Laura Martinelli, diététicienne du Team BikeExchange - Jayco, nous parle de glucides, d’alimentation biologique et de performances de pointe.
Laura, merci de nous accorder un moment. Depuis combien de temps êtes-vous dans l'équipe ?
C'est ma première saison avec le Team BikeExchange - Jayco. Par le passé, j'ai travaillé avec un certain nombre d'équipes, dont IAM Cycling, qui a ensuite disparu, et le Team Novo Nordisk, formée de coureurs diabétiques. C'était intéressant parce que vos priorités passent de la simple performance à la santé. La clé de cette équipe était de gérer la situation du glucose.
Combien de temps passez-vous avec l'équipe ?
Physiquement, j'ai été présente avec l'équipe lors des camps d'entraînement, par exemple les stages en altitude dans la Sierra Nevada. Nous avions un petit camp là-bas avec moi, un chef cuisinier, un entraîneur, un masseur et six coureurs. Mais la plupart du temps, je travaille à distance avec le chef. Nous avons de la chance car nous avons cinq chefs pour plus de 400 jours de course. Ce dispositif couvre aussi l'équipe féminine.
Comment organisez-vous le ravitaillement lors des courses ?
Lors d'une course, il y a deux scénarios simples : soit on a un chef, soit on n'en a pas. Si ce n’est pas le cas, nous contactons l'hôtel et planifions les repas des coureurs en conséquence, et le chef de l'hôtel fait la cuisine.
Si nous avons un chef sur une course, il utilisera la cuisine de l'hôtel, bien que nous ayons un camion frigorifique pour stocker les ingrédients. Cela garantit la qualité des matières premières, des pâtes à la confiture, de la viande au poisson. Nos viandes, par exemple, sont généralement bio et les animaux dont elle provient nourris à l'herbe. Nous cherchons à éviter les additifs dans la mesure du possible. Nous avons de la chance car notre responsable est sensible à la nutrition et à la qualité ; nous avons donc un bon budget pour la nourriture. Et c'est logique. Les coureurs mangent des omelettes tous les jours avant la course, par exemple. Donc, cela ne collerait pas si vous aviez une poudre de protéines de haute qualité mais que vous ne faisiez pas attention aux œufs que vous mangez. Nous avons beaucoup de stock dans notre service course à Varèse, près de Milan.
Les besoins alimentaires d'un cycliste évoluent-ils au cours de la saison ?
Nous programmons la teneur en glucides de l'alimentation d'un cycliste et prêtons attention à la teneur en fibres. Dans la première partie de la phase de préparation (novembre et décembre), nous réduisons les glucides. Ils font de gros volumes, mais pas à des intensités élevées, donc ça va. Cela aide les cyclistes à devenir un peu plus maigres et à compter davantage sur la combustion des graisses comme carburant. En janvier et février, la charge d'entraînement augmente, tout comme la teneur en glucides. Et lors des courses, c'est toujours élevé.
En ce qui concerne les matières grasses et les protéines, les pourcentages restent à peu près les mêmes (environ 10-20 %), mais le nombre de grammes augmente à mesure que la saison avance. Il s'agit d'une évaluation générale, mais nous avons même une programmation par jour et par session dans le but d’obtenir des performances optimales.
Les coureurs s'entraînent-ils parfois à jeun ?
Nous le faisons en novembre et décembre car c'est une stratégie efficace, même si c'est stressant, alors nous ne le faisons pas trop. Beaucoup de nos cyclistes roulent à jeun sur des rouleaux pendant une heure avant le petit-déjeuner, tandis que sur la route, ils peuvent rouler pendant deux ou trois heures, mais à une allure tranquille. Pendant ces sorties, il est important qu'ils ne consomment pas de glucides mais qu'ils s'hydratent bien. Ils prennent aussi quelques cafés au réveil car la caféine mobilise les acides gras sans interrompre le jeûne.
Parfois, nous faisons ce que j'appellerais des sorties à faible teneur en glucides, avec un petit-déjeuner à base de protéines et de graisses, et en route. On ajoute éventuellement une toute petite dose de poudre de protéines dans leurs bidons. S'il fait vraiment froid, ils brûlent plus de calories grâce à la thermogenèse, alors on peut ajouter une touche de miel et de sirop d'agave dans la bouteille de protéines. Si vous pouvez rester en dessous de 30 g de glucides par heure, c’est toujours un niveau bas pour l’entraînement. Une fois à la maison, ils prendront un petit-déjeuner normal.
Lorsqu'ils ne s'entraînent pas à ces faibles niveaux de glucides, les coureurs font-ils constamment le plein ?
Nous conseillons aux coureurs de manger plusieurs collations au cours de la journée. Il est important de se nourrir régulièrement parce que chaque fois que vous activez votre système digestif, vous brûlez plus d'énergie. De plus, vous n'arrivez pas au dîner affamé et par conséquent ne mangez pas trop. Tous les cyclistes, qu'ils soient d'élite ou amateurs, devraient s’offrir des collations saines. Si vous le faites, vous pouvez vous entraîner plus dur, ce qui augmentera la quantité d'hormone de croissance que vous produirez et dont vous bénéficierez pendant votre sommeil.
Les collations riches en glucides, comme le pain de malt, sont bonnes, mais il faut aussi prendre des collations protéinées. Et consommez une source de protéines avant d'aller au lit, quelque chose comme du yaourt grec ou du lait avec même un peu de protéine de caséine saupoudrée. Les études montrent que cela maximise la réparation et la reconstruction musculaire pendant la nuit.
Les coureurs prennent-ils des suppléments ?
La vitamine D est essentielle, en particulier pendant la saison hivernale, lorsqu’on n’en assimile pas suffisamment grâce au soleil. Le cyclisme n'est pas un sport à impact, donc l'ostéoporose peut être plus marquée que dans d'autres sports. La vitamine D est importante pour la mobilisation des minéraux osseux ainsi que pour l'immunité. Le fer est également important, même si nous n’allons pas donner de supplément à un coureur s'il n'est pas déficient. La glutamine et les acides aminés ramifiés sont également bons pour la récupération.
Enfin, nous aimons tous boire occasionnellement dans un contexte festif. Que recommanderiez-vous ?
Le vin rouge est la meilleure option car il est riche en antioxydants. Mais n'en abusez pas !