Le vélodrome Maspes-Vigorelli de Milan est sans doute, dans l’histoire du sport cycliste, l’un des lieux vraiment digne de l’appellation « légendaire ».
Construit en 1935, il a été détruit par un bombardement pendant la Seconde Guerre Mondiale puis reconstruit en 1946 ; sa piste d’une longueur inhabituelle de 397,70 mètres a accueilli pendant des décennies des évènements cyclistes de classe mondiale. Tous les records de l’heure UCI établis entre 1935 et 1967 l’ont été au Vigo par des coureurs tels que Fausto Coppi, Maurice Archambaud et Jacques Anquetil. Au cours de ces mêmes années, il a aussi accueilli les Championnats du Monde Piste UCI, et en des temps (relativement) plus récents, les spectateurs ont eu l’occasion d’y admirer quelques-uns des meilleurs parmi les meilleurs cyclistes : ainsi, Antonio Maspes, Eddy Merckx, Francesco Moser y ont couru. Le vélodrome est l’un des temples du cyclisme sur piste.
Au cours des années 1970 et 1980, la baisse d’intérêt pour le cycliste sur piste, au profit de la route, a eu pour conséquence une diminution progressive de l’utilisation du vélodrome. Par ailleurs, deux effondrements de structure en 1985 et 1988 ont contribué aux prémices d’un passage aux oubliettes, interrompu de temps à autre par quelques évènements ponctuels. C’est en 2001 que des vélos ont parcouru le vélodrome Vigorelli pour la dernière fois. Plus récemment, seules les deux équipes de football américain de la ville ont empêché l’endroit de sombrer complètement dans l’oubli – et ce, tandis que les lamelles en bois de la piste pourrissaient et se décomposaient.
Toutefois, Milan est une ville où le cyclisme tient une place importante. Elle abrite quelques-uns des meilleurs fabricants de cycles, et le fait qu’elle soit compacte et plate comme une crêpe est une invitation à faire du vélo. D’ailleurs, au cours de ces dernières années, tout comme dans n’importe quelle autre agglomération occidentale, Milan a assisté à une renaissance du cyclisme (+26% entre 2007 et 2012) – sous l’impulsion d’une génération de défenseurs du cyclisme, engagés dans le développement de la culture du vélo et revendiquant davantage d’espace pour la pratique de cette activité.
Ces cyclistes urbains, ainsi que les revendeurs de vélos, les cyclistes appartenant à un club, les vétérans et quiconque ayant découvert qu’il est préférable de se déplacer à Milan à vélo, se sont unis dans un mouvement populaire et ont commencé à réclamer la rénovation du Vigorelli.
Certes, mais avec quel argent ?
Milan est l’hôte de l’Exposition universelle de 2015, un salon commercial géant où quelque 20 millions de visiteurs sont attendus. Une large part des frais d’aménagement versés à la municipalité par les promoteurs de « City Life » (un immense projet immobilier lié à la gigantesque manifestation) sera utilisée pour la rénovation du vélodrome : 18 millions d’euros.
Alors, tout va bien ! Pas vraiment…
En 2012 la ville de Milan a lancé un appel d’offres auprès de cabinets d’architecture afin d’identifier le projet le mieux adapté pour ce lieu. Le vainqueur a été annoncé en 2013. Le projet choisi excluait le cyclisme – le motif invoqué étant que c’était l’une des trop nombreuses activités destinées à l’installation. Dans les documents annexes, le Vigorelli y est même désigné sous le nom d’« Ex-Vélodrome »…
C’en était trop pour les cyclistes locaux qui ont formé une coalition et ont exercé leurs pressions à un niveau supérieur. Les professionnels du monde cycliste ont soutenu la cause, appuyés – entre autres – par Elia Viviani, le meilleur pistard italien, Gianni Bugno et Brian Cookson, à l’époque président de British Cycling.
La campagne a été une réussite et à la fin 2013 la Surintendance locale du Patrimoine Culturel a imposé des restrictions sur les projets de rénovation. La reconstruction était autorisée mais la piste en bois devait être conservée. En mai 2014, la municipalité de Milan annonçait une révision du projet. Le vélodrome et sa piste riche en histoires étaient saufs.
Bien que ce soit une victoire pour les cyclistes locaux, la partie la plus difficile est seulement sur le point de débuter. Il faudra environ deux ans pour terminer la rénovation (les travaux n’ont pas encore commencé), et on ne sait pas encore à qui sera confiée la gestion du vélodrome. Le comité des cyclistes locaux et la branche milanaise de la Fédération Italienne de Cyclisme (FCI) ont formulé leurs idées sur la manière dont l’infrastructure peut être gérée. Leur manifeste s’articule autour des piliers suivants :
Le comité Vigorelli envisage aussi de mettre en place un réseau européen de vélodromes historiques. Des pourparlers sont en cours avec ceux de Roubaix et de Herne Hill à Londres – ce dernier est d’ailleurs en cours de rénovation, et partage avec Vigorelli une similaire histoire d’abandon, d’éventuelle fermeture et de cyclistes qui le défendent.
Les vélodromes – et les parcs à vélos en général – sont des infrastructures cyclistes urbaines de plus en plus populaires. Offrir, en particulier dans les quartiers à faible revenu, des activités sportives est un élément clé des efforts faits par les gouvernements pour maintenir les populations actives et en bonne santé. Voyez par exemple, comment à Londres les installations de cyclisme et de natation des Jeux olympiques sont devenues des héritages sportifs légués aux Londoniens.