Lorsque l’on évoque le cyclisme, la Cisjordanie, occupée par Israël, n’est pas le premier endroit qui vient à l’esprit.
Mais en 2016, un petit groupe de cyclistes de la ville palestinienne de Ramallah, située à 10 km au nord de Jérusalem, a commencé à se réunir régulièrement pour des sorties à vélo.
Quatre ans plus tard et Cycling Palestine compte 3'000 membres en Cisjordanie.
« Le vélo est un outil de changement, explique Malak Hasan, co-fondatrice de Cycling Palestine avec Sohaib Samara, auxiliaire médical palestinien. Notamment pour les jeunes : avec tout ce qu’il se passe en Palestine, il est facile de perdre espoir et de ne pas apprécier l’endroit où ils vivent », poursuit-elle.
Des sorties hebdomadaires – qui commencent parfois par un trajet en bus pour atteindre de nouveaux endroits – emmènent les participants à la découverte de la Palestine de village en village : « De par sa liberté de mouvement, le cyclisme est une expérience éducative et stimulante », ajoute-t-elle.
Cependant, leurs sorties à vélo sont ponctuées de points de contrôle israéliens et de patrouilles mobiles. Les femmes – y compris Hasan – doivent en plus faire face au regard de personnes convaincues qu’une bonne musulmane ne devrait pas s’exposer en tenue cycliste. Mais cela ne décourage pas les cyclistes, qui doivent également affronter le terrain vallonné et la chaleur – la majeure partie de l'année – de la Cisjordanie.
Parmi les sorties organisées les plus longues, citons celle qui en 2017 avait totalisé 480 km (sur quatre jours) entre le camp de réfugiés de Kalandia, près de Ramallah, et la ville côtière d’Aqaba, en Jordanie. Plus récemment, sept cyclistes ont participé à une sortie de plusieurs jours longeant la totalité des 700 km de la barrière de séparation israélienne.
L’autre côté de la barrière de séparation israélienne
Juste de l’autre côté de cette barrière, en Israël – qui compte un vélodrome et a organisé le Grand Départ du Giro d’Italia en 2018 –, environ 20 % des citoyens sont arabes, dont une grande partie se considérant Palestinien avec la citoyenneté israélienne. Malgré des tensions entre les populations arabes et juives du pays, le cyclisme joue un rôle de coopération et d’intégration dans la vie quotidienne.
Yarden Gazit, Codirecteur de la Fédération Cycliste Israélienne, explique : « 14 des 74 clubs affiliés à notre Fédération sont basés dans des villes ou villages arabes. »
L’un d’eux, Shfaram Riders, basé dans la ville arabe de Shfaram, dans les montagnes de Galilée au nord d’Israël, compte parmi les plus importants, avec 139 cyclistes licenciés. Il est récemment devenu le premier club basé dans une ville arabe à recevoir les droits d’organisation des Championnats d’Israël : les Championnats de Mountain Bike XCO 2020, prévus le 5 juin (mais probablement reportés en raison de la pandémie du coronavirus).
L’équipe nationale masculine de cyclisme sur route compte des cyclistes arabes, notamment Saned abu Fares, originaire de la ville druze de Dalyat al Carmel et membre d’Israel Cycling Academy, une Equipe Continentale UCI.
A une échelle plus populaire, la Fédération israélienne a accueilli des cyclistes palestiniens vivant dans les territoires palestiniens pour participer à des événements de vélo pour tous.
Une école multiculturelle pour les jeunes talents
De jeunes talents de toutes les couches de la société israélienne se retrouvent à la Gino Bartali Youth Leadership School, établie en souvenir de la légende italienne du cyclisme du même nom, seul athlète à avoir remporté le Giro d’Italia et le Tour de France, avant et après la Seconde Guerre mondiale. Pendant la guerre, Bartali a clandestinement transporté de faux documents cachés dans le guidon ou le tube de selle de son vélo, pour des Juifs d’Italie. Il a peu parlé de ses actes de bravoure, s’en tenant à sa philosophie : « Le bien est une chose que l'on fait, pas une chose dont on se vante. »
A l’école Gino Bartali, les élèves de différentes religions et cultures sont mis au défi, sur le vélo mais pas seulement. L’école est fière d’inculquer à ses élèves une « passion commune pour rassembler des jeunes de différentes cultures et créer un leadership social ». Si le cyclisme en Palestine et Israël se développe de façons différentes et à des rythmes différents, tous peuvent se retrouver dans avec les mots de Gino Bartali :
« Chaque personne a sa propre façon d’exprimer son but dans la vie. J’ai mon vélo. »