Début janvier, on a demandé à Mikel Landa (31 ans), leader de l’UCI WorldTeam Bahrain Victorious, s’il s’attendait à voir la nouvelle génération du cyclisme sur route masculin connaître un succès aussi fulgurant en 2021 qu’en 2020.
« C’est vrai, ils ont affiché de très grandes qualités et ils sont très motivés, a reconnu l’Espagnol. Mais nous revenons à un calendrier de courses normal cette année. Il faudra voir s’ils sauront se montrer à la hauteur des attentes qu’ils ont suscitées. »
Après une année 2020 aussi atypique que difficile pour le cyclisme et l’ensemble des sports, les propos de Landa résument bien la grande question de la saison 2021 de cyclisme sur route des Hommes Elite : jusqu’où peut monter la nouvelle vague dans un programme de courses beaucoup plus conventionnel ?
La réponse est loin d’être évidente, notamment parce qu’aucune figure ou équipe dominante ne s’est vraiment dégagée des Grand Tours ou des Classiques l’année dernière, ce qui tient en partie à ce calendrier tellement inhabituel. Le contingent de prétendants à la victoire s’en est donc trouvé considérablement étoffé, et ce dans pratiquement toutes les courses.
En 2021, du fait cet élargissement, la bataille entre les membres les plus chevronnés du peloton, comme Landa, et la génération montante s’annonce donc encore plus passionnante que d’ordinaire. De plus, il sera intéressant de voir dans quelle mesure certains transferts notables réalisés à l’intersaison viendront pimenter les débats.
Champion le plus prolifique de son époque sur les courses par étapes, Chris Froome reste la référence en la matière, malgré son absence sur le Tour l’an dernier. Si le Britannique venait à conquérir une cinquième Grand Boucle à 35 ans, égalant au passage le record de victoires dans l’épreuve, il montrerait à coup sûr que sa génération a repris la main. Sachant que Froome a fait la une cet hiver en passant du Team Ineos Grenadiers, l’une des écuries les plus expérimentées de l’UCI WorldTour, à la formation Israel Start-Up Nation, qui fait figure de néophyte en comparaison, une telle prouesse serait encore plus époustouflante.
A l’autre extrémité de l’échelle des prétendants au maillot jaune sur les Champs-Élysées, on trouve le vainqueur sortant, Tadej Pogačar (UAE Team Emirates), 22 ans. Devenu l’an dernier le plus jeune vainqueur du Tour de France après-Guerre, le Slovène n’était qu’un adolescent lorsque Froome a remporté son premier Grand Tour.
Une autre bataille générationnelle de la plus grande importance, sur fond de suprématie nationale, pourrait attendre Pogačar. En effet, son compatriote slovène Primož Roglič (Jumbo-Visma) aura à cœur de prouver que sa terrible défaite sur le fil au Tour n’était qu’un accident de parcours et que malgré les près de 10 ans qui le séparent de Pogačar, l’âge ne constitue pas un facteur limitant.
Pour alimenter son capital confiance, Roglič pourra s’appuyer sur son impressionnante passe de deux au général de la Vuelta Ciclista a España, au terme d’une édition très disputée en novembre dernier. Grâce à ce succès, le numéro 1 du Classement Mondial UCI a conservé son statut de référence sur les Grands Tours. Quoi qu’il en soit, le retour de Froome et de son ancien coéquipier Geraint Thomas (Ineos Grenadiers), lauréat de l’édition 2018, sur les routes françaises en juillet compliquera sérieusement la tâche de Pogačar et Roglič.
Sans compter qu’Egan Bernal (Ineos Grenadiers) est convaincu, comme Roglič, que son échec au Tour de France 2020 ne se reproduira pas. Rappelons que l’an dernier, la star colombienne avait vu ses chances hypothéquées par une blessure au dos de longue date. Par ailleurs, l’effectif d’Ineos Grenadiers pour les Grands Tours amené à défier Froome et le duo slovène comporte d’autres nouvelles têtes : le vainqueur britannique du Giro d’Italia 2020 Tao Geoghegan Hart (25 ans), et Filippo Ganna, quadruple vainqueur d’étape sur cette course, que beaucoup considèrent comme le porteur des meilleurs espoirs transalpins sur les Grands Tours dans les années à venir.
