UCI Women’s WorldTour : Qu’importe le ciel, Trek-Segafredo règne sur l'Enfer du Nord

Les deux premières éditions de Paris-Roubaix Femmes ont été dominées par Trek-Segafredo avec des conditions et des manières très différentes.

Après le one-woman show dans la boue de Lizzie Deignan, Elisa Longo Borghini s'est élevée vers la gloire sur les pavés secssamedi dernier.

Ina-Yoko Teutenberg et son équipe étaient lancées sur des montagnes russes émotionnelles le week-end dernier. La manager de Trek-Segafredo, qui était elle-même une coureuse féroce au tournant du siècle, était d'humeur à plaisanter vendredi. « Ça veut simplement dire que les autres coureuses vont devoir passer un cap et aller chercher la victoire elles-mêmes », disait-elle en riant à Denain, au moment où son équipe se présentait au départ de Paris-Roubaix Femmes pour défendre le succès d’octobre dernier, mais sans Lizzie Deignan, la première vainqueure féminine de l'Enfer du Nord.

Seulement 24 heures plus tard, aucun mot n'était nécessaire lorsque Teutenberg a étreint Elisa Longo Borghini après sa victoire dans l'emblématique vélodrome extérieur de Roubaix. Entre ces deux moments, de la badinerie à l’extase, l'équipe américaine est passée par les hauts et les bas extrêmes que la terrible classique pavée française oppose à ses prétendants.

Chutes, incidents mécaniques, assauts adverses et même la disqualification de la Championne du Monde Route UCI Elisa Balsamo pour un retour illégal dans le groupe après une crevaison, elles ont tout surmonté pour s'imposer une nouvelle fois dans le vélodrome André Pétrieux, où Lucinda Brand (3e) et Ellen van Dijk (7e) ont donné encore plus de relief à la domination de Trek-Segafredo sur les défis uniques de Paris-Roubaix.

Démonstration collective

Toujours à Denain, ville de départ, le directeur de course Franck Perque annonçait « une course complètement différente de celle de l'an dernier » en raison des conditions. L’automne et l’hiver sont passés depuis la première épopée d’octobre 2021, des pavés secs attendaient le peloton au printemps. « Sur un terrain humide, le placement compte beaucoup et vous avez besoin de dextérité, » expliquait Perque. « Par contre, quand c'est sec, c'est la puissance qui fait la différence. Il faut rouler, rouler, rouler. »

Dans des conditions radicalement différentes, Teutenberg était bien consciente que son équipe allait devoir trouver un autre chemin vers la victoire, six mois après le spectacle de Deignan : « Je suis sûr qu'il n'y aura pas d'échappée en solitaire à 85 km de l'arrivée ! » Mais l'équipe américaine a toutefois trouvé le moyen de dominer.

Avec son maillot de Championne d'Europe UEC et sa puissance brute, Ellen van Dijk déchirait déjà le peloton sur les premiers pavés de la journée, menant son équipe en tête sur les mêmes secteurs où Deignan était partie en solitaire lors de la première édition. La Néerlandaise a été victime d'une crevaison dans le troisième secteur, mais elle a pu revenir sur la tête de course, après avoir vu sa partenaire Audrey Cordon Ragot prendre le relais pour durcir la course.

« Nous avons tout simplement gardé toutes nos cartes à l’avant, » se réjouissait Brand à la fin de la journée. La Néerlandaise, Championne du Monde Cyclo-cross UCI en 2021, a notamment suivi une attaque initiée par Lotte Kopecky (Team SD Worx) à 50 km de l'arrivée.

La championne belge a affiché une forme resplendissante en ce printemps, notamment en remportant les Strade Bianche et le Tour des Flandres. Elle est la nouvelle leader du classement UCI Women’s WorldTour après une nouvelle belle performance à Roubaix (2e), et son équipe SD Worx maintient sa position de leader du classement d’équipe UCI Women’s WorldTour. Mais, samedi, ni Kopecky ni sa coéquipière Chantal van den Broek-Blaak n'ont pu contenir l'attaque de Longo Borghini à 34 km de l'arrivée.

« Le vélo parfait pour Roubaix »

L'an dernier, Deignan avait réussi à creuser un écart de plus de 2 minutes sur les pavés. Cette fois, la marge de Longo Borghini n'a pas dépassé les 40'', mais elle ne s’est jamais retournée : « Si vous ne croyez pas en votre attaque, vous ne gagnez jamais, » a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse marquée par ses paroles élégantes. « Entrer dans le vélodrome, c'est comme traverser l'enfer de Dante, et puis tout d'un coup on est au paradis. Vous roulez dans ce vélodrome où l'histoire du cyclisme a été écrite… Et je ne suis qu'Elisa. »

En route vers une nouvelle victoire majeure sur une course d’un jour, la championne d’Italie (également ancienne vainqueure du Tour des Flandres, du Trofeo Alfredo Binda - Comune di Cittilglio, des Strade Bianche, du GP de Plouay…) avait de belles jambes, une tactique solide et aussi une confiance suprême en elle-même, en son matériel et en son entourage.

« Je pense que nous avons les meilleurs vélos pour ce type de course », a affirmé Longo Borghini, soulignant les bénéfices qu'elle et ses coéquipières tirent également de l'expérience de leurs homologues masculins à Paris-Roubaix. « On a beaucoup travaillé sur le côté technique, et c'est un travail qu’on ne voit pas forcément, mais c'est vraiment fondamental pour nous. Ils essaient de nous mettre sur le vélo parfait pour Roubaix, et je pense qu'ils l'ont fait. »