Les para cyclistes français ont dominé le tableau des médailles aux Jeux Paralympiques de Paris 2024, avec 10 médailles d'or, 12 d'argent et six de bronze sur route et sur piste.
À l’heure où les athlètes savouraient leurs réussites à domicile, aboutissement de mois et d'années de préparation, l'un de leurs entraîneurs, Mathieu Jeanne, vient à son tour d'être honoré par le Comité International Paralympique (IPC).
Les IPC Para Sport Awards, organisés tous les deux ans, récompensent les performances et les contributions exceptionnelles des athlètes, des équipes, des entraîneurs, des projets communautaires et des bénévoles dans les sports d'été et d'hiver.
Parmi les lauréats de cette année annoncés le 11 novembre, Mathieu Jeanne est le premier à souligner que son titre de « Meilleur Entraîneur » est le fruit du travail d'équipe de tous les entraîneurs, du personnel et des athlètes de l'équipe française : « Sans eux, je n'aurais pas remporté ce titre, il leur revient donc aussi », a-t-il immédiatement déclaré.
Le parcours de Mathieu Jeanne dans le para cyclisme a débuté en 2011 par un stage à la fin de ses études à Amiens, où il a obtenu un Master axé sur « l'entraînement et le para sport ».
L'année suivante, il a travaillé comme membre du personnel de l'équipe de France, qu'il a accompagnée aux Jeux Paralympiques de Londres 2012, avant de créer sa propre structure d'entraînement pour diverses disciplines cyclistes et pour des athlètes para et non para.
Objectif Paris 2024
Il est cependant revenu dans l'équipe française de para cyclisme en 2018, après avoir été contacté par l'ancien para cycliste Laurent Thirionet (cinq fois Champion du Monde UCI et double Champion Paralympique), qui s'était vu confier le défi de faire briller les Français lors des Jeux de 2024 dans leur pays. Il fallait rectifier le tir après les performances décevantes de Rio 2016, où l'équipe nationale n'avait remporté qu'une seule médaille de bronze et s'était classée 23e parmi les nations.
Jeanne explique : « La France, pays hôte des Jeux de 2024, devait se devait d’être à la hauteur de l’événement. C'est donc une nouvelle équipe et un nouveau projet qui ont vu le jour. Une équipe a été constituée autour d’un seul axe : l'optimisation de la performance. »
Préparation physique et mentale, science de l'entraînement, suivi médical, science des données, optimisation et recherche de gains marginaux... tout a été mis en œuvre pour hisser la France sur le podium.
Si le défi a été relevé avec succès (« les résultats qui en ont découlé sont une grande fierté, comme le sentiment d'avoir accompli notre mission »), il s'agit désormais de maintenir cette dynamique jusqu'à Los Angeles 2028 et au-delà.
« Mais je ne suis pas vraiment inquiet, déclare l'entraîneur. Nous avons de nouveaux profils qui bousculent déjà les champions de Paris 2024, ce qui est très motivant. D’habitude, après les Jeux Paralympiques, nous entamons un nouveau cycle qui peut parfois être compliqué, avec beaucoup de "départs à la retraite", mais pour nous, c'est presque l’inverse. »
Former les jeunes talents
Il souligne néanmoins que l'accent n'est pas mis uniquement sur les athlètes de haut niveau :
« L’accompagnement des jeunes profils jusqu'à maturité est important. Par exemple, Alexandre Léauté [multiple Champion Paralympique et Champion du Monde UCI] est arrivé chez nous à 17 ans, tout comme Florian Jouanny [également couronné aux Jeux Paralympiques et aux Championnats du Monde UCI], qui était loin de survoler sa catégorie à son arrivée. Je parle ici de deux de nos champions, mais il existe de nombreux autres exemples. »
25e titre de champion du Monde ce soir à Rio 🌈🙏🏻 pic.twitter.com/pbF5MF5S5I
— Alexandre Léauté (@LeauteAlexandre) October 19, 2025
Il ajoute : « Il est important de préciser que si nous avons tout mis en œuvre pour que nos athlètes soient performants, nous avons également la chance d'avoir des athlètes talentueux dans chaque discipline et catégorie. Nous mesurons la chance que nous avons d’entraîner tous ces champions. »
Pour accompagner les 30 para cyclistes qui composent l'équipe de haut niveau actuelle, Mathieu Jeanne peut compter sur le soutien de l'entraîneur adjoint Flavien Arnal.
« Nous sommes très complémentaires et nous nous challengeons sans cesse », explique-t-il. Le duo travaille également avec d'autres entraîneurs. « Près de la moitié de ces athlètes disposent d’un entraîneur personnel, avec lequel nous communiquons tout au long de l'année via une plateforme dédiée. »
Un professionnalisme accru
En outre, Mathieu Jeanne mène plusieurs projets de recherche, par exemple sur les gains marginaux (tant au niveau des vélos que de l'orthopédie) et les études posturales (via des tests en soufflerie). Une telle précision est devenue de plus en plus nécessaire dans le para cyclisme, qui est de plus en plus compétitif et professionnel.
« Le para cyclisme évolue dans le bon sens. En 2012, seuls les Britanniques étaient hyper professionnalisés, avec du matériel à la pointe et des moyens humains importants, identiques à ceux des équipes nationales non paralympiques.
« Aujourd'hui, plusieurs nations ont rattrapé leur retard, mais il reste encore un long chemin à parcourir avant que l'ensemble de la planète cycliste ne dispose des mêmes moyens. Mais ce n'est pas propre au paracyclisme : on retrouve la même problématique dans le cyclisme non paralympique. »
Jeanne poursuit : « Ce qui est encourageant aujourd'hui, c'est de voir des pelotons avec des niveaux d'athlètes de plus en plus homogènes. On assiste à de belles courses qui nécessitent de la stratégie, ce qui était moins courant il y a une quinzaine d’années. »
Malgré quelque 14 Championnats du Monde UCI (paracyclisme sur route et sur piste) à son actif, il n'est pas prêt à ralentir ses efforts en faveur de la progression du para cyclisme. Sa motivation et son enthousiasme restent intacts :
« J'aime la diversité, entre la route et la piste, les différentes catégories de handicap, l'histoire de vie de chaque athlète. Les journées ne se ressemblent jamais dans la para cyclisme ; on apprend et on découvre chaque jour quelque chose de nouveau. »