Après avoir accumulé les succès en tant que coureuse, Ina-Yoko Teutenberg dirige quelques-uns des plus grands talents du peloton féminin au sein de l'équipe Trek-Segafredo. Elle a dû composer avec les restrictions imposées par la pandémie de Covid-19 et prépare désormais le retour à la compétition de Lizzie Deignan, Lucinda Brand ou encore Audrey Cordon-Ragot.
Avez-vous pu vous appuyer sur votre expérience de coureuse pour accompagner votre équipe ces derniers mois ?
Ina-Yoko Teutenberg : Je pense que c'était complètement différent. Même lorsque vous avez une grosse chute, vous savez : « Ok, ça va prendre tant de temps, je peux faire ça, puis je retrouverai la compétition... » Le plus dur, c'était l'incertitude du début. On a été renvoyées à la maison depuis Drenthe, et sur le moment on se dit que ça va durer deux semaines. Puis d'autres courses sont annulées. Ça a été repoussé plusieurs fois, et je pense qu'il était tout simplement difficile de ne pas savoir quand ça s'arrêterait. Il y a une pandémie, avec beaucoup de personnes qui meurent dans le monde, donc tout le monde comprend qu'on ne peut pas continuer comme d'habitude. Mais je pense qu'il était particulièrement difficile de rester concentré et motivé sans avoir d'objectifs, surtout cette année. Tout le monde était à fond pour les Jeux Olympiques. Maintenant, c'est plus facile, les filles peuvent travailler avec des dates précises à l'horizon.
Comment vous sentez-vous pour la reprise des courses sur route ?
I.-Y. T. : Je pense qu'on est prêtes. Les filles ont été super pour garder le contrôle. Elles sont motivées et en bonne forme. Il reste pas mal de choses à mettre en place au niveau du protocole médical pour déterminer ce qu'on pourra faire sur les courses, quelles sont les meilleures manières de voyager... Ça fait partie du processus, et je pense qu'on fera face à ces questions pendant un moment. On doit tous s'y habituer. Certaines choses ne sont plus aussi prévisibles qu'auparavant.
Qu'est-ce que vous essayez d'apporter à vos coureuses dans ce contexte ?
I.-Y. T. : Je pense que le plus important, c'est le soutien mental. Certaines sont passées par des phases où elles s'entraînaient très bien mais ne se sentaient pas bien. Il faut les soutenir. Je ne suis pas impliquée dans l'entraînement cependant, je m'occupe du calendrier des courses. On discutait de tout, et il était important de leur expliquer que c'est normal, que tout le monde traverse des hauts et des bas en période incertaine. Je voulais être disponible, être présente pour les aider à traverser cette période mentalement.
Quel type d'ajustements opérez-vous en vue du retour à la compétition ?
I.-Y. T. : Je me prépare à peu près comme j'en avais l'habitude. Je travaille probablement plus en relation avec les médecins, pour savoir comment on va se tester et quelles mesures d'hygiène on va mettre en place. Des chambres individuelles ? Comment est-ce qu'on va devoir se tenir dans le bus ? Ça se précise à mesure qu'on approche des courses, et une fois qu'on sera en stage, il faudra s'assurer que chacun prend les bonnes habitudes. Ça fait vingt ans qu'on fait les choses d'une certaine manière, et il faut comprendre que ça ne peut plus être le cas. Je pense qu'il y aura des ajustements pour tout le monde. Mais tout est question d'ajustements depuis quatre mois, pour tout le monde et dans chaque aspect de nos vies.
La saison va reprendre avec un tout nouveau calendrier. Est-ce que ça change vos ambitions sur la route ?
I.-Y. T. : Il s'agit toujours de gagner. Avec le premier week-end de courses en Espagne [Trek-Segafredo participera à l'Emakumeen Nafarroako Klasikoa, à la Clasica Feminina Navarra et à la Durango-Durango Emakumeen Saria entre les 23 et 26 juillet], on a un stage au Pays-basque. On va s'habituer aux procédures et participer à de bonnes courses. On a toujours les mêmes objectifs pour la suite. Les Strade Bianche [1er août] sont toujours un gros objectif, qu'on va viser avec la reprise de la saison. Les filles qui savent qu'elles peuvent être performantes seront prêtes. On veut bien faire sur toutes les courses WorldTour et le Giro d'Italia est très important pour nous. Tout ça n'a pas changé.
Et il y aura une nouvelle Classique, avec la première course féminine de Paris-Roubaix...
I.-Y. T. : Tout le monde est excité. C'est une de ces courses qu'on regarde toujours à la télévision. C'est imprévisible, c'est tout simplement épique. Avoir la chance de vivre une telle course, de rouler sur ces pavés en course, c'est un gros événement pour le calendrier féminin, et je pense que tout le monde sera super motivé. Tout le peloton voudra gagner le premier Paris-Roubaix. Notre service course est en Belgique, donc lorsque les restrictions se sont allégées, on est allé à Arenberg avec Lucinda [Brand] et Ellen [van Dijk], pour voir quels vélos elles voulaient utiliser, et on a fait les 50 derniers kilomètres de la course masculine. Les filles ont adoré. On a vraiment passé une belle journée.
Vous participez au Tour de France virtuel. Que représente cet événement pour vous ?
I.-Y. T. : C'est une publicité importante, une des plus grandes courses virtuelles jamais organisées. On peut voir le nombre d'équipes qui participent et la couverture médiatique. Les filles sont très motivées pour montrer où elles en sont, et elles affrontent les meilleures, ce qui donne des courses très disputées. Personne ne veut donner l'impression de ne pas s'être bien entraîné ces derniers mois !