L'une des forces du cyclisme continue de résider dans sa capacité à raconter des histoires. Cette semaine, le Tour de Romandie (UCI WorldTour) a de nouveau accueilli avec plaisir son vainqueur sortant Primož Roglič , dont l’histoire d’ancien sauteur à skis et de fan du Giro d’Italia regardant la course sur le bord de la route continue d’étonner.
Dans beaucoup de sports, passé un certain âge, il est trop tard pour devenir performant au plus haut niveau. Mais en cyclisme, le Slovène démontre qu'il est possible de n’avoir même pas pratiqué en Cadets, Juniors ou Moins de 23 ans et de devenir numéro 1 mondial, quel que soit son passé d’athlète. Autant il y a une logique physiologique à ce qu’un coureur à pied de classe mondiale comme Michael Woods, détenteur de plusieurs records du Canada, soit devenu cycliste après des blessures et des opérations, autant l’activité physique de Primož Roglič n’avait rien à voir avec l’endurance. « Ma préparation physique pour le saut à skis était basée sur des exercices statiques avec des ballons d’équilibre ou du trampoline », explique le Slovène.
Il était Champion du Monde par équipes, mais il a arrêté lorsqu’il s’est rendu compte qu’il ne ferait pas partie de la vingtaine d’athlètes au monde qui parviennent à vivre du saut à skis, un sport pourtant très populaire dans son pays et qu’il continue à suivre de près. Roglič est notamment connu comme sauteur à skis à travers la vidéo de son affreuse chute sur le tremplin de Planica. S’il est vrai que le natif de Trbovlje s’est mis au vélo pour sa rééducation, il est faux de déduire qu’il est passé au cyclisme à cause de cet accident qui s’est produit en 2007. Sa dernière compétition sur les tremplins remonte en effet à janvier 2011.
Roglič est alors retourné vers une vie plus traditionnelle, réparant des escalators, la nuit, dans des centres commerciaux et roulant à vélo pour le plaisir… Il a emprunté de l’argent à son père pour s’acheter une bicyclette et a écrit des e-mails à des clubs cyclistes parce qu’il était curieux d’en savoir plus sur ce sport. Tout cela fait partie de sa légende, largement colportée désormais, tout comme sa présence au bord de la route du Giro d’Italia en 2013, en spectateur, lorsque la course a effleuré la frontière slovène. Il se souvient parfaitement d’avoir assisté à la victoire à Montasio de Rigoberto Uran devant Carlos Betancur, Vincenzo Nibali et Cadel Evans. L’image de l’unique vainqueur australien du Tour de France est restée imprimée dans sa mémoire. Il était il y a six ans un débutant dans les rangs de l’Equipe Continentale UCI Adria Mobil.
C’est seulement en 2016 qu’il a rejoint l’UCI WorldTour après ses succès au Tour d’Azerbaïdjan et au Tour de Slovénie, et les recommandations de son coach auprès de Frans Maassen, Directeur Sportif de LottoNL-Jumbo. Il a aussi remporté à haute altitude, en 2015, une étape du Tour du Lac Qinghai, en Chine.
Roglič est donc venu au cyclisme professionnel d'une manière tout à fait inhabituelle. Le grand public a pris connaissance de ses capacités hors du commun quand il a manqué le maillot rose pour un centième de seconde seulement dans le contre-la-montre inaugural du Giro 2016 à Apeldoorn (Pays-Bas). Neuf jours plus tard, il remportait l’exercice chronométré des vignes du Chianti dans des circonstances abracadabrantes : sur un mulet arraché du toit de la voiture au dernier moment, sans bidon ni capteur de puissance. Personne ne pensait qu'il était en lice pour une victoire d'étape… mais les favoris se sont élancés plus tard, sous la pluie, et le parcours étant particulièrement technique ; le temps de Roglič est donc demeuré le meilleur.
Il est maintenant le premier vainqueur d’étape slovène du Tour de France (la 17e étape avec arrivée à Serre-Chevalier en 2017, après le franchissement seul en tête du Galibier sous les yeux du Président de la République française Emmanuel Macron, fraîchement élu). Il a aussi remporté l’UAE Tour et Tirreno-Adriatico cette année. Ayant modifié son programme pour donner priorité au Giro d’Italia, qu’il aborde avec des ambitions de victoire finaletrois ans après sa première participation, il reste convaincu que le Tour de Romandie est un passage obligé pour un coureur qui aime autant la montagne que le contre-la-montre.