Il y a 14 ans, au départ de la 60e édition du Tour de Romandie, qui imaginait que Cadel Evans deviendrait quelques années plus tard le premier (et jusqu'à présent le seul) Australien vainqueur du Tour de France? Qui aurait affirmé qu'Alberto Contador allait remporter les trois Grand Tours ? Ou que Robbie McEwen, qui revenait d'une fracture à une côte subie au début du printemps, était sur le point d'afficher la forme de sa vie, à bientôt 34 ans ?
Remonter le temps permet de jeter un nouveau regard sur l'histoire du cyclisme et sur les trajectoires qui ont mené à quelques-unes de ses plus grandes performances. Le Tour de Romandie 2006 a été un grand moment de sport. Avec des étoiles montantes comme Alejandro Valverde, à la lutte avec les champions déjà mentionnés, cette épreuve a également mis en lumière les coureurs qui allaient briller dans les semaines, mois et années à venir.
Les jeunes Espagnols Alberto Contador et Alejandro Valverde figuraient alors parmi les talents les plus prometteurs du peloton. Ils attiraient bien plus d'attention que Cadel Evans, déjà âgé de 29 ans, qui apportait les dernières touches à son évolution du mountain bike (double vainqueur de la Coupe du Monde UCI de la discipline le millénaire précédent) vers la route.
A 23 ans, Contador assurait le spectacle avec l'équipe Liberty Seguros et avait fini 5e de l’Itzulia Basque Country deux semaines auparavant. Il avait déjà pris la 4e place du Tour de Romandie l'année précédente, avec une victoire d’étape. Son aîné de deux ans Alejandro Valverde (sous les couleurs de la formation Caisse d'Epargne-Illes Balears, devenue ensuite Movistar Team) venait de remporter la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège pour la première fois de sa carrière avant de prendre la direction de Genève pour le prologue de l’épreuve romande.
Au bout de 3,4 km sur les rives du lac Léman, Paolo Savoldelli s'est imposé devant Valverde (+1’’). « Ça montre que ma préparation pour le Giro est presque terminée », se réjouissait l'Italien. Deux semaines plus tard, il remportait le chrono d'ouverture du Grand Tour italien pour s'offrir la Maglia Rosa. L'année précédente, il avait fini 2e sur le parcours de Genève et avait vu le maillot rose lui échapper pour une seconde à l’issue du prologue.
Robbie McEwen (compatriote et coéquipier d'Evans au sein de la formation Davitamon-Lotto) était également en quête de confiance, à la recherche de sa meilleure condition sur les routes suisses après une mauvaise chute aux Trois Jours de Flandre-Occidentale début mars. L'Australien avait reconnu le final de la 1re étape, à Payerne, pour s'assurer la victoire lors de la seule opportunité de la semaine pour les sprinteurs. Ce succès en a appelé d'autres, avec trois étapes dans la première semaine du Giro, avant de faire de même sur le Tour de France, signant peut-être en 2006 sa plus belle saison.
Après ces deux premières journées, il était temps pour les prétendants au général d’affronter plusieurs défis montagneux avant le contre-la-montre final de Sion. De multiples offensives dans la montée du Col de la Croix et la plongée vers Porrentruy ont mené Chris Horner (USA) à la victoire dans la 2e étape, maillot de leader du classement général à la clef.
Les trois étapes suivantes ont donné lieu à un affrontement total entre Contador, Valverde et Evans. Le peloton commençait à se familiariser avec le style offensif de Contador, mais personne n'a pu le contenir dans l'ascension vers Leysin, où il s'est imposé avec 24 secondes d'avance sur Valverde et Evans. Le lendemain, Valverde s'imposait dans un registre tout aussi familier pour lui : un sprint impeccable, dans un petit groupe, après une course éprouvante, pour s'offrir la victoire et les bonifications.
Tout était en place pour une étape finale contre la montre pleine de suspense, avec Contador en tête du classement général devant Valverde (+6’’) et Evans (+24’’). « La pression n'était pas sur moi pour m'imposer, mais sur eux pour ne pas perdre », a expliqué l'Australien après s'être offert un de ses plus grands succès jusqu'alors : l'étape, à 46,5 km/h de moyenne sur un parcours vallonné de 20,4 km ; et le classement général, avec 27 secondes d'avance sur Contador et 44 sur Valverde.
Près de deux décennies après Phil Anderson (vainqueur en 1989), Cadel Evans devenait le deuxième Australien à remporter le Tour de Romandie. « Après avoir fini 8e [du Tour de France] en 2005, on attend beaucoup de [lui] », écrivait alors Cyclingnews.
En juillet, Evans finissait dans le top 5 au général pour la première fois de sa carrière, une nouvelle étape dans sa progression. Cinq ans plus tard, il remportait à nouveau le Tour de Romandie, ainsi que le Tour.