Lors de la journée internationale des personnes handicapées, nous rencontrons le premier cycliste ghanéen à avoir participé aux Jeux Paralympiques. Il a utilisé sa notoriété pour créer l’Alem Foundation et venir en aide aux enfants et aux familles défavorisés dans son pays.
Alem Mumuni a marqué l’histoire en devenant en 2012 le premier paracycliste ghanéen à se qualifier pour les Jeux Paralympiques. Il avait passé ses deux derniers mois de préparation en Angleterre et avait eu l’honneur de porter le drapeau de sa délégation – forte de quatre membres –lors de la cérémonie d’ouverture de Londres 2012. Il avait ensuite été stoppé dans son élan par la varicelle, puis une infection pulmonaire. Déterminé à vivre son rêve paralympique, il avait pris le départ malgré sa santé précaire, pour prendre la dernière place du contre-la-montre et abandonner le lendemain lors de la course en ligne, trop faible pour terminer l’épreuve.
La pilule a été dure à avaler : « Le rêve de tout athlète est d’atteindre le plus haut niveau dans son sport, explique l’athlète paralympique. Pour moi, ce niveau c’était les Jeux Paralympiques. C’était mon plus grand rêve. Après m’être qualifié et tellement entraîné, être affaibli par une varicelle a été difficile et douloureux. »
Cependant, même sans les résultats escomptés, sa campagne paralympique peut être considérée comme un grand succès.
« Nous (l’équipe du Ghana) représentions notre pays et notre continent. Mais le plus important était que nous représentions les personnes avec un handicap de notre continent. Cela a fait évoluer significativement le regard des Ghanéens sur les personnes avec un handicap, considérées jusqu’alors comme des parasites sociaux… des vagabonds. »
A son retour au Ghana après Londres 2012, Alem Mumuni a créé l’Alem Foundation avec les Britanniques Alexandra Main, qui avait entraîné l’équipe paralympique du Ghana pour Londres 2012, et le Business Development Manager Alistair Lamond.
« J’ai acquis une certaine notoriété (grâce aux Jeux Paralympiques), ce qui a eu un grand impact sur la société. Cela m’a permis de nouer des contacts et de rencontrer des gens qui ont soutenu ma cause. »
Sa cause consiste à offrir une éducation aux enfants et à assurer à des villages défavorisés de son pays la couverture de leurs besoins de base. L’Alem Foundation permet actuellement la scolarisation de 33 enfants dans le village d’Akosombo. Tout en tentant de lever les 22'000 dollars (USD) nécessaires à la construction d’une station d’épuration à Old Akrade, la Fondation a déjà fourni des filtres à eau à 72 familles. Parmi ses autres projets, on peut mentionner par exemple l’intégration d’enfants dans le système de santé publique, le financement d’opérations en faveur d’enfants handicapés ou malades et la réfection d’une école.
Un rapide retour sur le passé d’Alem Mumuni explique son désir d’offrir aux familles l’accès à l’eau potable et à une bonne éducation.
A l’âge de deux ans, le jeune Ghanéen contracte la poliomyélite, dont l’une des causes connues est la consommation d’eau souillée. Par chance, il survit, mais perd l’usage de sa jambe droite. Il passe les huit années suivantes à se déplacer en rampant, jusqu’à ce qu’il apprenne finalement à marcher à l’aide d’un bâton en bois. Pendant ce temps, l’un de ses cousins, parce qu’il avait constaté qu’Alem était très intelligent, n’a cessé d’essayer de convaincre le père de ce dernier de l’envoyer à l’école.
« J’avais 10 ans lorsque j’ai commencé à marcher et 12 quand je suis allé à l’école pour la première fois. Ma famille ne comprenait pas comment je pourrais suivre des études, mais mon cousin a été persuasif. J’ai été le premier enfant de ma famille à aller à l’école. »
Cela a représenté un tournant dans sa vie, et il a saisi avec plaisir l’opportunité qui lui était offerte d’apprendre, en dépit des 5 kilomètres qu’il devait parcourir à pied chaque jour. Alors que les personnes handicapées étaient souvent traitées comme des parias, Alem n’allait pas laisser les préjugés décider du cours de sa vie : « J’étais impliqué dans les mêmes activités que les autres enfants. »
L’une d’entre elles consistait à rouler à vélo. Après bien des chutes, il y est parvenu, pour découvrir la mobilité. En 2004, il déménage à Accra, la capitale du pays, pour poursuivre ses études. Là, il rejoint la Ghana Society of Physically Disabled (Société ghanéenne des handicapés physiques). Il joue au basketball, au volleyball et au football et fait partie de l’équipe nationale de football des amputés du Ghana qui se qualifie pour la Coupe du Monde. Mais finalement, cet athlète polyvalent décide de se concentrer sur le cyclisme. Il s’inscrit à ses premiers Championnats d’Afrique en 2009 et remporte le titre continental dans la classe sportive C2. D’autres courses internationales suivent, notamment des manches de la Coupe du Monde Paracyclisme Route UCI et les Championnats du Monde Paracyclisme Route UCI 2011, auxquels il participe pour se qualifier pour les Jeux Paralympiques de Londres 2012.
Plus de trois ans après l’épisode, on peut encore mesurer chez lui l’immense frustration causée par sa maladie inattendue à Londres. Cependant, le très cultivé Alem Mumuni connaît un proverbe adapté à chaque situation. Pour celle-ci, il cite l’inventeur américain Thomas A. Edison : « Notre plus grande faiblesse réside dans nos abandons. Le plus sûr moyen de réussir est toujours d’essayer une fois de plus. »
C’est exactement ce que fait l’athlète ghanéen. Rio 2016 est en vue, et le triple Champion d’Afrique est en quête de points de qualification. Ce sera difficile et le temps passe vite. Alem Mumuni a récemment participé au camp d’entraînement paracycliste organisé au Centre Mondial du Cyclisme UCI, afin de bénéficier de l’expertise d’entraîneurs du plus haut niveau possible. Il devra encore participer à plusieurs compétitions internationales pour essayer d’assurer sa participation à Rio l’an prochain. Il s’agit d’un énorme investissement sur le plan mental, physique et financier, mais il sait pourquoi il le fait.
« J’aime le cyclisme, mais je l’utilise aussi pour donner en retour à la société. Mon plus grand objectif est d’offrir aux enfants l’opportunité de recevoir une éducation et de leur assurer une qualité de vie qui leur permettra de devenir les leaders de demain. Alors finalement, quand les gens me demandent si mon handicap est une malédiction, je peux honnêtement leur répondre que non : c’est exactement le contraire. »