Paracyclisme : quatre femmes de l’équipe des Etats-Unis en route pour Rio

« Avant de voir mon nom écrit noir sur blanc dans la liste, je ne vais pas à Rio. Rien n’est jamais acquis. »

Cette déclaration est signée Jamie Whitmore, Championne du Monde UCI 2015 paracycliste du contre-la-montre. Ces dernières années, elle a remporté plusieurs titres mondiaux dans la discipline, mais n’a jamais participé aux Jeux Paralympiques. Et elle ne ménage aucun effort pour être retenue dans l’équipe des Etats-Unis pour Rio 2016.

Whitmore est l’une des quatre athlètes américaines qui se sont entraînées près de deux semaines  en novembre dans le cadre du second camp d’entraînement paracycliste organisé au Centre Mondial du Cyclisme de l’UCI, à Aigle, en Suisse, cette année.

« Je n’habite pas à proximité d’un vélodrome aux Etats-Unis. En fait, ce n’est que le quatrième vélodrome sur lequel je roule dans ma vie, alors c’est génial de pouvoir bénéficier de cette infrastructure », explique l’ancienne talentueuse triathlète professionnelle et Championne du Monde de Triathlon Xterra (off-road). Atteinte d’un cancer de la jambe en 2008, Whitmore a lutté et survécu, mais elle a perdu son muscle glutéal gauche, ce qui a entraîné, en plus de la perte de ce muscle, celle de son nerf sciatique et d’une partie de la mobilité de son pied gauche.

Depuis lors, elle ne peut plus courir. Mais elle s’est rapidement fait un nom dans le monde du paracyclisme. Son désir de participer aux Jeux Paralympiques de Rio l’a poussée à faire beaucoup de sacrifices, notamment à passer de longues périodes loin de son mari et de ses deux jumeaux. Mais comme elle le relève : « Je pense que quand on fait autant de sacrifices, ça donne plus de sens à l’entreprise.

« Je ne pourrais pas vivre en me répétant " qu’est-ce que ça aurait donné si j’avais fait ceci ou cela ? " »

Pour être retenue dans l’équipe des Etats-Unis, les femmes doivent être des athlètes polyvalentes, compétitives sur route et sur piste. Pas de problème pour cette athlète  qui a remporté des titres dans les deux disciplines en classe C3. « J’aime la variété, s’amuse-t-elle. Pour Rio, on attend plus ou moins de nous que nous soyons performantes dans les deux disciplines, même s’il est évident qu’un spécialiste du 500 m contre la montre sur piste sera en principe moins bon sur la route. »

« On nous demande de tout faire, ajoute sa coéquipière Megan Fisher, une athlète de la classe C4. Cela démontre que nous sommes en forme et polyvalentes ! »

Fisher a perdu un pied dans un accident de voiture en 2002 et a depuis remporté de nombreux titres de Championne du Monde UCI, de même que l’or (contre-la-montre individuel) et l’argent (poursuite individuelle) aux Jeux Paralympiques de Londres 2012. Elle a naturellement à cœur de revivre une expérience paralympique et jongle entre ses entraînements et son activité de kinésithérapeute à plein temps.

« C’est difficile, parce qu’il y a plein de choses de votre vie que vous mettez de côté. »

Certains membres de l’équipe déménagent même avec leur famille et quittent leur emploi pour aller habiter à Colorado Springs ou Boulder afin de s’entraîner. Il y a tant de choses à bouleverser. Mais plus nous courrons et mieux nous nous classons, plus nous avons de chances d’être retenues dans l’équipe. »

Bien que ces femmes soient en compétition pour gagner le droit de courir à Rio, elles demeurent une équipe à part entière.

« Nous sommes toujours conscientes du fait que nous sommes en compétition pour un nombre limité de places, mais nous voulons toutes que nos coéquipières obtiennent de bons résultats et sommes toujours là pour elles », assure Shawn Morelli (C4), vétéran de l’armée américaine blessée en Afghanistan en 2007. En 2014, elle a été sacrée Championne du Monde UCI sur route et vainqueur de la Coupe du Monde Paracyclisme Route UCI. Cette année, elle a défendu avec succès son titre mondial et obtenu deux médailles  aux Championnats du Monde Paracyclisme Piste UCI.

Tout en souhaitant rééditer ces exploits l’année prochaine, Rio 2016 constitue son objectif principal, et cela passe par une participation à des événements de sélection pour intégrer l’équipe des Etats-Unis, sur piste en février et sur route en juillet.

Jennifer Schuble (C5), qui a été victime de deux lésions cérébrales traumatiques dans deux accidents, avant d’apprendre en 2004 qu’elle était atteinte de sclérose en plaques, est probablement la plus expérimentée des quatre Américaines ayant participé au camp d’entraînement organisé au CMC UCI. Elle a déjà gagné cinq médailles paralympiques, dont une d’or, lors des Jeux de Pékin 2008 et Londres 2012. A l’issue du camp, elle a quitté l’Europe avant ses coéquipières pour reprendre son travail d’ingénieur – à plein temps – chez Mercedes-Benz.

De fait, toutes ces athlètes de haut niveau ont une vie incroyablement remplie en dehors du sport. Elles relèvent les défis avec succès et toutes étaient très impliquées dans différents sports universitaires – tennis, football, athlétisme – avant leur accident.

Cette culture du sport dans les écoles est selon Whitmore l’une des raisons pour lesquelles l’équipe paracycliste des Etats-Unis est si forte : « Notre pays investit beaucoup dans le sport féminin et forme les enfants dès leur plus jeune âge », explique-t-elle.

Malgré la force de l’équipe féminine des Etats-Unis, qui est classée au premier rang mondial, ses membres font face à une concurrence de plus en plus féroce de la part d’autres pays présents sur le circuit international. Le niveau des coureurs s’est incontestablement élevé partout dans le monde et continue d’augmenter.

Les deux camps d’entraînement paracyclistes organisés au Centre Mondial du Cyclisme de l’UCI cette année ont rencontré un vif succès : près de la moitié des candidatures pour participer au stage de novembre ont dû être refusées à cause du nombre de places limité.

Ian Lawless, Directeur de la Performance Cyclisme au sein d’US Paralympic, a sauté sur l’occasion d’y envoyer quelques-uns de ses athlètes : « Le niveau de la concurrence dans le paracyclisme sur piste  augmente chaque année. Les entraîneurs du Centre Mondial du Cyclisme, emmenés par Frédéric Magné, sont considérés comme les meilleurs du monde. Nous avions le sentiment que nos athlètes pourraient apprendre de nouvelles choses lors du camp, en particulier avec des entraîneurs avec lesquels ils n’ont pas l’habitude de travailler et qui pourraient avoir un regard neuf sur leurs forces et faiblesses. De plus, c’est une belle opportunité pour rouler sur une piste dans un vélodrome de classe mondiale avant que la saison paracycliste sur piste ne démarre vraiment. »