Alors que les coureurs africains se sont fait une place au sein du peloton professionnel masculin, leurs homologues féminines ont la ferme intention de marcher sur leurs traces.
« Les hommes ont déjà atteint un bon niveau, il est temps désormais pour les femmes d’en faire autant », confie Jean-Pierre van Zyl, Directeur du satellite africain du Centre Mondial du Cyclisme (CMC) UCI, à Potchefstroom, en Afrique du Sud.
Van Zyl se trouve actuellement au CMC UCI d’Aigle, en Suisse, avec quelques-unes des coureuses les plus prometteuses de Namibie, d’Éthiopie et du Nigeria. Sélectionnées pour ce stage grâce à leurs performances aux Jeux Africains et aux Championnats d’Afrique de cyclisme, ces jeunes femmes, dont la majorité n’avait jamais quitté le continent auparavant, sont en immersion, pendant six semaines, dans le cœur du cyclisme mondial. A raison de deux entraînements par jour et de courses le week-end, voire même en milieu de semaine, elles découvrent le quotidien des pros, se familiarisent avec la nutrition et engrangent un maximum d’expérience.
« Nous avons besoin de les confronter aux courses européennes, d’abord au niveau local, puis au niveau international », explique Van Zyl. « Elles apprennent ainsi la technique, la descente, le placement dans le peloton. Elles sont ici pour apprendre et feront des erreurs, mais c’est tout à fait normal. C’est mieux que de rester au chaud dans le peloton et d’attendre. On peut faire une erreur, mais pas deux fois la même. Elles doivent en tirer les enseignements. »
Le CMC UCI leur offre selon lui un environnement idéal pour progresser, comme l’ont fait avant elles, il y a quelques années, quelques-uns des meilleurs coureurs africains, dont les professionnels érythréens Daniel Teklehaimanot, Merhawi Kudus et Natnael Berhane. La Rwandaise Jeanne d’Arc Girubuntu a intégré l’an dernier le groupe route de haut niveau du CMC UCI, avant de devenir la première noir-africaine à participer aux Championnats du Monde Route UCI.
« Cette expérience les transcende. Il y a beaucoup à assimiler, mais elles vont s’en sortir et s’affirmer. »
Van Zyl poursuit: J’aimerais qu’elles atteignent le niveau nécessaire pour se qualifier aux Jeux Olympiques. »
Ese Lovina Ukpeseraye, 17 ans, n’avait jamais quitté le Nigeria avant de se rendre en Suisse. Habituée à rouler trois fois par semaine avec son club local, elle a dû s’adapter à un nouveau rythme d’entraînement, un relief différent et des courses plus longues. Déterminée à devenir professionnelle à l’avenir, elle a toujours du mal à mesurer sa chance.
« Tout est si différent du Nigéria », témoigne-t-elle. « C’était très difficile au début, surtout les montagnes, mais ça va mieux maintenant. Je suis tellement heureuse d’être ici. On nous a fourni des tenues et des vélos de qualité. Je veux devenir professionnelle et il faut m’entraîner dur et avoir de bons résultats afin d’y parvenir. »
La Sud-Africaine Zanele Tshoko, 23 ans, ne peut s’empêcher de rire en racontant l’ascension de son premier col suisse : « Je pensais au début que nous allions atteindre le sommet après le prochain virage. Mais on a finalement débouché sur un autre virage et ainsi de suite. J’ai demandé à la voiture qui nous accompagnait où se situait le sommet, mais on ne m’a pas répondu… Et je sais désormais pourquoi ! »
Elle cache derrière son sourire toute sa détermination à faire carrière dans le cyclisme. Un objectif dont elle espère se rapprocher après son passage au CMC UCI. « Je n’arrivais pas y croire lorsque j’ai été sélectionnée pour venir ici. Je vais beaucoup apprendre et progresser. »
« J’avais vu un jour la photo d’un groupe de filles qui s’y entraînaient. Je ne connaissais alors pas grand-chose du centre, mais j’avais envie d’être à leur place. Et c’est aujourd’hui une réalité ! »
Certaines stagiaires ont déjà couru au niveau international. La Namibienne Vera Adrian, championne d’Afrique de course en ligne et de contre-la-montre, a ainsi participé aux Jeux du Commonwealth 2014 et représentera son pays aux Jeux Olympiques de Rio 2016. L’Éthiopienne Tsega Beyene a également obtenu des résultats prometteurs, notamment une quatrième place l’an dernier, derrière trois coureuses professionnelles, sur le 947 Cycle Challenge, une course UCI de catégorie 1.1, en Afrique du Sud, avant de terminer respectivement quatrième et deuxième de la course en ligne et du contre-la-montre des Championnats d’Afrique 2016.
Les courses européennes sont d’une autre dimension, mais Van Zyl a entièrement confiance en ses protégées : « Ce n’est pas parce nous sommes en Europe que nous allons dérouler le tapis rouge à nos adversaires. Nous venons ici pour gagner. »