Le long de la route, des centaines de spectateurs bravent le soleil pour attendre leurs héros. Pour faire passer le temps, ils achètent des cacahuètes et de l’eau à des vendeurs ambulants et discutent bétail et canne à sucre. L’agriculture est un problème au Rwanda.
Soudain, la silhouette tassée de Samuel Mugisha apparaît ; transpirant, les dents serrées, le Rwandais remporte la deuxième étape. Il participe cette année à la dixième édition du Tour du Rwanda. (du 5 au 12 août), course à huit étapes qui a attiré 16 équipes venant de 11 pays. Trois de ces équipes venaient du Rwanda.
Mugisha est l’un des coureurs sur lequel les habitants placent leurs espoirs. « Dans Team Rwanda, nous ne sommes que des cyclistes, explique le jeune athlète. Il n’y a plus de Tutsis, de Hutus ou de Twas. »
Mugisha prononce ces mots simples avec un regard pénétrant qui ne laisse aucun doute quant à sa déclaration ; pour de nombreux Rwandais, c’est comme si le génocide de 1994 s‘était passé hier... mais l’unité de Team Rwanda leur montre que la réconciliation marche. Et ils en sont fiers. Le jeune athlète remporte la deuxième étape et endosse le maillot jaune.
Cette année, plusieurs coureurs pouvaient prétendre à remporter une course à étapes difficile comme le Tour du Rwanda, et notamment les Éthiopiens, qui avaient dominé les Championnats d’Afrique de cyclisme sur route en février. Les Rwandais Valens Ndayisenga et Jean Bosco Nsengimana, tous deux anciens vainqueurs de leur tour national, étaient en lice pour une place sur le podium.
Puis, il y a ceux qui viennent d’en dehors du continent africain pour prendre part à cette course à étapes de plus en plus populaire. Vainqueur du prologue et de la troisième étape en 2016, l’Américain Timothy Rugg revenait avec une envie de faire mieux cette année. « En sachant que c’était peut-être une erreur et que je ne revivrai certainement pas un tour aussi magique qu’en 2016 ! », a-t-il déclaré.
L’Américain a néanmoins remporté la quatrième étape et a terminé deuxième du classement de la montagne.
L’encouragement de la part des spectateurs est très apprécié, notamment dans des villages comme Sashwara, perché au sommet d’une ascension éreintante. Les coureurs ont tout donné ; ils n’avaient pas le choix. Le pays des mille collines est une succession incessante d’ascensions et de descentes.
Près du territoire des gorilles de montagne, les coureurs ont grimpé 900 mètres en moins de 45 minutes. Dans la douleur, Samuel Mugisha franchit la ligne d’arrivée de la sixième étape en vingtième position. Pour le « Roi de la Montagne », ce n’était pas vraiment ce qu’il espérait, mais il conserve néanmoins le maillot jaune.
Jusqu’en 2008, le Tour du Rwanda était une course cycliste régionale qui réunissait des Rwandais, mais également d’autres coureurs des pays voisins comme le Burundi, la Tanzanie ou l’Ouganda. Depuis l’obtention du statut UCI 2.2 en 2009, il est devenu de plus en plus international et compte aujourd’hui parmi les événements cyclistes les plus célèbres du continent africain.
Pour satisfaire aux exigences et aux régulations de l’UCI afin que la course soit considérée en classe 2.1, la Fédération Nationale du Rwanda (FERWACY) a dû changer la date de la compétition pour que les équipes professionnelles puissent y participer et augmentera en outre le prize-money. La Fédération a assuré que tout était en bonne voie pour que la course cycliste emblématique du Rwanda entre dans une nouvelle ère en 2019.
Revenons à l’édition 2018 : la septième étape entre Musanze et Kigali est épuisante. Mugisha tente de pédaler malgré la douleur, plus déterminé que jamais, et termine en quatrième position ; il garde donc son maillot jaune.
Très bien aidé par la Team Rwanda, Mugisha tient bon sur le dernier jour et remporte le classement général du Tour du Rwanda 2018 devant l’un de ses compatriotes, Jean-Claude Uwizeye (Team Côte de Lumière).
Mulu Hailemichael (Ethiopian National Team) a terminé troisième, l’Algérien Azzedine Lagab (Groupement Sportif des Pétroliers) quatrième, et l’Espagnol David Lozano (Novo Nordisk) cinquième.
Mugisha n’a que peu de temps pour fêter sa victoire : le jeune athlète doit plier bagage pour la France et le Tour de l’Avenir, dernier arrêt de la Coupe des Nations Moins de 23 ans UCI.
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