Il y a quelques années, la relation entre Mathieu Van der Poel et Milano-Sanremo ne semblait pas si naturelle. La passion du Néerlandais pour le cyclisme a toujours tourné autour du cyclo-cross et du mountain bike et, bien que sa polyvalence et ses capacités physiques supérieures soient évidemment adaptées aux compétitions sur route, il jugeait cette discipline un peu ennuyeuse, les phases d'observation et d'usure contrastant avec ses tactiques hyper-offensives.
Le Monument italien est l'incarnation de la tradition, avec sa longueur unique (près de 300 km, ce qui en fait la plus longue course de la saison), et son approche longue et nerveuse d'un final explosif au profil de montagne russe : Cipressa, Poggio, puis légendaire Via Roma. De son côté, Van der Poel incarne un nouveau style. Il secoue le peloton à chaque occasion, jusqu'à ce que ses multiples attaques provoquent sa gloire ou sa perte, le plus souvent de façon spectaculaire.
C’était avant que 2023 lui apporte sa première victoire à Sanremo, soulignant combien« MVDP » a mûri. A 28 ans, le « Néerlandais volant » sait quand et comment porter le coup décisif. Le triomphe italien de samedi l'a encore prouvé, avec une victoire qui fait écho à celle de son grand-père Raymond Poulidor, le même jour 62 ans plus tôt à Sanremo, après avoir affiché une immense maîtrise lors des Championnats du Monde Cyclo-cross UCI 2023, en février dernier.
« Le Monument le plus difficile à gagner »
« J'adore les 100 derniers kilomètres, a déclaré Van der Poel en souriant après avoir remporté le troisième Monument de sa carrière, après ses deux précédents succès sur le Tour des Flandres (2020 et 2022). Le problème, ce sont les 200 km qui précèdent. » Milano-Sanremo demande de la patience et de la maîtrise, alors que MVDP avait pris l'habitude dès son plus jeune âge de gagner avec panache grâce à son talent brut. « C'est le Monument le plus facile à courir mais le plus difficile à gagner, a-t-il ajouté. On ne gagne pas toujours si l'on est le plus fort, c'est pourquoi la victoire est vraiment spéciale. »
Samedi, Van der Poel semblait définitivement être le plus fort. La formation UAE Team Emirates et son leader Tadej Pogačar ont imposé un rythme éprouvant dans le Poggio, dernière ascension de la course, comme il l'avait fait l'année précédente. Le Slovène a accéléré une fois, et ce fut une attaque brutale que seuls trois coureurs ont pu suivre : Filippo Ganna (Ineos Grenadiers), le plus rapide à prendre la roue du Slovène, Wout van Aert (Jumbo-Visma), vainqueur de la course en 2020 et favori pour réaliser la passe de deux, et « MVDP », qui s’est mis dans la roue de son rival belge et a soigneusement mesuré son effort jusqu'à ce que le moment soit venu de frapper.
« La Cipressa [l'avant-dernière montée] a été plus facile que je ne le pensais en raison du vent, a-t-il expliqué. J'ai donc dit à l'équipe que le positionnement au pied du Poggio serait crucial. » Avec le soutien de Søren Kragh Andersen, qui a rejoint Alpecin-Deceuninck cette saison, Van der Poel était en position idéale pour suivre ses rivaux. Puis, 200 mètres avant le sommet, il a dansé sur ses pédales avec une intensité extrême qui a laissé tout le monde sur place.
Van Aert ne pouvait que lui rendre hommage : « Mathieu a montré à tout le monde qu'il était super fort. Il a placé une attaque puissante au bon moment. » Et personne n'est jamais revenu.
Objectif atteint
Van Aert est un rival de Van der Poel depuis toujours. « La première fois que j'ai couru contre Mathieu, j'avais peut-être 10 ans », raconte-t-il. Le Belge et le Néerlandais ont participé à de nombreux affrontements et partagé de nombreux prix. Tout récemment, Van Aert a été le témoin privilégié de la capacité de Van der Poel à bondir au moment opportun.
Cet hiver, le Belge a semblé avoir une longueur d'avance sur son rival néerlandais lors de leurs confrontations en cyclo-cross... mais c'est Van der Poel qui a remporté une victoire historique à Hoogerheide pour remporter son cinquième titre de Champion du Monde UCI de la discipline dans la catégorie Elite.
De retour sur la route, Van Aert se montrait plus impressionnant sur Tirreno-Adriatico. Mais une semaine plus tard, c'est Van der Poel qui s’est envolé vers la victoire sur le Poggio. « J'étais vraiment concentré sur cette course depuis que j'ai repris l'entraînement après les Mondiaux UCI de cyclo-cross, a expliqué le Néerlandais. J’avais besoin de quelques jours de course à Tirreno-Adriatico pour atteindre mon meilleur niveau et, aujourd'hui, je pense que c'était mon meilleur niveau. »
Van der Poel va maintenant profiter de cette forme pour le reste de sa campagne de Classiques et tout particulièrement sur le Tour des Flandres (2 avril) et Paris-Roubaix (9 avril). La victoire dans le nord de la France lui a échappé jusqu'à présent (3e en 2021 et 9e en 2022). Mais quand « MVDP » se fixe un objectif, il semble qu'il ne le rate plus.