Milano-Sanremo : un parcours traditionnel plus populaire que jamais

Le cyclisme sur route a toujours été un sport d'endurance, et la 111e édition de Milano-Sanremo le démontrera une nouvelle fois samedi avec ses quelque 300 km de course à travers la Lombardie et le Piémont, et son arrivée sur la Riviera ligure. Si certains organisateurs tracent des parcours plus courts pour favoriser des épreuves plus explosives (le Tour de France 2020 ne comptera qu'une seule étape de plus de 200 km, ce qui constitue une première dans l'histoire de l'épreuve), la société RCS Sport ne s'est pas engagée dans cette voie.

Au contraire, avec un parcours inédit de 299 km, l’édition 2020 de Milano-Sanremo sera la plus longue jamais disputée ! Elle promet une bataille épique sur le Poggio di Sanremo, où les plus grands champions du moment seront prêts à tout donner pour décrocher la gloire sur ce terrain de jeu unique.

« Il y a un accord historique entre les différents acteurs du cyclisme pour que les cinq Monuments [Milano-Sanremo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et Il Lombardia] conservent une distance plus élevée, explique Stefano Allocchio, Directeur de course pour RCS Sport. En tant qu'ancien coureur professionnel et désormais organisateur de courses, je pense que c'est une bonne chose pour le cyclisme. »

Petits défis et grandes batailles

Cette année, le parcours de Milano-Sanremo respecte cette tradition tout en proposant de nouveaux défis aux coureurs. Le peloton traversera la plaine du Pô et les Apennins plus à l'ouest qu'à l'accoutumée, avant de rallier Imperia et de retrouver le parcours traditionnel pour les 35 derniers kilomètres où l’on retrouve les célèbres ascensions de la Cipressa et du Poggio pour pimenter le final. Les Capi (Melo, Cervo et Berta) ne seront pas empruntés cette année, et le Passo del Turchino laissera la place au Colle di Nava en direction de la côte.

« Le parcours sera presque le même, avec seulement 5 kilomètres de plus, décrit Allocchio. Le Colle di Nava n'est pas difficile pour des coureurs professionnels. C'est un peu comme le Turchino, ce n'est pas assez difficile pour mettre les adversaires en difficulté. La différence, c'est qu'on sera à 70 km de l'arrivée plutôt qu'à 150. Le scénario n'est pas écrit à l'avance, et peut-être qu’il y aura plus de surprises cette année... »

Si la Cipressa (5,6 km avec une pente moyenne de 4,1 %) et le Poggio (3,7 km à un peu moins de 4 %) ne sont pas trop effrayants, Milano-Sanremo est pourtant l’une des courses les plus ouvertes du calendrier, et beaucoup s'y sont cassés les dents année après année. Pour certains, son final est l’un des plus excitants de la saison. Et on le doit à cette distance qui sort de l'ordinaire.

Philippe Gilbert (Lotto Soudal) est un amoureux de ces épreuves au long cours. Après avoir remporté les quatre autres Monuments, il vise un grand chelem historique (une performance que plus personne n’est parvenu à réaliser depuis les années 1970) et est prêt à mener bataille à l'occasion de sa 16e participation à la « Classicissima ». « La distance de Milan-Sanremo peut sembler impressionnante, avec 300 km, mais si vous regardez le temps, c'est comme les Flandres, Roubaix ou Liège-Bastogne-Liège :  on est autour de six heures et demie de course, explique le Belge.

« Le nouveau parcours a l'air plus technique, ajoute-t-il. Sur le parcours traditionnel, il y a 150 km d'autoroute, on met le régulateur de vitesse à 45 km/h et je pense qu'on pourrait rouler avec 500 cyclosportifs bien entraînés sans qu'aucun ne se fasse lâcher. » Les difficultés interviennent plus tard, lorsque seuls les « coureurs de la sixième heure » ont les ressources pour s'exprimer.

Julian Alaphilippe (vainqueur en 2019), Vincenzo Nibali (2018), Michal Kwiatkowski (2017)… Les coureurs qui ont enthousiasmé les fans et qui ont remporté les dernières éditions de Milano-Sanremo sont faits d'un bois spécial, et c'est l'usure générée par ces longues épreuves qui leur permet de lancer des offensives inspirées. Il n'y a pas de secret dans cette recette, mais la magie opère inlassablement et fait du final de cette course une merveille pour les fans et les diffuseurs du monde entier. Comme le dit Allocchio, c’est à ce moment-là que le « vrai cyclisme » intervient.

En tant que coureur, Stefano Allocchio avait l’habitude de disputer Tirreno-Adriatico ou Paris-Nice pour se préparer à affronter la distance de la « Classicissima ». « Cette année, les compétitions n'auront repris que depuis une dizaine de jours, observe-t-il. Mais c'est pareil pour tout le monde ! » Selon Philippe Gilbert, « chacun sait comment préparer Sanremo et on sera prêt. »

« Il est difficile de préparer une épreuve comme Sanremo dans ces conditions », estime tout de même Diego Bragato. L'entraîneur italien, qui travaille avec Elia Viviani (Cofidis) et l'application d'entraînement Bikevo, a fait travailler ses coureurs en altitude à Livigno en vue du Monument. « On a fait du travail spécifique autour de la puissance nécessaire pour passer les bosses à la fin de la course », explique-t-il.

Viviani est l'un des coureurs les plus rapides du peloton. Il espère que son équipe gardera un semblant de contrôle sur le final de la course. « Avec six coureurs par formation, des températures plus élevées, une montée plus près de l'arrivée et peu de courses de préparation, ce sera difficile », selon Diego Bragato.

Mais tout est possible au bout de 300 km de course, et c'est ce qui fait toute la magie de Milano-Sanremo.