Qui peut battre les Français en descente ?

Cette saison en descente (DHI), les Français dominent largement la catégorie Hommes Elite. Il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau, mais le niveau des performances réalisées en 2018 et 2019 par un trio de coureurs redoutables a pris une ampleur remarquable ces deux dernières années. Amaury Pierron, Loïc Bruni et Loris Vergier ont porté haut le bleu, le blanc et le rouge, et fait résonner La Marseillaise sur les plus grandes épreuves.

Depuis la victoire de Pierron dans la deuxième manche de la Coupe du Monde Mountain Bike UCI Mercedes-Benz à Fort William en 2018 et jusqu'à son récent succès aux Gets, à l'occasion de la 5e manche de 2019, seul le jeune Belge Martin Maes est parvenu à battre en brèche la domination française. Et il l'a fait sur leurs terres, l'an dernier à La Bresse, à l'occasion de la dernière course de 2018 et seule épreuve de la saison qui n'a vu aucun Français s'immiscer dans les trois premières places. Pierron était déjà assuré de la victoire finale au classement général de la Coupe du Monde, et Bruni s’apprêtait à remporter les Championnats du Monde Mountain Bike UCI présentés par Mercedes-Benz, devant Maes et le Britannique Danny Hart (ancien double Champion du Monde UCI), pour décrocher son troisième arc-en-ciel en quatre ans.

Pierron (23 ans), Bruni (25 ans) et Vergier (23 ans) ont le monde à leurs pieds et du temps pour en profiter. Leur rivalité sur les pistes ne les empêche pas de profiter de la complicité forgée par de nombreuses années de proximité. A l'occasion d'un portrait dans Pinkbike, ils ont évoqué cette histoire commune :

« Le père de Loïc et mon père s'affrontaient souvent en compétition, donc on traînait déjà ensemble quand on avait à peu près 4 et 6 ans, raconte Loris Vergier. Depuis la construction de pistes miniatures de motocross avec des sauts pour nos jouets et les bruitages de moto qu'on faisait... on a grandi et couru ensemble. »

« Quand Loris a gagné sa première course, c'était beau à voir, explique Loïc Bruni. Je n'étais pas dans le coup ce jour-là, j'étais un peu spectateur. C'était beau, rien ne semblait pouvoir lui arriver. J'étais très heureux quand il a franchi la ligne d'arrivée. »

« Je suis vraiment heureux quand je vois Loris ou Loïc gagner, poursuit Amaury Pierron. C'est une victoire française et je sens qu'on est tous connectés ensemble et on a une bonne relation. Ce sont mes amis et c'est une belle bagarre, vous voyez ? »

« Quand Amaury a gagné pour la première fois, c'était devant moi, à Fort William, mais je lui ai dit : "Tu le mérites, mon gars", ajoute Vergier. Et puis la fois d'après : "Waouh, t'es rapide maintenant ! " Et la troisième fois : "P*****, je veux te battre maintenant !' On s'aime, j'imagine, c'est de l'amitié et on veut tous aller vite. »

Les cinq premières courses de la Coupe du Monde Mountain Bike UCI Mercedes-Benz 2019 ont été remportées par cette bande de potes français : trois victoires pour Bruni, deux pour Pierron, tandis que Vergier collectionnait les places d'honneur, finissant notamment 2e à Vallnord Pal Arinsal, où il était à deux doigts de gagner à nouveau là où il avait signé sa première victoire l'année précédente.

Le trio français semblait lancé pour s'adjuger tous les triomphes cette saison. Mais c’était avant Val di Sole, en Italie, avant que Laurie Greenland ne trouve les meilleures trajectoires dans les sections les plus techniques pour conserver une vitesse et s’installer dans le hot seat. Avec une séance de qualification perturbée par la pluie et un ordre de départ inhabituel en finale, le jeune Britannique s'est élancé parmi les derniers, et personne n’a pu le déloger de la tête. Sa première victoire en Coupe du Monde, avec près de trois secondes d'avance sur Bruni et Pierron, venait briser les rêves de triplé français et renverser la hiérarchie établie aux Gets.

Le coureur de 22 ans s'était déjà distingué par des places de 2e et de 3 e en 2018 sur le circuit de la Coupe du Monde Mountain Bike UCI Mercedes-Benz mais il n'était pas encore parvenu à monter sur le podium en 2019 avant la manche italienne. Champion du Monde Juniors UCI et vainqueur de la Coupe du Monde dans la même catégorie en 2015, Greenland est en train de gagner en notoriété et en popularité dans les rangs Elite, auprès des supporters, des autres compétiteurs et des suiveurs.

« C'est exactement ce pour quoi j'ai travaillé toute ma vie » s’est réjoui Greenland après sa victoire.

Un autre coureur britannique, le plus expérimenté Hart, semblait parti pour prendre le meilleur sur les Français, lancé vers un excellent temps, avant de perdre ses chances sur une crevaison de la roue arrière dans le dernier quart de la course. L'avance acquise auparavant lui a tout de même permis de finir 5e. Le coureur de 27 ans, originaire de Bristol, est un habitué des podiums de la Coupe du Monde UCI, même s'il court toujours après la victoire depuis une série de trois succès consécutifs débutées à Lenzerheide en 2016.

En l’absence du quintuple vainqueur de la Coupe du Monde UCI Aaron Gwin pour cause de blessure, les regards se tournent notamment vers le toujours vert Sud-Africain Greg Minnaar, triple vainqueur du classement général de la série, encore 7e le week-end dernier à Val di Sole malgré une chute (il avait également fini 7 e aux Gets et occupe cette même place au général). Sans oublier le Néo-Zélandais Brook MacDonald ou le Champion d'Autriche David Trummer, en belle forme cette saison.

Les classements font émerger un autre rival pour remettre en cause la domination française : Bruni est leader avec 1’132 points, devant Pierron (1’000 points)... et l'Australien Troy Brosnan (939), qui devance Vergier (754) et Hart (723).

Dixième à Val di Sole, Brosnan n'a pas été à la hauteur de ses standards en Italie (10e), mais sa régularité au plus haut niveau est remarquable. A 26 ans, il est déjà monté cinq fois sur le podium des Mondiaux UCI, a été sacré deux fois Champion du Monde UCI Juniors et semble toujours prêt à illuminer un rendez-vous.

Il reste deux manches de Coupe du Monde UCI cette année : Lenzerheide, en Suisse (10 août), et Snowshoe, aux Etats-Unis (7 septembre). La situation peut encore être renversée, mais les Français ont tous les atouts en mains pour remporter le classement général.

Loïc Bruni reste prudent au moment de se projeter : « Je ne peux pas te dire qui va gagner le général... Je te le dirai le dernier jour de la saison, ce n’est jamais prudent de parler trop tôt. On verra les gars ! »