Pour beaucoup de coureurs à travers le monde, le cyclisme est récemment devenu un sport exclusivement d'intérieur en raison des mesures de confinement imposées pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Nouvelles conditions pour des sessions révisées : l'entraînement sur home trainer est une toute autre histoire. Et elle est peut s'avérer amusante et très efficace pour travailler sa condition physique.
Voici quelques conseils de trois experts en la matière :
- Diego Bragato, scientifique du sport pour la Fédération Cycliste Italienne, entraîneur d'Elia Viviani et l’un des cerveaux derrière les programmes d'entraînement de l'application Bikevo ;
- Jesus « Chiquitin » Hernandez, physiothérapeute de l’ UCI WorldTeam NTT Pro Cycling Team et grand amateur de Zwift ;
- Julien Pinot, qui entraîne son frère Thibaut et une partie de l'UCI WorldTeam Groupama-FDJ.
« Les home-trainers ont longtemps été l'ennemi du cycliste », reconnaît le Français Julien Pinot. Mais dans un monde où les coureurs sont confinés et se connectent à des plateformes comme Strava, Zwift ou Bkool, certains réalisent des sessions d'entraînement incroyables en intérieur.
Jesus Chiquitin affichait lui-même un impressionnant 250,1 km au compteur mercredi. « Parce que j'en meurs d'envie, s'est-il justifié. Ce serait différent si je cherchais la performance, mais pédaler relève pour moi de l'hédonisme pur. »
En cette période de confinement en Espagne, Chiquitin passe de nombreuses heures sur son home trainer. Il a établi de nouvelles routines avec ses compagnons de route et adopté un certain nombre d'astuces qui permettent aux séances de passer plus vite : « Le matin, on se réunit avec quelques amis en appel vidéo et on fait 30 à 45 minutes à jeun. C'est détendu, on parle de ce qu'on va faire de notre journée, et le temps file parce qu'on pense à autre chose en même temps. Ensuite, on prépare une autre session dans la journée. Chacun a ses objectifs, mais c'est motivant de se réunir sur des plateformes comme Zwift, et en s'appelant ça motive. Ensuite, tous les moyens sont bons pour rompre la monotonie, en variant les intensités, en changeant de position... Et on peut regarder des vidéos, des séries TV... »
« La vraie différence, c'est le volume »
A chacun de trouver le meilleur moyen pour rendre l’exercice ludique. Et Chiquitin a un message rassurant pour tous ceux qui s'inquiètent pour leur condition physique : « Un coureur amateur peut s'entraîner presque aussi bien en intérieur qu’à l’extérieur, et peut-être même mieux. Avec plus de temps, tu peux programmer différentes sessions dans la semaine et faire du travail spécifique plutôt qu'une longue sortie hebdomadaire où tu ne sais pas vraiment ce que tu vas faire. Au final, ça peut t’apporter la petite touche de puissance qui va faire la différence. »
Le mot-clef pour nos trois spécialistes est « qualité » plutôt que « quantité ». « Avec le bon matériel, on peut reproduire à peu près tout le travail de qualité en intérieur, assure Diego Bragato. La vraie différence, c'est le volume, mais ce n'est pas un problème, parce qu'on peut travailler beaucoup de choses différentes : la capacité aérobique, la force maximale, l'endurance, l'explosivité... On peut aussi travailler la résistance lactique. »
Et tout cela peut être fait dans des sessions courtes plutôt que de se lancer dans des heures et des heures d'entraînement éprouvantes mentalement : « Quand on travaille en intérieur, les sessions font une heure, une heure et demie. Et si vous faîtes ça trois à quatre fois par semaine, avec des intensités élevées et différents types d'entraînements, ça permet de faire beaucoup de bon travail. Le secret de l'entraînement en intérieur, c'est la qualité. »
L'entraîneur italien insiste sur la nécessité de « faire un vrai test sur le home trainer, parce que les valeurs sont différentes de celles relevées sur la route. Il faut évaluer ses seuils d'entraînement. C'est toujours important de les connaître, parce que sinon, l'entraînement est inefficace. »
Bien s'hydrater et ne pas trop en faire
Julien Pinot et les huit coureurs de l'équipe Groupama-FDJ avec lesquels il travaille connaissent bien leurs valeurs. Et ils ont un approche similaire de l'entraînement en ce moment. L'objectif est de maintenir « une hygiène de vie sportive, mais on ne veut pas les surcharger, on n'en voit pas l'intérêt en ce moment », explique l'entraîneur français.
« Il y a trois possibilités pour les coureurs en quarantaine, explique-t-il : les sessions en intérieur, pas plus de deux heures par jour, en une ou deux sessions ; des exercices de renforcement musculaire, notamment du gainage pour les muscles abdominaux et dorsaux ; et un peu de course pour ceux qui aiment ça et peuvent encore le faire. » Pour ses coureurs, cela représente 10 à 15 heures par semaine, un volume que beaucoup d'amateurs peuvent tenir. C'est plus que suffisant pour rester en forme et continuer à bouger pendant le confinement.
Julien Pinot insiste sur la nécessité d'être particulièrement vigilant sur l'hydratation, avec des boissons riches en minéraux (un élément essentiel également relevé par Jesus Chiquitin et Diego Bragato) : « En intérieur, on transpire beaucoup plus. Le phénomène de thermorégulation est beaucoup plus coûteux pour l'organisme. Ça peut être intéressant avec les prochaines chaleurs, mais c'est un stress thermique que vous ne voulez pas trop vous imposer. »
Tout ramène à cette conclusion : il est plus facile que jamais de s'entraîner en intérieur... A condition de bien s'y prendre !