UCI WorldTour : un nouvel arc-en-ciel à Sanremo ?

Le Monument le plus facile à courir, mais le plus difficile à gagner

S’apprêtant à affronter à nouveau les plus grands experts des Classiques sur Milano-Sanremo, Mathieu Van der Poel cherchera à devenir le premier Champion du Monde Route UCI en titre à remporter le Monument italien depuis Giuseppe Saronni en 1983.

« Milano-Sanremo est le Monument le plus facile à courir, mais le plus difficile à gagner. »

Alors que le printemps cycliste bat son plein, Mathieu Van der Poel (Alpecin-Deceuninck) revient sur les courses sur route qu’il a marqué de son empreinte, tant par ses résultats que par ses analyses d'après-course. « Il ne suffit pas toujours d’être le plus fort pour gagner, c’est ce qui rend cette victoire vraiment spéciale », expliquait-il y a un an à propos de « La Primavera », après avoir remporté la victoire à Sanremo à l'issue d'un one-man show dans l’ascension et la descente du Poggio.

Déjà conquérant sur le Ronde van Vlaanderen - Tour des Flandres (en 2020, et 2022), le Néerlandais avait ensuite remporté un autre Monument, Paris-Roubaix, et s'était adjugé le maillot arc-en-ciel sur route, lors des Championnats du Monde de Cyclisme UCI 2023 à Glasgow, en plus de ses nombreuses victoires en cyclo-cross, dont son sixième titre de Champion du Monde Cyclo-cross UCI chez les Elites pour débuter l'année 2024.

Mais à l’heure d’entamer sa saison sur route avec Milano-Sanremo 2024 (la 115e édition du Monument italien), Van der Poel est confronté à un nouveau défi : continuer à accumuler les victoires tout en portant le maillot arc-en-ciel, une image emblématique qu’on n’a plus vue à Sanremo depuis la victoire de Giuseppe Saronni en 1983.

L'arc-en-ciel brille rarement à Sanremo

Lorsqu'il s'agit de performances historiques, Alfredo Binda est souvent une figure de référence. Parmi ses nombreuses conquêtes, l'icône italienne a été le premier Champion du Monde UCI, en 1927. Il a repris le maillot arc-en-ciel en 1930 et 1932... Il a également remporté deux fois Milano-Sanremo, dont l'édition 1931 avec le maillot de Champion du Monde UCI sur les épaules.

Depuis lors, triompher à Sanremo avec le maillot arc-en-ciel est resté un exploit rare, réalisé uniquement par de véritables légendes du sport : Eddy Merckx (en 1972 et 1975), Felice Gimondi (en 1974) et Giuseppe Saronni (en 1983).

Des décennies avant de remarquer le talent du très jeune Tadej Pogačar (UAE Team Emirates), Saronni était lui-même un enfant prodige, vainqueur du Giro d'Italia à 21 ans (1979). Il n'avait pas encore 25 ans lorsqu'il s'est élancé vers le maillot arc-en-ciel à Goodwood, en Angleterre (Royaume-Uni). Mais Milano-Sanremo l'avait déjà frustré plus d'une fois : il s'était classé deuxième en 1978, 1979 et 1980. Le Monument italien est peut-être facile à courir (du moins selon Van der Poel), mais il est difficile à conquérir.

Avec son maillot arc-en-ciel, Saronni a été magnifique. Champion du monde UCI, il avait déjà remporté Il Lombardia en octobre. Et il était déterminé à faire sienne La Primavera. « Je ne voulais plus de deuxième place et encore moins de podium, avait-t-il déclaré plus tard. La victoire ou rien, ça passe ou ça casse ». Sur le Poggio, il s'était envolé, pour finalement parvenir à ses fins. « On parle beaucoup de mon 'coup' à Goodwood, mais celui de Sanremo était peut-être encore meilleur. »

Les rendez-vous manqué de Freire, Alaphilippe et Sagan

Après la conquête de Saronni, Sanremo est devenu le paradis des sprinters, jusqu'à ce que la balance penche à nouveau du côté des puncheurs au cours de la dernière décennie. De nombreux Champions du Monde UCI ont tenté de dompter les « Capi » et le final éprouvant du premier Monument de l'année.

L'Allemand Erik Zabel s’est imposé quatre fois à Sanremo (en 1997, 1998, 2000 et 2001), mais le maillot arc-en-ciel lui a toujours échappé (2e en 2004 et 2006, puis 3e en 2002). Son rival Oscar Freire a remporté à trois reprises aussi bien la course en ligne Elite des Championnats du Monde Route UCI (en 1999, 2001 et 2004) que Milano-Sanremo (en 2004, 2007 et 2010), mais l'arc-en-ciel et la Primavera n'ont jamais été alignés pour l'Espagnol : Champion du Monde UCI en titre, c’est en 2000 qu’il a été le plus proche de la victoire à Sanremo, avec une 3e place.

Plus récemment, le Polonais Michał Kwiatkowski a remporté Milano-Sanremo (2017) trois ans après avoir conquis les Mondiaux UCI (2014), tandis que le Français Julian Alaphilippe a fait le chemin inverse (vainqueur à Sanremo en 2019, avant ses deux titres de Champion du Monde UCI en 2020 et 2021). Quant à Peter Sagan (SVK), il a endossé le maillot arc-en-ciel (Champion du Monde UCI en (2015, 2016 et 2017) mais la victoire à Sanremo lui a échappé : il a cependant enregistré sept places dans les cinq premiers.

Souvent frustré par « La Primavera » , Sagan en est venu à suggérer que le parcours devrait être rendu plus difficile, afin de donner aux coureurs les plus forts plus de chances de faire la différence. Mais cet équilibre imprévisible est exactement ce qui fait de Milano-Sanremo « le Monument le plus difficile à gagner ». Et l’un des plus passionnants.