Plouay : village breton et Mecque du cyclisme

Plouay est un exemple unique dans le cyclisme moderne : le village breton qui a accueilli les Championnats du Monde Route du centenaire de l’UCI continue d’attirer l’élite mondiale à l’occasion d’un événement organisé par des bénévoles.

Le GP de Plouay – Lorient Agglomération Trophée WNT, samedi, et la Bretagne Classic Ouest-France, dimanche, trouveront tous deux leur épilogue sur une chaussée baptisée Boulevard des Championnats du Monde. Cette route a été construite spécifiquement pour servir de site d’arrivée aux Championnats du Monde Route UCI 2000 qui se sont tenus dans le village breton de Plouay, plus petite localité à avoir accueilli la compétition avec la commune italienne de Giavera del Montello en 1985 (comptant elle aussi une population d’environ 5’000 habitants).

Le circuit final de Plouay porte le nom de Jean-Yves Perron, l’homme qui a amené dans son village les courses au maillot arc-en-ciel. Décédé quelques mois avant qu’elles ne se disputent, il n’aura cependant pas pu y assister. Le Grand Prix de Plouay, comme on l’appelle souvent, était la plus ancienne course professionnelle de Bretagne, une région considérée comme le berceau du cyclisme français. Mais il était en voie de disparition dans la première moitié des années 70, souffrant du déclin du nombre de participants, jusqu’au triste record de 17 coureurs sur la ligne de départ en 1975.

Jean-Yves Perron n’avait pas, à l’origine, une grande connaissance du sport cycliste. Il était un jeune joueur de football toujours prêt à payer son écot aux œuvres du comité des fêtes de son village. Il a alors pris l’initiative d’approcher Cyrille Guimard, vainqueur de l’épreuve cette année-là juste avant de mettre fin à sa carrière de coureur. Soucieux de redorer le blason de sa commune d’origine, Perron souhaitait que sa course retrouve son lustre passé. Guimard lui promit d’appeler un à un les coureurs pros l’année suivante pour les faire venir à Plouay. A l’époque, ils s’engageaient individuellement dans ce type de course et logeaient chez l’habitant et non à l’hôtel.

Non seulement le Grand Prix de Plouay a été redynamisé par l’entremise de Guimard – devenu dans l’intervalle le plus fameux directeur sportif de son époque avec des coureurs comme Lucien Van Impe, Bernard Hinault et Laurent Fignon qui, sous sa houlette ont remporté respectivement une, quatre et deux fois le Tour de France –, mais le village breton s’est aussi taillé une réputation suffisante pour organiser en 1984 les Championnat de France (victoire de Fignon juste avant son deuxième Tour victorieux). Ce fut aussi le début d’un solide partenariat entre le comité des fêtes de Plouay et le journal Ouest-France, plus grand tirage des quotidiens français, et d’une rivalité entre ce dernier et son concurrent, Le Télégramme de Brest.

L’ambition de Jean-Yves Perron pour son village était sans limite. En 1988, il fit le voyage aux Pays-Bas avec trois amis pour participer au Congrès international qui allait voir le lancement de la Coupe du Monde FICP (Fédération Internationale de Cyclisme Professionnel). Sa candidature pour organiser une manche de la série qui devait rassembler les courses d’un jour les plus prestigieuses du monde récolta quelques sarcasmes et se solda par un échec. Il n’abandonna pas et il obtint finalement la promesse de pouvoir organiser une manche de la Coupe du Monde 1996. Il accepta de différer le projet d’un an pour permettre à la ville japonaise d’Utsunomiya de fêter son centenaire sur deux roues cette année-là, avant d’apprendre furieux en octobre 1995 qu’il n’y aurait plus de manche tournante après 1996.

Pendant la semaine des Championnats du Monde Route UCI organisés à Duitama, en Colombie, Perron appela au téléphone le Président de l’UCI Hein Verbruggen, qui lui fixa un rendez-vous le lendemain. Le Néerlandais n’en crut pas ses yeux quand il vit le Breton ponctuel. « Vous ici ! Je croyais que vous m’appeliez de Plouay hier », dit-il. « Effectivement, répondit Perron. Mais aujourd’hui je suis ici, en Colombie, pour vous parler. »

Perron était un organisateur déterminé, indépendant des sociétés professionnelles de l’événementiel. Verbruggen avait mieux qu’une manche de Coupe du Monde UCI sans lendemain à offrir à Plouay en compensation de l’occasion manquée. L’an 2000, un symbole dans l’histoire de l’humanité, allait marquer aussi le centenaire de l’Union Cycliste Internationale, qui fut créée à Paris en 1900. Logiquement, la France avait toute légitimité pour organiser les Championnats du Monde Route UCI cette année-là, et il n’y avait meilleur site d’accueil que le village breton qui avait déjà pris l’habitude de recevoir quelque 100’000 spectateurs pour son Grand Prix annuel qui avait repris du poil de la bête depuis l’édition aux 17 partants de 20 ans auparavant.

Un demi-million de personnes se sont rassemblées à Plouay pour célébrer le maillot arc-en-ciel en octobre 2000, orphelines de Jean-Yves Perron, décédé en février de cette année-là, à 53 ans. Mais ses successeurs, poursuivant son œuvre, ont ensuite cherché à reproduire ce qui avait fait le succès des Championnats du Monde UCI, organisant l’événement sur plusieurs jours, ajoutant à la course professionnelle, une épreuve amateur, une autre pour les féminines et une cyclosportive, si bien que l’UCI WorldTour et l’UCI Women’s WorldTour se conjuguent aujourd’hui au même endroit le même week-end. Une vingtaine d’années après les titres mondiaux du Letton Romans Vainsteins et à la Belarusse Zinaida Stahurskaia, l’organisation est toujours composée exclusivement de bénévoles du comité des fêtes de Plouay.

Historiquement disputée en circuit avec une arrivée au sommet de la côte du Lézot devant une foule énorme et particulièrement enthousiaste, la course est devenue en 2016 la Classique de la région bretonne, où la passion pour le sport cycliste demeure incontestée.

*Direct du GP de Plouay – Lorient Agglomération Trophée WNT, samedi de 15h10 à 14h05 sur Eurosport et France 3