Santini adapte sa production de maillots pour fournir des masques de protection à l'Italie

La province lombarde de Bergame est l'épicentre italien de la dramatique propagation du coronavirus, avec des milliers de malades et des centaines de décès. Mais les habitants de la région sont réputés depuis longtemps pour leur ténacité et leur capacité à répondre aux crises avec énergie et solidarité. De nombreuses entreprises sont montées au front pour aider la communauté. Parmi elles, on retrouve le célèbre fabricant Santini, basé à Lallio.

Marque historique de vêtements techniques pour le cyclisme et le triathlon, travaillant en collaboration avec l’UCI depuis plus de 30 ans, Santini confectionne notamment les fameux maillots arc-en-ciel de l'UCI. L'entreprise est prête à transformer un grand nombre de ses chaînes de production pour répondre à l'un des besoins les plus pressants de cette crise : le manque de masques de protection.

En seulement quelques jours, Santini a mis au point un prototype de grande qualité, actuellement étudié par le Politecnico di Milano (Ecole polytechnique de Milan) en vue de l’obtention dès que possible des certifications nécessaires puis du lancement d’une production de masse.

« Cette idée est née lundi 16 mars, après la publication des nouvelles normes pour les accessoires de protection, avec la possibilité de mettre en place une sorte d'auto-certification des masques à partir d'une série de critères établis dans un décret récent », explique Paola Santini. Fille du fondateur Pietro et sœur de la PDG de l’entreprise Monica, elle est aujourd'hui à la tête du département marketing de la compagnie. « L'objectif était de donner aux autres fabricants la possibilité de produire des choses qu'on ne trouve plus. J'ai regardé ma sœur, et on s'est dit : " Voyons si on peut faire quelque chose. " On est dans l'œil du cyclone, on ressent cette urgence dans notre chair. »

Santini a mené ce projet en collaboration étroite avec Sitip, une autre compagnie bergamasque : « Ils sont l’un de nos fournisseurs les plus anciens. On a choisi le bon tissu ensemble et on a consulté des médecins et l'ATS (Agenzia di Tutela della Salute – Agence de santé) locale pour dessiner la forme et la structure au mieux. On court contre le temps. On a envoyé notre meilleur prototype au Politecnico di Milano et dans le même temps on a continué à développer d'autres solutions. On a mené des vérifications en interne, mais on voulait des évaluations scientifiques plus rigoureuses y compris un test microbiologique qu'on n'aurait pas pu faire nous-mêmes. »

Dans un pays confronté tragiquement au Covid-19, « la rumeur de notre projet s'est répandue, et on a reçu des centaines d'appels non seulement de la presse, mais aussi d'hôpitaux, d'associations et de la Protezione Civile (Protection Civile), explique Paola Santini. La situation est désespérée, ils ont besoin de masques même sans certification. Par exemple, l'unité de soins intensifs de Sondrio attend toujours des stocks de masques qui ont été retenus quelque part, puisque toutes les frontières sont fermées ; ils ont donc organisé un réseau avec les autorités locales et les entreprises locales de coton pour un approvisionnement urgent. »

Quelle est la différence entre les masques communs et le modèle sur lequel Santini travaille ?

« Notre prototype est réutilisable, stérilisable et peut être lavé jusqu'à 90-95 degrés tout en garantissant l'intégrité du tissu jusqu'à dix utilisations. Il est fait avec un tissu polyester très dense et un traitement appelé "Acqua Zero" (Zéro Eau) qui rend le masque complètement étanche.

Pour qu'il soit encore meilleur et plus efficace, on a utilisé une double couche de tissu. On a également fait en sorte que le masque s'ajuste au plus près du visage de l'utilisateur en ajoutant un support nasal et des élastiques qui font le tour de la tête plutôt que de s'accrocher aux oreilles.

« Cette solution a plusieurs avantages : le masque s'ajuste parfaitement aux parties les plus pertinentes du visage et permet un meilleur confort après des heures et des heures d'utilisation sans interruption, par exemple pour ceux qui travaillent toujours pendant l'urgence. »

Santini estime pouvoir produire 10’000 masques par jour et explique avoir été déjà sollicitée pour plus de 100’000 masques. Et la demande semble évoluer de façon exponentielle. Le fabricant donnera la priorité à Bergame, c'est la première urgence. Les masques pourront ensuite être distribués dans la province, puis dans le reste de la région et du pays.

« On ne gagne pas un centime, explique Paola Santini. On a décidé de fixer un prix qui couvre seulement le prix du tissu technique, un produit italien de grande qualité, et la fabrication. Une des raisons pour lesquelles il n'y a plus de masques en Italie, c'est parce que plus personne ne les fabrique, ce n'est pas profitable. »

Santini espère que d'autres compagnies l'accompagneront sur cette voie : « On veut simplement aider. Produire des masques n'est pas notre métier, et ce n'était pas un projet facile à monter. Mais à Bergame, on travaille dur et on a tous un ami ou un proche touché par le virus. On ne sait pas quand et comment l'urgence sera surmontée, on ne sait pas ce qui se passera ensuite. Mais avec ce genre d'initiatives, on croit qu'on peut encourager et inspirer d'autres organisations. Rien qu'à Bergame, deux autres entreprises sont prêtes à se convertir. »