Titia van der Stelt, nutritionniste du Team Sunweb

Titia van der Stelt sait qu’elle n’est pas forcément la meilleure amie de tous les membres du Team Sunweb, mais là n’a jamais été son objectif.

Travaillant pour l’UCI WorldTeam, l’Equipe Féminine UCI et l’Equipe de Développement Sunweb, la jeune Néerlandaise est responsable de l’alimentation de près de 50 athlètes. Impossible avec elle de faire des écarts et de commander un gâteau aux trois chocolats nappé de crème chantilly. Pas question de lésiner sur les hydrates de carbone non plus, ni de se lancer dans un régime amincissant rapide pour mieux passer les bosses.

La nutrition est une science, et la façon dont van der Stelt envisage les repas des athlètes ne procède pas du hasard. Mais Dieu merci, elle avoue être un gourmet et pense que ce qu’ils mangent doit aussi avoir bon goût. Elle insiste:

« On ne se limite pas aux pâtes blanches et aux sauces rouges. Il n’y a pas de problème avec ça, mais vous ne pouvez pas manger que ça 365 jours par an. »

« Jusqu’ici, les coureurs ne se sont pas souvent plaints de mes repas. Mais en fait je dois dire que je suis meilleure comme conseillère en nutrition que comme cuisinière ! Ils me disent si quelque-chose est trop épicé ou ne leur plait pas, mais il n’est pas possible de contenter tout le monde. »

Son job de nutritionniste pour les équipes est un emploi à plein temps, dans le cadre duquel elle accompagne les coureurs lors de leurs camps d’entraînements et sur les courses. Mais les équipes étant souvent disséminées dans trois lieux différents au même moment, elle ne peut être partout. Lorsqu’elle ne peut faire le déplacement, elle contacte les hôtels pour donner à leurs cuisiniers des directives et leur faire des suggestions au sujet des repas des athlètes. Lorsque cela se passe bien, elle peut même aller jusqu’à leur envoyer des idées de menus. Les hôtels situés dans des régions habituées à accueillir des courses cyclistes sont déjà familiarisées avec les besoins des athlètes d’élite, mais d’autres établissements ont besoin d’un peu plus d’encadrement.

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Lorsqu’elle accompagne une équipe, cela peut également être délicat : « Il y a des hôtels qui sont vraiment intéressés et souhaitent collaborer. Avec d’autres, c’est plus difficile, admet van der Stelt, qui se retrouve régulièrement en cuisine avec la brigade de l’hôtel pour concocter les menus des coureurs de Sunweb. Ça peut être ardu dans de petits espaces. Et je dois anticiper pour savoir quel est le matériel et les produits de base que je peux utiliser dans leur cuisine. »

Nous raisonnons en termes de quantité lorsque nous parlons des calories dont les coureurs ont besoin : « Ils peuvent être neuf à courir, mais s’ils mangent quatre fois plus qu’une personne ordinaire, cela revient à cuisiner pour 36. »

Elle se rappelle l’un des premiers repas qu’elle a cuisiné pour l’équipe masculine qui disputait Paris-Nice l’an dernier. « Ils étaient huit et j’ai décidé de faire des patates douces. J’ai calculé 600 g par personne contre 150 à 200 g pour une portion normale. Ils ont tout mangé et ont enchaîné chacun sur un grand plat de pâtes, rigole-t-elle. J’ai retenu la leçon : faire de plus grosses portions ! »

Travailler dans une cuisine qu’on ne connaît pas n’est pas sans risque, comme van der Stelt l’a appris à ses dépens le jour où elle a confondu le liquide vaisselle avec l’huile d’olive. Heureusement, les pâtes au savon qui ont résulté de cette méprise n’étaient destinées qu’à elle, le reste de l’équipe ayant déjà mangé.

Van der Stelt essaie de parler individuellement à chaque athlète et à tous les entraîneurs une fois par mois. Elle passe en revue ce qui fonctionne pour chaque coureur, et, avec eux, fixe des objectifs.

