De nombreux paracyclistes ont des besoins très spécifiques, y compris sur le plan alimentaire. Mais cela ne les empêche pas de développer un régime tourné vers la performance, comme le montre la diététicienne du sport Liz Broad dans son livre "Sports Nutrition for Paralympic Athletes" (« La nutrition sportive pour les athlètes paralympiques »). « Un nutritionniste du sport qui travaille avec ces athlètes doit notamment changer leur état d'esprit, se concentrer sur la performance plus que sur la réadaptation, explique-t-elle. C'est un changement conséquent et ce n'est pas toujours facile ou pratique. Prenez une personne avec une blessure à la moelle épinière. Elle va naturellement limiter son absorption de fluides avant un déplacement long pour éviter d'aller aux toilettes. »
Les défis affrontés par ces athlètes varient considérablement. Voici comment trois paracyclistes répondent à leurs besoins et développent leurs performances avec une nutrition adaptée.
Tom Staniford est un ancien Champion National de paracyclisme. En 2011, il est devenu le plus jeune coureur de son pays à remporter un titre individuel senior, à 21 ans. Staniford est aussi l’une des huit personnes dans le monde diagnostiquée du syndrome "MDP", une maladie rare et progressive qui se caractérise par différents symptômes, le plus visible d'entre eux étant l'incapacité du corps humain à stocker de la graisse sous la peau.
A l'inverse, Staniford garde naturellement des réserves de graisse supérieures à la moyenne autour de ses organes. Il doit donc être très attentif à son régime. Il souffre également d'un diabète de type 2, une maladie souvent associée à l'obésité. L'incapacité de Staniford à transformer la graisse normalement a insensibilisé son corps à l'insuline, car les cellules de son corps n'absorbent pas autant de glucose. Il a dû adapter son régime et adopter un traitement pour contrôler sa glycémie.
« En général, j'évite les aliments avec beaucoup de sucres et de glucose, explique-t-il. Je préfère largement les protéines et les fibres. Vous ne pouvez pas faire d'erreur avec des œufs au petit déjeuner, et j'essaye de consommer des aliments avec un index glycémique faible comme les pâtes complètes, le quinoa et le boulghour, avec beaucoup de légumes et de protéines. » En plus des œufs, le blanc de poulet, le thon et le saumon constituent des sources en protéine intéressantes.
La Canadienne Keely Shaw avait seulement 15 ans lorsqu'une promenade à cheval comme elle en faisait régulièrement dans la ferme de sa famille, dans le Saskatchewan, a mal tourné. Ce jour-là, quelque chose a effrayé le cheval et Shaw s'est retrouvée projetée à terre.
Son père l'a retrouvée inconsciente et, si une simple commotion a d'abord été diagnostiquée, elle est restée partiellement paralysée après la rupture d'un vaisseau sanguin dans son cerveau.
« Lorsque j'étais au plus mal, je ne pouvais plus rien bouger dans la partie gauche de mon corps, décrit-elle. Je ne pouvais pas remuer mes orteils ; je ne pouvais pas me retourner dans le lit. Quand j'ai à nouveau été capable de manger seule, il fallait que ce soit une alimentation liquide parce que la moitié de mon œsophage ne fonctionnait pas. »
C'était en 2010. Depuis, le cyclisme a remplacé le hockey comme son sport favori, et Shaw a remporté de nombreux succès, parmi lesquelles sa toute première médaille lors des Championnats du Monde Piste Paracyclisme UCI, en mars : l'argent dans la poursuite individuelle sur le vélodrome d'Apeldoorn, aux Pays-Bas.
Shaw n'a pas toujours eu une relation saine avec la nourriture. « J'étais devenue complètement obsédée par l'apport énergétique, savoir si c'était le bon moment pour manger, la composition en macronutriments et même les différentes micromolécules au sein d'un aliment », admet-elle.
Après avoir travaillé avec la diététicienne Heather Hynes, Shaw a suivi une voie bien plus équilibrée, tout en restant extrêmement intéressée par la nutrition. Lorsqu'elle n'est pas en train de s'entraîner ou de courir, Shaw travaille sur la thèse de son Master, qui étudie les effets du chocolat noir sur le métabolisme et la performance en altitude de cyclistes entraînés.
« Je suis curieuse de la manière dont ce que nous faisons entrer dans notre corps peut affecter la performance physique, poursuit-elle. Etant une athlète de haut niveau, je cherche toujours à m'améliorer - et j'aime vraiment le chocolat ! »
En attendant les résultats de Shaw, on peut se pencher sur les recherches similaires menées par Lieselot Decroix , ancienne coureuse professionnelle sur route et aujourd'hui chercheuse en sciences du sport. Elle a montré que l'abondance de flavonoïdes dans le chocolat noir réduit la consommation en oxygène lors d'efforts cyclistes d'intensité modérée ; autrement dit, ils permettent de rouler plus longtemps et plus vite.
Lora Fachie est Championne du Monde UCI et Championne Paralympique en tandem. Elle est aveugle et elle aime la nourriture. Elle l'adore, même. Quand elle ne pédale pas vers le succès, Fachie tient un blog sur l'alimentation, « Blindingly Good Food » (qu'on pourrait traduire par « de la nourriture à manger aveuglément »), où elle développe sa perspective sur la nutrition pour une athlète de haut niveau aveugle.
« Mon amour de la nourriture et de la cuisine s'est vraiment révélé vers mes 25 ans, explique-t-elle. Ma mère m'encourageait à m'impliquer dans la cuisine depuis mon plus jeune âge, mais ça s'est véritablement développé lorsque j'ai quitté la maison. »
L'objectif de Fachie est de mettre en avant son amour de la nourriture, de dévoiler comment elle se nourrit en tant qu'athlète de haut niveau et de montrer comment elle adapte les recettes et techniques culinaires à sa situation. « Beaucoup de personnes souffrant de handicaps manquent de confiance en cuisine, parce que le risque est accru, ajoute-t-elle. Ils se contentent de plats tout faits, qui sont simples et rapides à préparer, mais manquent de valeur nutritionnelle. J'espère montrer qu'il n'est pas difficile de se repérer dans une cuisine pour préparer facilement des repas de qualité, sans avoir besoin d’être très doué. »