, après des années de croissance spectaculaire (jusqu'à 40 victoires en moins de 18 mois, entre mai 2009 et septembre 2010).
Vainqueur en série
Juillet 2019, c'était il y a seulement deux ans, mais cela semble une éternité, avec les nombreux changements que le monde a connus depuis. Pour André Greipel, c'est le tournant où ses jambes ne lui ont plus permis de remporter autant de succès qu'avant. Il avait rejoint l'équipe française Arkéa-Samsic, après huit saisons triomphales avec Lotto-Soudal (connue sous le nom d'Omega Pharma-Lotto lorsqu'il avait rejoint la structure en 2011). Greipel n'a levé les bras qu'une seule fois en 2019, mais c'était un succès hautement symbolique : sa victoire dans la 6e étape de La Tropicale Amissa Bongo était sa première en Afrique, après s'être imposé en Europe, en Océanie, en Amérique et en Asie.
Ce vainqueur en série globe-trotter a atteint des sommets de domination en Australie, sur le Santos Tour Down Under, avec 18 victoires d'étapes (sur 51 étapes auxquelles il a participé, soit un ratio de 35 % de victoires). Plus proche des racines européennes du cyclisme professionnel, il a participé à 12 Grands Tours (au moins un par saison) entre mai 2008 et mai 2017, et il a remporté au moins une étape à chaque fois (22 au total : 11 sur le Tour de France, 7 sur le Giro d'Italia et 4 sur La Vuelta Ciclista a España).
Après une saison 2020 blanche, ses deux succès en Espagne en mai 2021 (Trofeo Alcudia-Port d'Alcudia et 4e étape de la Vuelta a Andalucia Ruta Ciclista Del Sol) lui ont permis de lever à nouveau les bras avant de quitter les pelotons. Et il était tout proche d'une nouvelle victoire la semaine dernière, 2e de la dernière étape du Tour of Britain, derrière Wout van Aert et devant Mark Cavendish.
Un gentleman
Greipel a annoncé sa prochaine retraite l'été dernier, sur les routes du Tour de France, juste avant d'atteindre les Champs-Elysées pour la neuvième et dernière fois en tant que cycliste professionnel. « Je suis super content de tout ce que j'ai réalisé avec mes coéquipiers, avec le staff autour, a-t-il expliqué dans une vidéo partagée par Israel Start-Up Nation, sa dernière équipe (2020 et 2021). J'ai toujours été heureux de recevoir ce soutien, et bien sûr sans mes coéquipiers, le staff et naturellement ma famille, je n'aurais pas réalisé tout ce que j'ai fait. »
Today, @AndreGreipel has an announcement to make.
— Israel Start-Up Nation / Israel Cycling Academy (@TeamIsraelSUN) July 17, 2021
"I look to the future with a lot of happiness."
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🇫🇷 #TDF2021 pic.twitter.com/Tr8Iq7PbCT
Ses nombreuses réalisations ont commencé avec l'équipe Wiesenhof en 2005 et l'ont vu atteindre la gloire avec Highroad et Columbia-HTC, où il est devenu un vainqueur très prolifique et s'est confronté à un autre sprinteur extrêmement doué, Mark Cavendish. Leur opposition était absolue, physiquement et mentalement. Le Britannique a utilisé tout son courage et sa roublardise pour tirer le meilleur parti de ses explosions de vitesse tandis que l'Allemand a construit ses succès sur sa puissance brute.
Greipel a un jour reproché publiquement à Cavendish son égoïsme, et le natif de l’île de Man a rétorqué que son coéquipier allemand n'avait pas la mentalité d'un sprinter. Les deux hommes ont depuis trouvé leur propre chemin vers le succès dans des équipes distinctes et ont exprimé leur respect pour leur rival. « Il est plus gentleman que les autres, a déclaré Marc Sergeant, ami et ancien manager de Greipel, dans Le Monde. S’il y a un petit trou, il hésite à y aller. Il ne veut pas que quelqu’un tombe à cause de lui. »
Le Gorille de Rostock s'apprête à quitter les sprints mais le gentleman ne devrait pas aller trop loin : « J'espère, d'une façon ou d'une autre, rester dans le cyclisme. »