A l'entendre, Youcef Reguigui était né pour devenir l’un des plus grands coureurs d’Afrique. « Je viens de Blida et c'est une ville qui aime rouler : vélos, motos ou voitures de rallye », nous explique à Riyad l'Algérien de 30 ans en marge du premier Saudi Tour. Les vainqueur des Jeux Africains 2019, qui court actuellement pour l’Equipe Continentale UCI malaisienne Terengganu Inc. TSG après quelques années passées au sein de l’UCI WorldTeam Dimension Data (devenue NTT Pro Cycling Team), a terminé 4e du classement général en Arabie Saoudite.
Nous nous sommes entretenus avec lui pour évoquer son parcours dans le cyclisme professionnel et les deux années passées au Centre Mondial du Cyclisme UCI.
Comment vous sentez-vous sur ces nouvelles routes, en participant au Saudi Tour ?
C'est une chance de disputer cette première édition du Saudi Tour, et j'espère que l'épreuve va se développer dans les années à venir. C'est un bel événement et un exemple pour d'autres Fédérations arabes comme en Algérie, en Tunisie, au Maroc... Aux Emirats, ils ont déjà organisé de grandes épreuves UCI WorldTour. Il faut aussi faire de la place aux coureurs arabes pour leur permettre de progresser. C'est compliqué, parce qu'on n'a pas le même climat qu'en Europe et parce qu'il nous manque quelque-chose au niveau de l'encadrement, mais on progresse.
Comment s’est déroulé le début de l’aventure qui vous a mené vers le cyclisme professionnel ?
J'ai commencé dans des petits clubs, en Algérie, et j'ai été repéré lors des Championnats Cyclistes Arabes disputés en Syrie (2009). Cela m’a permis de rejoindre le Centre Mondial du Cyclisme en Afrique avec « JP » (Jean-Pierre van Zyl, le Directeur du programme). J'ai passé presqu'une année là-bas, puis j'ai rejoint le Centre Mondial du Cyclisme UCI à Aigle, à 19 ans. C’était mon point de départ vers le professionnalisme.
Vous aviez déjà des expériences en Europe avant de partir pour Aigle ?
J’avais fait pas mal de courses, notamment des critériums en France et en Belgique, comme stagiaire avec l’équipe nationale algérienne. J’ai aussi couru les Jeux Méditerranéens à Pescara. J’avais une idée générale de ce qu’étaient les courses en Europe. Avant chaque voyage, je m’entraînais et je me préparais bien chez moi.
« Jean-Jacques Henry est le meilleur entraîneur que j’aie eu »
Comment s’est passé ce déménagement en Suisse alors que vous étiez si jeune ?
Ce n’est pas si loin, à peu près deux heures de vol. Mais c’était différent, un autre mode de vie par rapport à ce que je connaissais en Algérie. J’avais ma famille, mes amis… Quand j’ai quitté l’Algérie pour aller en Suisse, j’ai eu une semaine, dix jours, où je me sentais mal. J’avais le mal du pays. Après, c’était bon. J’étais à la résidence Mon Séjour, où Marlyse, notre logeuse, nous accueillait comme une deuxième maman. Elle était toujours présente à mes côtés quand je tombais ou quand j’avais des difficultés.
Qu'avez-vous découvert dans ce nouvel environnement ?
J'étais vraiment heureux en Suisse. Au Centre, tout est bien organisé. On avait des courses tous les week-ends et on participait aux épreuves de la Coupe des Nations UCI. Mon premier entraîneur était Michel Thèze, puis il a pris sa retraite et j'ai travaillé avec Jean-Jacques Henry. J'en garde un très bon souvenir. Pour moi, il est le meilleur entraîneur que j’aie eu.
Que vous a-t-il apporté ?
Pour commencer, il m’a donné un très bon programme d’entraînement. Il a un bon caractère et il considère les coureurs comme s’ils étaient ses amis, voire ses enfants. On a travaillé dans le respect et tout était bien organisé, chaque chose à sa place entre l’entraînement, la diététique, la course… J’en garde un très bon souvenir. Pour sa première année au Centre, j’ai gagné le Tour d’Azerbaïdjan.
« J’ai eu beaucoup d’expériences très différentes »
A ce moment-là, comment imaginez-vous la suite de votre carrière ?
Quand j’ai commencé à travailler avec Jean-Jacques, il avait fait un programme pour toute l’équipe, une douzaine de coureurs, et un programme spécifique pour moi, avec des entraînements supplémentaires. J’en faisais toujours plus. Il me faisait passer des tests et disait que j’avais le niveau pour passer professionnel. Ça m’a encouragé et j’ai travaillé à bloc jusqu’à décrocher un contrat pro, qui m'a rendu très heureux et très fier.
Votre carrière vous a fait parcourir l’Afrique, l’Europe, l’Asie…
J’aime beaucoup découvrir des choses différentes. Si tu restes trois ou quatre ans avec le même entourage, ce n’est pas forcément positif. Il faut du changement dans ton environnement et dans les personnes avec qui tu travailles. Ce n’est pas que j’aie un problème avec elles, mais j’aime le changement, c’est positif.
Le dernier grand changement de votre carrière, c'est d'avoir rejoint l'équipe Terengganu il y a un an... Ça s'est très bien passé dès votre première année !
C'est l’une des plus belles années de ma carrière. J’ai eu beaucoup d’expériences très différentes. En 2018 aussi, avec Sovac - Natura 4Ever, c’était une très belle saison. J’ai gagné 14 courses, j’étais parmi les coureurs avec le plus grand nombre de victoires UCI dans l’année. Avec Terengganu, on a gagné le classement de l’UCI Asia Tour… Et ma victoire aux Jeux Africains (en 2019), c’était vraiment spécial. Ça faisait presque 30 ans que l’Algérie n’avait plus gagné, depuis Khelil Haddad en 1991. J’avais un an ! Il m’a envoyé un message de félicitations et je le remercie. C’est une fierté.