L’édition 1969 de l’Itzulia Basque Country, alors connue sous le nom de Vuelta al País Vasco (Tour du Pays basque) est restée dans les mémoires non seulement comme l'édition de la résurrection, 35 ans après sa dernière édition remportée par l’Italien Gino Bartali, mais aussi comme celle du dernier succès de l’immense carrière d’une légende du cyclisme: Jacques Anquetil.
Cinq Tours de France (1957, 1961, 1962, 1963 et 1964), deux Giro d'Italia (1960 et 1964) et une Vuelta a España (1963), le Record de l'Heure UCI en 1956, neuf éditions du Grand Prix des Nations, Gend-Wevelgem in Flanders Fields, Bordeaux-Paris et Liège-Bastogne-Liège : le palmarès de « Maître Jacques » est un des plus brillants et des plus riches de l'histoire du cyclisme. Né à Mont-Saint-Aignan, en France, en 1934, Anquetil, également surnommé « Monsieur chrono », a dominé l'ère qui s'est étirée entre deux autres très grands champions, l’Italien Fausto Coppi et le Belge Eddy Merckx.
Le crépuscule d’Anquetil, l’émergence de Merckx
Au début de la saison 1969, Jacques Anquetil avait bien conscience qu'il arrivait au crépuscule de sa carrière. Le souvenir de sa victoire dans le prestigieux Trophée Baracchi l'année précédente, avec Felice Gimondi, s'étiolait. A Paris-Nice, il prenait la troisième place du classement général derrière Merckx et son compatriote Raymond Poulidor, mais après avoir dû subir une humiliation : pour la première fois en 16 ans de carrière, il était repris dans un contre-la-montre, par le « Cannibale », lors du court chrono en côte du col d'Èze. « Nous sommes entrés dans l'ère Merckx », avait-il alors affirmé à la presse.
Environ un mois après la « Course au Soleil », Anquetil se présentait au sein du maigre peloton de 39 coureurs venus affronter le Tour du Pays basque. Cette épreuve renaissait grâce à la fusion de deux courses : la Vuelta al País Vasco et la Bicicleta Eibarresa. Quatre équipes étaient présentes au départ à Eibar le 16 avril : les formations espagnoles Kas et Fagor, et les Françaises Bic et Mercier. A 35 ans, Anquetil partageait le statut de favori avec deux de ses plus beaux rivaux, Poulidor et l'Espagnol Luis Ocaña.
La dernière leçon de « Maître Jacques »
La première étape vers Vitoria (185 km) a été remportée par un équipier d'Anquetil, le Britannique Michael Wright. Dès le deuxième jour de course, en direction de Pampelune (203 km), le classement général est devenu l'affaire de six hommes qui prenaient plus de sept minutes au reste des coureurs. Vainqueur d'étape et nouveau leader, Joaquin Galera s'imposait devant ses compatriotes Gregorio San Miguel et Eduardo Castello. Intercalé entre Mariano Diaz et Francisco Cabica, à cinq secondes de Galera, Anquetil était le seul étranger au milieu des Espagnols.
Luis Ocaña a refait une partie de son retard en s'imposant dans la 3e étape après 171 km vers San Sebastian. Le menu du 4e jour se décomposait en deux demi-étapes. Anquetil a pris la tête le matin, après la victoire en échappée du Français Raymond Riotte à Guernica (118 km). Il a ensuite défendu son maillot en prenant la troisième place du contre-la-montre individuel de 43 km disputé l'après-midi à Bilbao et remporté par Poulidor devant Ocaña. Dans la dernière étape, 171 km vers Eibar, l'Espagnol Domingo Perurena s'est imposé et Anquetil a fini septième, dans le groupe des favoris.
Régulier, Jacques Anquetil a remporté le Tour du Pays basque 1969 sans victoire d'étape, mais avec une avance de 32 secondes sur Francisco Gabica et 40 sur Mariano Diaz. Ocaña a fini sixième à 3'59" et Poulidor septième à 4'08". Sur les 39 partants, 36 ont fini l'épreuve longue de 891 km. Il s'agissait de la dernière victoire d'une des plus belles « machines à pédaler » de l'histoire du cyclisme.
Sa dernière course, disputée le 27 décembre 1969 à Anvers, en Belgique, n'a pas obtenu l'attention méritée. Le quotidien sportif L'Equipe a décrit une épreuve disputée « dans la plus grande indifférence des médias ». Ironiquement, Anquetil deviendra ensuite consultant pour L'Equipe et travaillera avec Europe 1 et la chaîne de télévision Antenne 2. Il fut également Directeur de Course de Paris-Nice et du Tour Méditerranéen, Directeur Sportif de l'équipe de France aux Championnats du Monde UCI et membre du Comité Directeur de la Fédération Française de Cyclisme.
Anquetil a passé ses dernières années dans le nord de la France, entouré par la nature, dans un château qui avait appartenu à l’écrivain Guy de Maupassant, le domaine des Elfes, à La Neuville-Chant-d'Oisel. Il habitait alors à 17 km de Rouen, où il est mort d'un cancer à seulement 53 ans.
Après sa dernière course en 1969, Jacques Anquetil n'est remonté sur un vélo qu'à trois reprises : à Nice pour le Grand Prix des Gentlemen, en Normandie avec quelques amis et avec sa fille pour son anniversaire.