De nombreux vétérans aguerris ont, comme Froome, changé d’équipe pour la saison 2021. C’est notamment le cas de Romain Bardet, le plus régulier des Français visant le général des courses par étapes. Après de longues années passées chez Ag2R Citroën Team, l’Auvergnat défendra les couleurs du Team DSM. Des pointures de la trempe d’Adam Yates et de Richie Porte, troisième du dernier Tour de France, ont rejoint les rangs d’Ineos Grenadiers. Miguel Angel López fera lui aussi partie des jeunes coureurs de Grands Tours qui chercheront à trouver leurs repères dans une nouvelle équipe. Au sein de la formation espagnole Movistar Team, le Colombien aura l’ambition d’ajouter un troisième podium sur les Grands Tours à ceux qu’il s’est déjà offerts sur le Giro d’Italia et la Vuelta Ciclista a España en 2018.
Sur le front des Classiques, on notera un autre transfert majeur pour la saison 2021 parmi les jeunes loups. Il s’agit de la signature de dernière minute de l’ancien Champion du Monde Moins de 23 ans UCI Marc Hirschi chez UAE Team Emirates. Âgé de 22 ans seulement, l’ancien pensionnaire du Team DSM pourrait bien croiser le fer avec deux vétérans qui, comme Froome, auront l’intention de faire apparaître le chiffre « 5 » à leur palmarès. En avril, Alejandro Valverde (Movistar Team) mettra tout en œuvre pour ajouter un cinquième Liège-Bastogne-Liège à sa collection, ce qui lui permettrait d’égaler le record de victoires sur « la Doyenne ». Quant à Philippe Gilbert (Lotto Soudal), il lui manque « seulement » un succès à Milano-Sanremo ce printemps pour réaliser le carton plein dans les cinq Monuments. Des défis à la mesure du talent des vétérans espagnol et belge.
En marge de ce duel des générations, il n’est pas acquis que les pavés des Classiques verront Wout van Aert (Jumbo-Visma) et Mathieu Van der Poel (Alpecin-Fenix) écrire seuls un nouveau chapitre de leur farouche rivalité. Le Belge et le Néerlandais se sont adjugé un Monument chacun en 2020. Leur mano a mano spectaculaire dans le Tour des Flandres restera comme l’un des moments inoubliables de la saison dernière.
Avec l’ancien Champion du Monde UCI Mads Pedersen (Trek-Segafredo), vainqueur d’une édition incroyablement exigeante de Gent-Wevelgem in Flanders Fields l’an dernier, ils forment un trio relativement jeune (25 et 26 ans) dont la moisson de succès pourrait être perturbée par des coureurs plus aguerris ce printemps. Champion du Monde UCI en titre, Julian Alaphilippe (Deceuninck – Quick-Step) fait partie de ces stars à la réputation bien établie qui ont encore des victoires à aller chercher sur les Classiques ardennaises. Et sur les pavés, il est encore bien trop tôt pour ne pas citer le triple porteur du maillot arc-en-ciel Peter Sagan (Bora-Hansgrohe), ou encore le Champion Olympique en titre, Greg Van Avermaet, parmi les prétendants. Le passage du Belge chez les Français d’AG2R Citroën fait d’ailleurs partie des mouvements notables de l’intersaison.
En comparaison, le marché des transferts a été plutôt calme du côté des sprinters, si l’on excepte toutefois la signature in extremis de Mark Cavendish chez Deceuninck - Quick-Step, qui constitue certainement l’un des plus gros « coups » du mercato.
Âgé de 35 ans, le sprinteur le plus prolifique de l’histoire du Tour de France entend retrouver la bonne dynamique, après plusieurs saisons gâchées par des problèmes de santé. Mais ses benjamins dans la confrérie des sprinters feront tout pour empêcher le Britannique de retrouver son efficacité passée, bien décidés à installer la « nouvelle normalité ». Il s’agira en tout cas de l’une des nombreuses batailles qui animeront les courses sur route Hommes Elite en 2021.