Perché à 694 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer, le Signal de Botrange, à proximité de Liège, est pourtant le point culminant de la Belgique, et même du Benelux tout entier. Il n'y a pas de montagne dans le pays, mais tout amateur de cyclisme sait bien qu'il est faux de considérer la Belgique comme un plat pays. Et la raison en est simple : les monts pavés.
Courtes mais extrêmement pentues, les ascensions pavées sont emblématiques du Tour des Flandres. Les pentes les plus sévères dépassent parfois les 20 % et font prendre de l'altitude tout en cassant les pattes en quelques centaines de mètres seulement. L'édition 2020 du Tour des Flandres comprendra 17 montées sur les 243,3 km du parcours masculin et 11 sur 135,6 km du côté féminin. Pourquoi et comment ces monts sont-ils devenus si spécifiques et quels sont les plus connus ? Découvrez l'histoire fascinante de ces routes légendaires.
Pourquoi y a-t-il des monts pavés dans les Flandres ? Pour mieux le comprendre, notre voyage débute il y a 250 millions d'années, à la fin du Paléozoïque. C'est la période au cours de laquelle les anciennes chaînes de montagnes ont commencé à s'éroder et à se niveler grâce aux rivières. Au cours des millénaires, les puissantes actions de l'eau ont creusé en profondeur de courtes vallées. Le résultat est le paysage actuel avec une succession de dépressions et de crêtes séparées par de petits plateaux, souvent forestiers. C'est le panorama du Tour des Flandres, familier pour tout amateur de cyclisme.
Les pavés, dont l'appellation locale est "Koppen", font partie intégrante de la vie dans les Flandres. En argot flamand, on parle de "Kinderkoppen", littéralement "tête d'enfant", en raison de leur forme. Dans le passé, paver les routes était le compromis parfait entre coût et efficacité. Cela permettait d'utiliser ce type de voie toute l'année, aussi bien lors des étés secs et arides que pendant les hivers enneigés. Les pavés empêchaient de surcroît l'accumulation de boue car ils ont pour effet de mieux évacuer l'eau des pluies, parfois abondantes en Belgique. Enfin, ils permettaient aux chevaux de mieux grimper les pentes très raides.
Mais alors qu'en est-il des vélos ? Les monts sont connus pour leurs revêtements variés. Certains pavés sont légèrement carrés et rectangulaires, tandis que d'autres adoptent une forme triangulaire et pointue. Ces derniers sont réputés pour être les pires ennemis du pneu du cycliste.
Ce qui peut sembler être un environnement peu propice au cyclisme est finalement devenu le terrain de jeu idéal et spectaculaire pour des courses épiques. Rouler sur les pavés constitue évidemment une difficulté supplémentaire et très exigeante pour les coureurs. Cela nécessite des compétences particulières pour être le plus efficace possible, tout en évitant les chutes et les crevaisons. Au regard du palmarès chez les Femmes comme chez les Hommes, il est impossible de trouver trace d'une victoire chanceuse ou imméritée.
Le Ronde van Vlaanderen est la course qui détient le record du plus grand nombre d'éditions consécutives. Depuis 1919, l'épreuve n'a jamais été annulée et ce malgré la Seconde Guerre Mondiale. Le Tour des Flandres, l'un des cinq Monuments de l'UCI WorldTour, est aujourd'hui synonyme de monts pavés et de routes tortueuses à travers les villages et les champs flamands. L’édition 2020 empruntera certains passages particulièrement emblématiques.
Après le départ d’Anvers, les coureurs se frotteront aux premiers pavés après quelque 85 km de course, sur le Lippenhovestraat et le Paddestraat, avant la célèbre montée du Kortekeer (km 131). C'est souvent là que la course s'intensifie. D'une part grâce à sa pente maximale à 17,1%, mais surtout parce que le Kortekeer précède une succession de montées sur les 29 kilomètres suivants (Eikenberg, Holleweg, Wolvenberg, Haaghoek, Leberg, Berendries et Valkenberg).
Le Vieux-Quaremont n'est pas aussi raide, seulement 4 % de moyenne (11 % au maximum), mais il est particulièrement redouté à cause de sa longueur : 2,2 kilomètres sur une route pavée interminable. Après les 600 premiers mètres, à la difficulté modérée, on trouve un passage de 500 mètres à 11% sur un revêtement irrégulier qui déstabilise les coureurs les moins à l’aise. L’ascension passe à proximité de l’église de Quaremont et s’aplanit à une altitude de 111 m. C’est là que le Slovaque Peter Sagan avait attaqué avec son maillot arc-en-ciel en 2016.
En 2020, le Vieux-Quaremont sera escaladé à deux reprises, à 55 puis 17 kilomètres de l'arrivée. A chaque fois, ils sera suivi du Paterberg, tout aussi mythique. C’est une montée courte (360 mètres) mais au dénivelé impressionnant de 12,9 % avec un passage à 20,3 %. La route n’était pas pavée et seulement empruntée par des tracteurs jusqu’en 1986. Le conseil municipal de Kluisbergen a décidé de goudronner le passage mais un fermier, fan du Ronde, a proposé d’utiliser des pavés. C’est dans le Paterberg que Greg Van Avermaet (CCC) a attaqué pour gagner le Tour des Flandres virtuel en avril.
Le Koppenberg, souvent décisif, est aussi au programme avec ses 600 mètres à 11,6 % de moyenne dont un passage à 22 %. A l'origine éloigné de l’arrivée (185 km à parcourir en 2006), il a récemment trouvé sa place dans le final. C’est à l’initiative du Flandrien Walter Godefroot que le Koppenberg est arrivé sur le parcours en 1976. Il s’est immédiatement offert une victime de prestige : Eddy Merckx. Seuls cinq coureurs sont restés sur leur vélo jusqu’au sommet, tandis que le Cannibale devait mettre pied à terre dans la partie la plus pentue. “Un cauchemar, l’un des pires de ma vie”, décrivait-il à l’arrivée.”
Les images du Tour des Flandres sont souvent mémorables. Il y a ces coureurs qui se battent tant bien que mal contre l'inclinaison de la pente, ceux qui mettent même parfois pied à terre tant l'effort est rude et ceux qui ne peuvent éviter la chute, souvent douloureuse. Et puis il y a aussi ces souvenirs d'accélérations incroyables des plus grands champions lorsque les pourcentages deviennent presque insoutenables.
Dans son histoire, Le Ronde van Vlaanderen (Tour des Flandres en flamand) a souvent réussi aux locaux, du premier vainqueur Paul Deman en 1913 à Eddy Merckx en passant par Rik Van Steenbergen, qui devint en 1944 le plus jeune vainqueur à 19 ans, ou Andrei Tchmil, plus vieux lauréat à 37 ans lors de l'édition 2000. Tom Boonen est à ce jour le dernier Belge vainqueur du Tour des Flandres (2012). Son plus grand rival, le Suisse Fabian Cancellara, est lui le dernier étranger à s'être offert le triplé en 2014. Une performance que l'Italien Fiorenzo Magni reste le seul à avoir réalisé lors de trois éditions consécutives (de 1949 à 1951). De son côté, Le Tour des Flandres Femmes a été créé en 2004. La Russe Zoulfia Zabirova s'était imposée. L'année dernière, la course avait été remportée par l'Italienne Marta Bastianelli qui portait le maillot de Championne d'Europe.
Qui succédera aux Italiens Marta Bastianelli (Alé BTC Ljubljana) et Alberto Bettiol (EF Pro Cycling) au palmarès ? Rendez-vous le 18 octobre.