La détentrice du Record de l'Heure UCI chronométré par Tissot nous parle de son amour du défi, de son éternelle insatisfaction et de sa recherche de la perfection.
« Chaque jour, je fais des erreurs. Chaque jour, j'échoue quelque part. »
Ce n'est pas exactement ce que l'on s'attend à entendre de la part de la double détentrice du Record de l'Heure UCI chronométré par Tissot et, de surcroît, de la première femme à avoir parcouru plus de 50 km en une heure. Mais Vittoria Bussi le reconnaît : « J'ai des exigences très élevées. Si j'atteins chaque jour le niveau que je souhaite, c'est trop facile. Je pense que je suis toujours insatisfaite. Mais je veux toujours m'améliorer, faire mieux, obtenir plus ».
Maintenant que l'Italienne a battu pour la deuxième fois le Record de l'Heure UCI chronométré par Tissot, elle est prête à relever un nouveau défi cycliste. Elle est réticente à annoncer de quoi il s'agit, mais se donne plusieurs mois pour s'entraîner et – c'est une mathématicienne après tout – travailler sur les aspects techniques. Elle est actuellement basée à Aigle, en Suisse, quatre jours par semaine, combinant des séances sur le vélodrome du Centre Mondial du Cyclisme (CMC) UCI avec son emploi à mi-temps en tant que data scientist.
Retour en arrière...
Il y a un peu plus de trois mois, Bussi a parcouru 50,267 kilomètres sur le Velodromo Bicentenario d'Aguascalientes, au Mexique, battant le Record de l'Heure UCI chronométré par Tissot alors détenu par la Néerlandaise Ellen van Dijk de plus d'un kilomètre. Bussi avait battu le prestigieux record pour la première fois en 2018, et sa marque de 48,007 km n’avait pas été dépassée les trois années suivantes, jusqu'à ce que la Britannique Joscelin Lowden n’aille plus loin.
Le record que personne ne peut battre
« Les records sont faits pour être battus, et j'attendais que quelqu'un batte le mien, explique Bussi à propos de la perte de son record original en 2021. Je ne voulais pas me battre moi-même, mais je savais qu'une fois que quelqu'un irait plus loin que moi, je me concentrerais à nouveau. Bien sûr, vous ne vous sentez pas bien lorsque quelqu'un bat votre record, mais c'est aussi une occasion de vous améliorer.
« Je pensais déjà au 50 kilomètres avant le record d'Ellen. Pour moi, c'était l'occasion de faire quelque chose qui resterait à jamais dans l’histoire. Je serai toujours la première femme à avoir franchi la barre des 50 km. »
L'actuelle détentrice du record peut-elle aller encore plus loin que 50,267 km ?
« Oui, je pense que je le peux », répond Bussi sans hésiter. Et elle n'est pas du genre à parler pour ne rien dire. Avec un doctorat en mathématiques, rien n'est laissé au hasard.
« On peut continuer indéfiniment parce que c'est de la science. La science et la technologie progressent très vite, alors oui, je peux m'améliorer. Mais il faut aller de l'avant dans la vie. On peut se concentrer sur quelque chose pour toujours et continuer à s'améliorer, mais il y a tellement d'autres choses dans la vie qui valent la peine d'être essayées. Je ne veux pas paraître arrogante, mais je sais comment gérer un record de l’heure maintenant. »
Cela ne veut pas dire que les choses ont été faciles pour l'universitaire, ancienne coureuse de demi-fond qui s'est mise au cyclisme à l'âge de 27 ans. Elle a choisi un parcours atypique pour arriver au sommet et a monté ses tentatives de record grâce à des sponsors et au financement participatif.
« J'ai pris la décision de ne pas faire partie d'une équipe cycliste professionnelle. Les grandes équipes ont des sponsors et vous devez utiliser tel vélo, tel casque, faire ceci, faire cela. Je voulais choisir mon sponsor et avoir la liberté de gérer mon propre projet. Mais la liberté coûte beaucoup d'énergie ! »
Une décision éphémère d'arrêter le vélo
C'est pourquoi son premier réflexe, après avoir établi le Record de l'Heure UCI chronométré par Tissot en octobre dernier, a été d'arrêter.
« Je me suis dit 'OK, il est peut-être temps de changer de vie'. J'ai fait 10 ans de cyclisme professionnel, battu deux records du monde, décroché quelques podiums dans des courses internationales et remporté une victoire (le contre-la-montre d'ouverture du Tour de Feminin - O cenu Ceskehu Svycarska, une course par étapes tchèque, en 2021). Je peux être fière de ma carrière professionnelle. »
Le plan de Bussi était d'organiser son mariage avec son partenaire de longue date Rocco (« mon roc ») et de fonder une famille, jusqu'à ce que ses sponsors et ses amis l'encouragent à profiter de sa bonne forme pour continuer une année de plus. Le sponsor de son vélo, Hope, et tous ses sponsors techniques lui ont dit qu'elle pouvait garder son vélo et continuer à rouler.
« D'accord, j'ai le vélo, mais ce n'est pas un vélo avec lequel on peut se promener en ville. C'est un vélo de piste très agressif, s'amuse Bussi. Alors j’ai réfléchi. J'adore la piste. Et j'aime me lancer des défis, sortir de ma zone de confort. J'aime aussi être seule, alors les courses en peloton ne m'intéressent pas. J'ai besoin d'être stimulée. »
Il ne lui a pas fallu longtemps pour trouver un nouvel objectif cycliste.
Une question de méthodologie
« Je suis toujours à la recherche de défis. Je pense que c'est la carrière académique qui vous donne ce genre d'attitude. Vous voulez dépasser les limites, chercher quelque chose de nouveau. C'est une question de méthodologie. J'ai mis au point une méthodologie pour l'Heure et je veux avoir la confirmation qu'elle peut fonctionner partout. Je veux voir jusqu'où elle peut aller. Comment la méthode peut être améliorée. »
Elle apprécie de pouvoir travailler à son nouvel objectif au Centre Mondial du Cyclisme UCI, où elle se réjouit de voir la piste constamment utilisée : par les athlètes résidents du centre, par les membres du public abonnés à la saison, et pour les initiations au cyclisme sur piste. « Le centre offre tellement d'opportunités à de nombreux athlètes et aux gens en général », se réjouit-elle.
En plus de ses séances réservées sur la piste, Vittoria Bussi utilise la salle de sport entièrement équipée du CMC UCI et, à d'autres occasions, on peut la trouver assise devant son casier à vélo, absorbée dans ses réflexions sur la géométrie de sa machine.
Lorsqu’elle modifie sa position sur le vélo, elle est capable de passer une journée entière à étudier la hauteur de sa selle, son inclinaison, son recul par rapport à l’axe de pédalier ou de le potence... Ce qui signifie que parfois elle effectue ses quatre heures de travail universitaire après le dîner, jusqu'à près de minuit.
« Le temps partiel ne me convient pas vraiment, admet cette perfectionniste. Je veux toujours tout faire à 100 %, ce qui constitue un autre défi pour moi cette année. J'ai choisi les deux amours de ma vie – les maths et le vélo – et je vais voir si je peux réussir dans les deux. »
Une chose est sûre, Vittoria Bussi ne néglige aucun effort pour réussir dans tous les domaines de sa vie.
« Je suis totalement en dehors de ma zone de confort, mais pour être honnête, j'aime vraiment ça ! »