Plus de 21 millions de personnes vivent à Mexico ; on pourrait donc croire qu’y faire du vélo relève de l’impossible.
Iván De la Lanza n’est pas de cet avis.
Ces dernières années, les habitants de la capitale mexicaine ont radicalement changé de mentalité et d’habitudes vis-à-vis des transports, et De la Lanza, Manager de la mobilité active à l’Institut des Ressources Mondiales (WRI) de Mexico, fait partie des personnes responsables de ce renouveau. Conjointement avec le Ministre de l’Environnement de la Ville et désormais avec le WRI, il travaille depuis des années sur le développement d’une stratégie de promotion du vélo, dont les résultats obtenus sont concrets.
Entre 2008 et 2016, les trajets à vélo dans la ville ont augmenté de près de 500 %, grâce à la mise en place de plusieurs politiques et projets dans le cadre de la stratégie de mobilité à vélo développée par le gouvernement de la ville de Mexico, l’Université Nationale Autonome du Mexique et Gehl Architectes. Des projets culturels et éducatifs ont vu le jour, tout comme ECOBICI, un système de vélos en libre-service qui a abouti à la création de voies cyclables séparées des routes et d’immenses parkings pour vélos. Lors de ses neuf premières années, ECOBICI a cumulé plus de 300’000 utilisateurs, pour 35’000 trajets quotidiens.
Des programmes Rues Ouvertes comme « Muévete en Bici » (« Se déplacer à vélo ») existent également et encouragent les habitants à s’interroger : comment remplacer les trajets en voiture par des déplacements à pied ou à vélo ? La rue Madero, artère majeure longue d’un kilomètre dans le centre historique de la ville, a été définitivement fermée à la circulation automobile en 2010. Aujourd’hui, près de 200’000 piétons y transitent chaque jour, augmentant l’activité commerciale de cette rue d’au moins 30 % tout en réduisant l’activité criminelle de 96 %. C’est désormais l’une des avenues les plus sûres, accessibles et précieuses du pays.
Les efforts réalisés à Mexico ne sont pas passés inaperçus.
En octobre 2017, Mexico a reçu le prix de Modèle mondial de la rénovation urbaine pour sa création d’immenses parkings à vélos dans les terminaux de transport en commun. La ville a installé trois parcs à vélos – utilisés pour les bicyclettes en libre-service et les vélos personnels – qui permettent de déposer rapidement et facilement son vélo.
Les actions mobilité de la ville sont également une aubaine pour les personnes vivant en dehors de Mexico intra-muros : si la moitié des utilisateurs d’ECOBICI vivent en dehors de l’agglomération, 15 % d’entre eux vivent même en dehors de la capitale. De nombreux habitants utilisent un vélo pour se rendre à des stations de transports en commun, qu’on appelle connectivité du « dernier kilomètre ». Quelque 90 % des usagers utilisent ECOBICI avec d’autres moyens de transport comme le métro, le bus ou le train de banlieue.
« Relier ces éléments du système de transport augmente la portée des transports en commun, réduit le trafic, améliore la productivité de l’économie locale et présente des avantages en matière de santé publique », explique De la Lanza.
Il est également fier – à raison – des bénéfices découlant de l’augmentation de la pratique cycliste à Mexico, comme l’a souligné le rapport rédigé par le C40 Cities Climate Leadership Group.
Entre 2009 et 2016, la ville a estimé les bénéfices économiques et de santé publique à hauteur de 109 millions de dollars. Plus de 170 km de voies cyclables construits pendant cette période ont résulté en un bénéfice potentiel additionné de plus de 65 millions de dollars, soit un retour sur investissement de près de six fois le coût de construction. Pour ses sept premières années, ECOBICI a rapporté l’équivalent de 26 millions de dollars en santé, tout en remplaçant près de 24’000 km de déplacements en voiture.
En outre, 16 % des utilisateurs d’ECOBICI ont remplacé leur voiture par un vélo public, ce qui représente une réduction de 3’900 tonnes de dioxyde de carbone sur huit ans – l’équivalent de 9’000 arbres plantés.
De la Lanza ajoute que les données d’ECOBICI ont montré que l’utilisation moyenne de ses vélos représentait entre 31 et 55 % de l’activité physique hebdomadaire recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Malgré ces résultats incroyables, De la Lanza explique que de nombreux projets cyclistes prêts à être adoptés se retrouvent bloqués par manque de soutien financier et/ou politique : « L’investissement dans la mobilité active demeure relativement bas comparé aux fonds publics consacrés à l’infrastructure automobile. Et ce n’est pas un problème uniquement à Mexico. En Amérique latine, 60 % des investissements pour la mobilité sont destinés à des projets liés aux véhicules privés. »
Il reste cependant confiant que le vélo continuera à jouer un rôle important dans la vie des habitants de Mexico et des autres villes mettant en place des programmes du WRI.
Et de conclure : « Améliorer les déplacements à pied et à vélo est un élément essentiel pour rendre les rues plus sûres dans des villes au développement rapide, et pour améliorer la qualité de vie et le développement durable. Comme le prouve Mexico, ce sont également de bons investissements. »
L’Institut des Ressources Mondiales (WRI) est une organisation technique mondiale qui établit des liens entre la préservation de l’environnement, les opportunités économiques et le bien-être. A l’échelle mondiale, cette organisation agit via six programmes cruciaux : Villes, Climat, Energie, Nourriture, Forêts et Eau. Les centres EMBARQ du WRI au Mexique et en Turquie font partie intégrante du réseau mondial, notamment dans le cadre des programmes Villes et Transport.