« En général, les coureurs sont intéressés, mais on peut comprendre qu’une fois qu’ils sont sur une course ou en camp d’entraînement, ils puissent oublier qu’ils ont un rendez-vous ou qu’on doit s’appeler. Ce n’est pas leur priorité. Les femmes sont plus motivées que les hommes à optimiser leur alimentation. »

Elle affirme que la plupart des coureurs sont déjà sur la bonne voie en matière de nutrition, et que quelques-uns font plus de résistance : « Ils disent qu’ils font ce qu’il faut depuis des années, et peut-être que c’est vrai. Mais je peux toujours trouver quelque-chose à améliorer. »

Ces améliorations peuvent inclure la quantité de nourriture consommée quotidiennement, l’horaire des repas, la nutrition et l’hydratation durant l’entraînement et les courses, les rations de récupération et le comportement :

« Des fois, on connaît la théorie, mais en fait, la mettre en pratique c’est une autre histoire… Est-ce qu’on n’aime pas tous le chocolat par exemple ? »

Trouver le juste équilibre peut aider les coureurs à constamment tirer le meilleur parti de leurs capacités, à améliorer leur récupération, à réduire leurs chances de tomber malade ou réduire la durée de la maladie, et à améliorer leur masse corporelle : « Cela peut signifier augmenter la masse musculaire, et par conséquent le poids du corps, afin d’améliorer la puissance, ou faire diminuer le taux de graisse. Il n’y a pas de taux de graisse ou de poids optimal uniques ; il s’agit de trouver ce qui convient le mieux à chaque coureur », explique-t-elle.

Titia van der Stelt travaille également avec l’un des sponsors de l’équipe, Born, pour développer des barres et compléments alimentaires pour sportifs. Tous les produits sont contrôlés pour garantir qu’ils respectent le règlement antidopage. Les coureurs savent ainsi qu’ils ne courent aucun risque en consommant les aliments de l’équipe.

Cependant, elle met l’accent sur le fait que recourir en permanence à des compléments n’est pas une solution : « Par exemple, lorsqu’on s’entraîne dur, il n’est pas toujours utile de prendre des suppléments de vitamine C, parce que cela réduit le stress oxydatif auquel les muscles sont soumis. Or le but d’un entraînement exigeant peut être de générer un stress poussant le corps à s’adapter et à s’y habituer. »

Le nombre de calories brûlées un jour donné dépend de la longueur et du profil du parcours, et du poids du coureur. Mais quels que soient les besoins des athlètes, van der Stelt trouve une solution adaptée. Voilà à quoi ressemble la journée type de la nutritionniste de Sunweb dans le cadre d’une étape masculine vallonnée (les calories requises lors des Strade Bianche féminines, compétition qui lancera l’UCI Women’s WorldTour le 4 mars, sont indiquées entre parenthèses).

6 h 30 : sonnerie de l’alarme pour aller préparer le petit-déjeuner. Celui-ci inclut du pain maison (les cicatrices sur ses bras, liées à l’emploi de la machine à pain, sont là pour en prouver la nature artisanale), des céréales sous une forme ou une autre, et, pourquoi pas, du riz et/ou des pâtes suivant le type d’étape. Calories : 1'200 (1'000).

8 h : préparation des bidons et des musettes (nutrition sportive, gâteaux de riz, etc.) du jour avec les soigneurs. Calories : 1'800 (1'300).

9 h : préparation du repas que les athlètes mangeront après la course dans le bus de l’équipe immédiatement après s’être douchés et changés. Il pourra s’agir de pâtes, de légumes frais, et de salade ou de smoothies. Calories : 1'600 (1'100).

Durant la course : déplacement jusqu’au prochain hôtel en passant par un supermarché, visite de la cuisine de l’hôtel, composition du menu et début de sa préparation (peler et couper 4 kg de légumes prend du temps !) Elle essaie de suivre la fin de l’étape ou de la course.

22 h : les athlètes sont prêts pour le dîner après le transfert, les massages, etc. Ce repas est lui aussi riche en hydrates de carbone et inclut des protéines, des légumes et un dessert (sain). Calories : 2'000 (1'400).

23 h : réunion de l’équipe.

Il n’y a pas que les athlètes qui sont fatigués les soirs d’épreuves par étapes…