Gravel : retour aux racines de la pratique et des compétitions de la discipline

A la veille des tout premiers Championnats du Monde Gravel UCI, nous retraçons l'évolution de cette discipline passionnante.

Le gravel est sans doute l’un des secteurs du cyclisme qui connaît la croissance la plus impressionnante, comme en témoigne l’organisation des premiers Championnats du Monde Gravel UCI de l’histoire ce week-end (8-9 octobre) en Vénétie, en Italie.

En juin, plus de 4’000 coureurs ont participé à la 17e édition de l’Unbound Gravel aux Etats-Unis. En dehors de cet événement qui a lieu depuis 2006, de plus en plus de courses font le plein dans le monde entier, et la Série Mondiale Gravel UCI lancée cette année a été un énorme succès populaire. Mais d’où vient cette discipline ? Le gravel est à la fois moderne et ancien, fort d’un héritage qui remonte aux racines du cyclisme…

Des racines européennes

La bicyclette est née au 19e siècle. Elle a stimulé la mobilité de masse et rapidement fait naître des rivalités sportives et des événements mythiques comme Liège-Bastogne-Liège ou Paris-Roubaix. Lorsque ces course ont été lancées, en 1892 et 1896 respectivement, la plupart des routes étaient soit pavées, soit gravillonneuses. Une recherche rapide sur internet, et vous trouverez de nombreuses images en noir et blanc de cyclistes gravissant les montagnes et traversant les plaines sur de lourds vélos dépourvus de dérailleur, roulant à vive allure sur du gravier. A l'époque où l'asphalte était encore rare, on ne parlait pas encore de gravel. Mais dans les faits, les coureurs faisaient du gravel.

Ainsi, on peut considérer que les pionniers du cyclisme étaient aussi les fondateurs du gravel. Mais leur héritage ne suffit pas à expliquer la passion et les épreuves contemporaines. Il est généralement admis que l'Amérique du Nord et le Canada sont le berceau du gravel tel que nous le connaissons aujourd’hui. Mais encore une fois, c'est à la fois juste et imprécis. Il est vrai qu'en 1994, le premier Paris-Ancaster a eu lieu en Ontario, au Canada. L'événement présentait un mélange de routes goudronnées et non goudronnées, y compris des chemins et des sentiers de gravier, et rendait hommage à Paris-Roubaix, qui se déroulait le même jour. Beaucoup y voient le premier événement de gravel moderne. Il se déroule encore à ce jour, sur trois distances : 100 kilomètres, les 70 kilomètres d'origine et 45 kilomètres.

Cependant, bien plus tôt, en 1955, au Royaume-Uni, un groupe de cyclistes a créé la Rough-Stuff Fellowship, qu’ils présentaient comme une première mondiale. « Quarante membres qui, à la poursuite du passé, parcourent les sentiers les plus difficiles et les moins fréquentés, ont assisté à la réunion inaugurale de la Rough-Stuff Fellowship qui s'est tenue au pub Black Swan, à Leominster », indique le site (rsf.org.uk) de ce club, toujours actif.

A peu près au même moment que la course Paris-Ancaster, le gravel (avant qu’on lui donne ce nom) a commencé à gagner en popularité aux Etats-Unis. Pourquoi dans ce pays ? Cet essor est sans doute lié à une myriade de raisons. On pense que le gravel a évolué à partir de la culture du vélo-camping du pays des années 1980. Les hivers glaciaux du Midwest ont obligé les adeptes du vélo à trouver des alternatives aux pistes gelées. Et les Etats-Unis comptent plus de 1,4 million de kilomètres de routes non goudronnées qui offrent aux cyclistes un immense terrain de jeu loin des automobiles.

L’aventure et la liberté

L’augmentation du nombre de cyclistes s’éloignant des routes asphaltées pour vivre leurs aventures a naturellement attiré l'attention des organisateurs de courses, même s’il a fallu attendre les années 2000 pour que soient posées les fondations du gravel tel qu’on le connaît aujourd’hui. En 2006, inspiré par les premiers « événements de broyeurs de gravier », Jim Cummins, avec l'aide de son collègue passionné de cyclisme Joel Dyke, a fondé Dirty Kansas dans les Flint Hills du Kansas. Cette région des Grandes Plaines d’Amérique du Nord est connue pour ses routes de gravier vallonnées, un terrain idéal pour le gravel en plein essor.

L’événement s’était disputé sur 200 miles (env. 322 km) et avait attiré 34 coureurs. En 2022, ce nombre était passé à 4’000, avec des parcours allant de 25 miles pour les Juniors à l’épreuve XL de 350 miles. L'événement a connu une révolution en termes de participation. Il a également changé de nom. En 2020, il a été rebaptisé Unbound Gravel (nom officiel complet : Garmin Unbound Gravel presented by Craft Sportswear) en réponse à une pétition encourageant le changement de nom car il était offensant pour les peuples autochtones de la région.

Parmi les autres événements nés à la même époque et qui existent toujours, Barry-Roubaix, qui, comme Paris-Ancaster, rend hommage à Paris-Roubaix. L'événement, qui s'est tenu dans le Michigan à partir de 2009, est incontournable sur la scène américaine, avec son slogan « La plus longue route de gravel du monde ». Cet événement offre lui aussi à ses participants le choix de courir sur plusieurs distances.

Le gravel décollait, et les fabricants de cycles l’ont bien vu. La paternité du premier vélo dédié au gravel fait l’objet de conjectures, mais beaucoup estiment que les précurseurs en la matière sont Salsa Cycles, une compagnie installée dans le Minnesota, avec le « Warbird » développé en 2012. Les concepteurs avaient observé que les cyclistes pratiquant le gravel avaient besoin d’un vélo plus adapté au tout-terrain que les vélos de route, et de plus confortable et pratique (notamment pour l’emport de bagages) que les vélos de cyclo-cross, conçus pour une heure de course intense. Le Warbird présentait un empattement plus long, une géométrie plus souple et de la place pour des pneus plus larges. Des supports étaient installés sur les fourches et les haubans pour favoriser le tourisme à vélo. Un nouveau genre de vélo était né.

Depuis lors, les courses de gravel, sa pratique, le nombre de coureurs et le développement des vélos dédiés ont explosé. Non seulement de nombreux coureurs sont désormais professionnels, à l’instar de l’Australien Nathan Haas, mais en plus nous vivrons ce week-end les tout premiers Championnats du Monde Gravel UCI. Le gravel a déjà connu un beau parcours. Et ce n’est que le début.