L'ancien Champion du Monde UCI de mountain bike Dario Acquaroli met son vélo en jeu pour la lutte contre le Covid-19

Dario Acquaroli vit dans la petite ville de Curno, à la sortie de Bergame et à 1 kilomètre de l'hôpital Papa Giovanni XXIII, tristement célèbre pour son activité intense face à la crise du Covid-19 en Italie. Pour aider ceux qui s’investissent chaque jour aux côtés des malades, l'ancien Champion du Monde UCI de mountain bike dans la catégorie des Moins de 23 ans a lancé une belle opération de levée de fonds.

"Beaucoup de gens que je connais sont morts ou malades, nous a-t-il confié. La situation est pire que ce qu'on peut imaginer en lisant les informations. Mais ici on ne pleure pas beaucoup : on se retrousse les manches et on apporte notre contribution." C’est le cas, par exemple, de l'entreprise voisine Santini, qui s'adapte pour produire des masques de protection réutilisables jusqu'à dix fois.

Né en 1975, Acquaroli est une figure légendaire du mountain bike italien. Il a participé à 19 Championnats du Monde UCI avec la sélection transalpine. Il s'y est imposé deux fois (en 1993 chez les Juniors et en 1996 chez les Moins de 23 ans) et a également remporté deux titres européens (1992 et 1993) et cinq titres nationaux (1992, 1993, 1996, 2000 et 2005) avec Team Bianchi, Full-Dynamix et Sintesi Larm. Il a également reçu la médaille d'or du mérite sportif du CONI (le Comité National Olympique Italien) .

Et en ces temps incertains et douloureux, Dario ne reste pas sans rien faire : "Je voulais essayer d'aider la communauté... Alors j'ai pensé au Bianchi avec lequel j'ai gagné les Championnats du Monde UCI des Moins de 23 ans à Cairns, parce que c'est ce que je possède de plus important et que ça reste un lien avec mon passé cycliste. C'est un morceau de mon cœur."

Une tombola pour lever des fonds

L'idée originale était une vente aux enchères. "Mais je ne suis pas Valentino Rossi, explique Acquaroli. Je suis seulement connu dans mon sport ; je ne pouvais pas espérer lever énormément de fonds comme ça. Donc on a imaginé une solution pour atteindre beaucoup plus de gens et être plus démocratique... Et on a choisi Wishraiser."

Cette plateforme en ligne se rapproche d'une loterie. Tous ceux qui offrent une contribution d'au moins 10 euros peuvent participer au tirage au sort final. Et plus vous donnez, plus vous avez de chances d'être tiré au sort. Wishraiser a confirmé qu'il n'y aurait pas de commissions retenues pour ce service : 100 % des fonds levés seront donnés.

L'argent ira à une association locale de Bergame qui gère des unités mobiles de soins intensifs. Dario explique ce choix : "Je voulais un meilleur contrôle de la destination des fonds, et je les ai choisis parce que ce sont des secouristes volontaires dans des unités mobiles. Ils sont en première ligne et ils sont aussi souvent les premiers contaminés. Je ne sais pas combien d'argent on peut collecter, mais même s'il a une valeur historique et émotionnelle, mon vélo reste un vélo de 1996. Et je sais que l'association n'est pas en manque de matériel et d'équipement médical en ce moment. Donc mon idée est qu'ils puissent utiliser l'argent pour différents besoins comme ils le préfèrent. Ce serait également bien de pouvoir récompenser ces volontaires, ne serait-ce qu'avec un dîner ou un week-end."

Felice Gimondi, le deuxième père

Jusqu'à ses 15 ans, le jeune Dario pratiquait le ski alpin et s'entraînait à vélo. "Je viens de San Pellegrino Terme, où est né et vit Ivan Gotti, qui a remporté deux étapes du Giro d'Italia et est un grand ami, raconte-t-il. J'étais un garçon de 12 ans et j'ai suivi ses victoires. Les célébrités étaient comme des héros à imiter pour les gamins. Je faisais partie du club cycliste Redondi dans ma ville et, contrairement au ski où j'ai toujours eu du mal à obtenir des résultats, dans ce sport j'ai rapidement obtenu des victoires."

Grâce à ses excellentes performances, Acquaroli a signé son premier contrat au bout de quatre ans. Un tournant dans sa vie et dans sa carrière : "Le téléphone a sonné à la maison, ma grand-mère Vittoria a répondu et s'est presque évanouie : c'était le Président de Bianchi, Felice Gimondi. Elle était l'une de ses grandes admiratrices. 'Qu'est-ce que Dario a fait pour recevoir un tel appel ?', a-t-elle demandé. Quelques jours plus tard, Gimondi est venu me rencontrer et on s'est assis autour d'une table avec mon père Franco et le Directeur Sportif Isaia Spinelli."

Malheureusement, le père de Dario meurt à la veille de la première course de son fils sous le maillot de la Bianchi. "Felice est devenu une figure paternelle pour moi, quelqu'un de très important dans ma vie, raconte-t-il. Il m'a soutenu de 16 à 26 ans, une période fondamentale dans le développement personnel et sportif. C'est grâce à lui que je suis qui je suis. Il m'a beaucoup appris."

Gimondi a offert à Dario le mountain bike en titane sur mesure avec lequel celui-ci a remporté le titre mondial UCI des Moins de 23 ans : "C'est le seul vélo que j'aie, parce que les coureurs doivent les rendre à la fin de chaque année. Mais Felice a décidé de ne pas mettre le vélo dans le musée de l'entreprise et de me l'offrir pour célébrer cette journée magique."

Le 17 septembre 1996 fut effectivement exceptionnel. Dario s'avançait en bonne forme après une belle saison, mais il a connu un départ difficile : "Après deux ou trois tours, j'ai pensé à l'abandon. Mais je me suis accroché. Les jambes ont commencé à bien tourner, et j'ai rattrapé mes rivaux un par un jusqu'à me retrouver en troisième position."

Cette remontée était déjà spectaculaire, mais l'Italien a poursuivi : "Je me sentais de mieux en mieux puis j'ai vu Evans. Il était seulement à 20 secondes. Je l'ai rejoint, dépassé et j'ai accéléré. J'ai aussi pu rattraper Miguel Martinez et j'ai gagné avec deux minutes d'avance. C'était une journée bizarre, un mélange de douleur et de joie, une grande satisfaction."

Bergame n'abandonnera pas

Ces émotions sont symbolisées par le vélo Bianchi que le champion italien met aujourd'hui en jeu. Sa monture n'a pas été utilisée depuis et elle est en parfait état. Et comme Acquaroli en 1996, Bergame et l'Italie refusent d'abandonner aujourd'hui.

La levée de fonds doit durer un mois mais elle peut être prolongée. Où Dario aimerait-il voir son vélo aller ? "Je serais heureux que le vainqueur apprécie la valeur de cet objet et comprenne que je l'ai donné avec mon cœur et pour cette cause. J'imagine le vélo suspendu à un mur dans la maison et des invités demandant pendant le dîner de quoi il s'agit, pour découvrir ensuite l'histoire qu'il y a derrière. C'est bien, si le vainqueur est quelqu'un de normal, qui a simplement donné 10 euros."