La voiture est reine.
La grande majorité des Américains adhèrent à cette idée, selon Tim Johnson, ancien coureur professionnel de cyclo-cross.
L’Américain fait partie d’un mouvement grandissant dont l’objectif est de changer les mentalités. Et grâce aux efforts combinés de particuliers et d’organisations dans tout le pays, il commence à voir la situation évoluer : « Hier, aux Etats-Unis, la mort d’un cycliste percuté par un véhicule à moteur était simplement vue comme une perte tragique. Aujourd’hui, nous discutons de plus en plus des mesures à prendre pour empêcher ces tragédies de se produire à l’avenir. »
Tim Johnson est l’un des spécialistes de cyclo-cross américains les plus titrés de l’histoire. Sextuple Champion National, il a représenté les Etats-Unis aux Championnats du Monde Cyclo-cross UCI à 13 reprises, décrochant la médaille de bronze sur la course des Moins de 23 ans en 1999. Egalement cycliste sur route accompli (il a été professionnel de 2000 à 2010), il a participé à deux éditions des Championnats du Monde Route UCI (2002 et 2003) et remporté l’Herald Sun Tour en Australie en 2003.
Depuis sa retraite du cyclo-cross en 2015, Johnson est resté actif dans le monde cycliste en devenant ambassadeur de marque, consultant et... champion des initiatives de promotion du cyclisme. Il a aidé à lever des fonds et à sensibiliser le public pour les organisations PeopleforBikes et MassBike ; il est en outre le fondateur de Ride on Washington, qui collecte des fonds pour la promotion du cyclisme.
L’application des lois et l’éducation sont deux de ses principaux chevaux de bataille.
Pour lui, le premier peut être extrêmement frustrant étant donné que les lois en vigueur ne sont pas systématiquement appliquées aux Etats-Unis : « C’est révoltant qu’un cycliste puisse mourir après avoir été percuté par une voiture et que la personne en cause ne soit pas poursuivie ou ne reçoive pas d’amende, et que la police n’enquête pas sur l’accident.
« L’opinion publique estime qu’un cycliste qui s’engage sur la route à vélo le fait à ses risques et périls, et que ce qui doit arriver arrive. Cette attitude est difficile à changer. »
Johnson reconnaît qu’il est crucial d’éduquer cyclistes et automobilistes pour encourager un changement de mentalité des personnes derrière le volant : « Nous devons donner aux cyclistes, occasionnels, sportifs et utilisant le vélo come moyen de transport, toutes les armes pour partager la route avec les automobilistes de la manière la plus sûre possible. »
Depuis ses premiers pas dans le monde de l’advocacy, alors qu’il était toujours coureur professionnel, Tim Johnson a pris conscience de ces problèmes année après année.
« J’ai commencé à m’impliquer dans la promotion du cyclisme en 2010 lors de ma participation au National Bike Summit à Washington. Mon grand ami Richard Fries, qui travaillait à l’époque pour l’organisation Bikes Belong (renommée PeopleForBikes), a pensé qu’il serait intéressant que je voie les réussites et les échecs des initiatives cyclistes, et de faire en sorte que les gouvernements locaux et fédéraux ne nous oublient pas.
« Ça m’a fait ouvrir les yeux. »
Le cycliste professionnel a pris conscience de la place importante qu’occupait le vélo dans la vie de très nombreuses personnes, qu’il s’agisse pour eux d’aller travailler à vélo, d’aller faire des commissions, de garder la forme ou simplement de s’aérer.
« Les cyclistes pros sont dans une bulle, et il n’est pas facile pour la plupart d’entre nous de comprendre les autres communautés cyclistes, particulièrement aux Etats-Unis où le vélo n’occupe pas la même place dans la culture que dans des pays comme le Danemark ou les Pays-Bas. »
Après ce premier voyage à Washington, Johnson a rejoint l’organisation MassBike dans son Etat. En son sein, il a été confronté aux problèmes à l’échelle locale et il a commencé à travailler avec des particuliers et divers groupes pour changer les politiques.
Sa collecte de fonds avec Ride on Washington a commencé un an après sa première participation au National Bike Summit. En se demandant comment ils allaient se rendre au Sommet de 2011, Tim Johnson et Richard Fries se sont motivés à rallier l’événement depuis Boston : un trajet de 861 km sur l’un des axes urbains les plus empruntés des Etats-Unis. Quelques amis ont rejoint le duo pour ces cinq jours d’aventure. Composé de huit membres la première année, ce groupe de s’est agrandi d’année en année pour emprunter différents itinéraires comme des villes de Saint-Louis et de Kansas City à Chicago, ou encore d’Asheville à Atlanta. Tout cela en levant des centaines de milliers de dollars, en soulignant l’importance des voies cyclables et en échangeant avec le public.
Ces aventures ont réuni des experts de l’industrie cycliste, des mordus de cyclisme et des sportifs d’élite.
« Chacune de ces randonnées cyclistes a attiré un groupe de sponsors qui rapprochaient deux mondes : celui de la compétition et celui de la promotion du cyclisme, explique Johnson, heureux de voir un nombre grandissant d’athlètes de haut niveau faire campagne pour la sécurité du cyclisme quotidien.
« Aujourd’hui, il devient de plus en plus normal que les athlètes représentent davantage que la somme de leurs trophées. Pendant des décennies, on attendait des sportifs qu’ils sacrifient tout pour leur sport et les résultats, mais plus les années passent, plus je vois d’athlètes de haut niveau s’investir pour le cyclisme et la communauté. C’est fantastique », dit-il, citant Chris Boardman comme « parfait exemple » d’un ancien pro qui œuvre pour des réseaux cyclistes sûrs et accessibles chez lui, en Grande-Bretagne.
Tim Johnson ne s’est pas complètement éloigné du cyclisme de compétition. En qualité de Directeur du développement au sein de l’USA Cycling Foundation, organisme de collecte de fonds d’USA Cycling, il accompagne l’ensemble des programmes de la Fédération Nationale.
« Contrairement à beaucoup d’autres pays, le gouvernement ne nous verse aucun financement, explique-t-il. La majorité de notre budget vient de dons généreux de la part de particuliers et d’autres organisations caritatives. Pour réussir sur la scène internationale, nous devons financer des coureurs dans l’ensemble des disciplines, des équipes de développement aux athlètes participant aux Championnats du Monde UCI et aux Jeux Olympiques. »
Tim Johnson est également commentateur à la télévision pour plusieurs courses de cyclo-cross comme les Championnats Nationaux des Etats-Unis et certaines manches de la Coupe du Monde UCI.
« Pour les Mondiaux UCI de cyclo-cross, j’ai participé à tellement d’éditions que je peux les regarder de loin et me mettre à la place des coureurs. J’aime avoir l’occasion de partager mes connaissances tout en sentant le stress monter en ne sachant pas si Wout (van Aert) peut revenir dans la course après une crevaison ou si Lucinda (Brand) peut prendre la ligne intérieure quelques petits mètres avant la ligne d’arrivée.
« Je serai toujours un grand fan ! »