Le vélodrome André Pétrieux de Roubaix a beau être en plein air, ouvert aux vents du Nord à la fin d'une journée d'Enfer, il renferme en son sein une atmosphère unique que rien ne peut effacer. Construit en 1936, il est, depuis 1943, le sanctuaire qui accueille les coureurs qui terminent Paris-Roubaix. Accompagnés par les clameurs des supporters, ils terminent la course par un dernier tour et demi. Et la plupart d'entre eux s'écroulent sur l'herbe à l'intérieur de la piste, épuisés par les efforts de la journée et submergés par les endorphines.
Les amateurs de cyclisme connaissent la tradition, ils l'adorent depuis des décennies. Et ils peuvent désormais en profiter avec une nouvelle tournure, maintenant que les femmes prennent d'assaut le vélodrome à la fin de leur propre Paris-Roubaix Femmes, disputé pour la troisième fois dimanche dernier. Cette édition a donné lieu à des scènes inédites, Alison Jackson (EF Education-Tibco-SVB) célébrant sa victoire en dansant à l'issue d'une journée extraordinaire en enfer.
« J'ai tout donné jusqu'à ce que je franchisse la ligne », a déclaré la première Canadienne de l’histoire à remporter Paris-Roubaix, épreuves masculine et féminine confondues. « Le plaisir vient tout de suite après ». Tout juste consacrée, elle sautait de son vélo pour mieux transmettre sa joie communicative, qu’elle a ensuite répandue lors de l'interview d'après-course, sur le podium, dans les douches emblématiques de Roubaix et en conférence de presse.
That’s A winning celebration. @aliACTIONjackso @EF_TIBCO_SVB #ParisRoubaixFemmes #WatchTheFemmes @GoZwift pic.twitter.com/QU5fKEH3kn
— Paris-Roubaix Femmes avec Zwift (@RoubaixFemmes) April 8, 2023
De manière plus traditionnelle, sa dauphine Katia Ragusa (Liv Racing Teqfind) versait des larmes de joie amplifiées par sa propre incrédulité, tandis que Marthe Truyen (AG Insurance-Soudal Quick-Step), troisième, déclarait que ce podium avait « un goût de victoire ». Leurs coéquipières ont été leurs premières fans, célébrant les héroïnes du jour par des cris et des applaudissements mérités. Quelle journée... Mais c'est ça, Roubaix !
[#ParisRoubaixFemmes]
— Liv Racing TeqFind (@LivRTeqFind) April 9, 2023
The moment you realise you are on the podium of @RoubaixFemmes. ✨ pic.twitter.com/8a4Rbd1qe8
« Je le referais tout de suite ! »
Les stars de l'UCI Women's WorldTour n'ont que trois éditions de l'Enfer du Nord à leur actif, mais elles sont déjà passées par toute la gamme d'émotions qu'une journée sur les pavés de Paris-Roubaix peut susciter.
Il y a deux ans, la grande première a montré toute la puissance de l'Enfer du Nord, avec des conditions humides et boueuses, la course ayant été repoussée au mois d'octobre en raison de la pandémie de Covid-19. Il y avait de l'excitation, des frissons, des craintes... Et cela a permis d’assister à une journée glorieuse, avec une gagnante, Lizzie Deignan (Trek-Segafredo), et de nombreuses héroïnes. 61 coureuses ont terminé la course. 44 ont rejoint le vélodrome en dehors du temps imparti. Et 24 avaient malheureusement dû abandonner avant de pouvoir rejoindre l’arrivée
Les visages dans le vélodrome en disaient long sur la brutalité de la course. Ils témoignaient aussi de la relation unique entre les cyclistes et leur sport, en particulier dans l'Enfer du Nord. « Paris-Roubaix, c'est le chaos et il faut l’embrasser », déclarait Elisa Longo Borghini (Trek-Segafredo), après avoir terminé troisième de cette première édition. « Bien sûr, je reviendrai ! Je le referais tout de suite ! »
« Enfer dantesque » et « paradis »
L’Italienne est revenue quelques mois plus tard, en avril 2022. Le soleil était au rendez-vous, les pavés étaient secs et la course fut à nouveau exaltante, Longo Borghini signant une victoire magistrale.
« Elisa ! », s’est écriée sa Directrice Sportive Ina Yoko Teutenberg dans la radio de l'équipe. L’Allemande a elle-même accumulé les succès au début du XXIe siècle. Mais son visage et sa voix ont craqué sous le coup de l'émotion : « C'est tellement génial Elisa… »
Considérée comme la plus grande cycliste de tous les temps, Marianne Vos (Jumbo-Visma) estime aussi que « Paris-Roubaix est une course qui se distingue dans le calendrier ». L'icône néerlandaise a observé les hommes à de nombreuses reprises. « Quand j'ai fait ma première reconnaissance, j'avais l'impression d'être dans la course, même s'il n'y avait personne autour, parce que je connaissais les secteurs, les points clefs, pour les avoir vus à la télévision », dit-elle. Puis elle a atteint le vélodrome... « C'est un endroit si spécial. »
À quel point est-il spécial ? Demandez à Longo Borghini ce qu'elle ressentait lorsqu'elle est entrée sur la piste en sachant que la victoire l'attendait : « C'est une sensation incroyable. C'est comme si vous traversiez l’enfer de Dante et que, tout à coup, vous vous retrouviez au paradis, et vous pouvez vraiment en profiter. Je n'y crois toujours pas vraiment. Vous roulez dans ce vélodrome où l'histoire du cyclisme s'est écrite, et je suis juste Elisa ».