Evaluer l’impact d’une course cycliste sur l’environnement

Le parcours de l’édition 2016 du Tour de France a récemment été annoncé, et il a été confirmé que le Grand Départ aura lieu au Mont Saint-Michel.

Cela signifie qu’au début du mois de juillet, cette pittoresque commune française située sur un îlot de la côte normande, sera envahie par des coureurs, des équipes, des officiels, des journalistes, des photographes ainsi que des spectateurs. Ces derniers, avec leurs voitures, leurs motos, leur déchets, consommant de l’eau et utilisant de l’énergie, exerceront incontestablement une considérable pression sur l’environnement local.

Toutefois, cela ne veut pas dire que nous devrions crier au scandale et déplorer les méfaits des cyclistes et de ceux qui les entourent. L’expérience montre que les inconvénients à court terme d’un tel événement peuvent être largement compensés par l’héritage positif qu’il lègue. Prenez par exemple, le Tour de France 2014 dont le départ a été donné dans le nord de l’Angleterre.

Le Grand Départ du Tour de France 2014 dans le Yorkshire a été l’un des plus réussi de l’histoire du Tour, selon son directeur Christian Prudhomme, qui l’a qualifié « plus grandiose des Départ jamais vu ».

Parti de la ville de Leeds, le Tour a parcouru le Yorkshire pendant deux jours avant que la troisième étape ne le conduise à Londres. L’évènement a suscité un immense intérêt : 3,5 millions de spectateurs massés le long du parcours pour suivre la course, et une implication plus importante de la part des  villages et des villes par rapport à l’engagement affiché lors des éditions précédentes.

En outre, 8000 bénévoles, 2000 journalistes et près de 2000 véhicules officiels ont pris part à l’évènement, produisant, rien que pour le Grand Départ, l’équivalent de 1500 tonnes de dioxyde de carbone.

Ces dégâts, doivent toutefois être pondérés vis-à-vis du changement potentiel de comportement que l’évènement a déclenché. Un sondage réalisé auprès des spectateurs a révélé que 37% des personnes ayant assisté à la course voulait faire davantage de vélo du fait du Grand Départ. Une étude des impacts de l’évènement a conclu que compte tenu de l’éventuel passage de la voiture au vélo par les spectateurs, il était potentiellement envisageable de faire diminuer les émissions de dioxyde de carbone d’un volume équivalant à 9600 tonnes. Ce chiffre représente six fois le volume des émissions produites par la course elle-même.

Pour nombre de personnes considérant faire du vélo pour des raisons de santé – et comme moyen de transport – le fait de voir évoluer des coureurs d’élite peut être l’un des facteurs déclenchant un changement de comportement. Si des évènements cyclistes sont inclus au sein d’un cadre plus global de stratégies de transport et de marketing, ils peuvent contribuer à persuader des individus à tester le vélo comme moyen de transport alternatif.

Les avantages résultant du passage au cyclisme peuvent être énormes. Une personne parcourant 5 km en voiture pour se rendre à son travail qui choisit de faire tous ces trajets à vélo pourrait réduire d’une demi-tonne par an ses émissions de dioxyde de carbone.

Mesurer les changements de comportement est un exercice complexe et ambitieux, mais des tentatives ont été faites lors de cette récente enquête.

Pour en revenir au Tour de France 2014, l’une des raisons pour lesquelles le Grand Départ a été organisé dans le Yorkshire était de contribuer à inspirer les gens à faire du vélo dans une région où – bien que le sport cycliste y soit populaire – l’utilisation du vélo au quotidien est très faible : seulement 1,8% des usagers se déplaçaient à vélo à Leeds, et le nombre était encore plus bas dans les autres villes. La région a créé une agence – Cycle Yorkshire – dont la tâche est de maximiser l’héritage du  Grand Départ 2014 et du Tour de Yorkshire qui a suivi, et dont la première édition, en 2015, a été très réussie.

Kersten England, le président de Cycle Yorkshire, déclare :

« Le cyclisme a le potentiel de contribuer à résoudre d’importants problèmes d’ordre social dans la région, par le biais de la promotion d’un mode de vie sain, l’augmentation des déplacements écologiques, la relance du tourisme et le soutien de l’intégration sociale. »

L’une des initiatives de Cycle Yorkshire est la création d’une « Bibliothèque cycliste » consistant à proposer un assortiment de vélos mis à disposition gratuitement pour les enfants et à un coût modeste pour les adultes qui ne possèdent pas leur propre bicyclette. Ces vélos peuvent être utilisés dans le cadre de cours de formation qui permettront aux enfants d’acquérir les compétences nécessaires pour faire du vélo en toute confiance. Ce sont ces sortes d’initiatives de petite envergure, au niveau communautaire, qui peuvent contribuer à développer et maintenir une culture cycliste.

L’impact environnemental des grands évènements sportifs dès lors dépend du niveau d’importance accordé à la mise en place d’un héritage pour le cyclisme au quotidien. L’expérience du Grand Départ 2014 a montré que le potentiel existe pour que l’impact sur l’environnement soit six fois moins important que les avantages que l’on peut en retirer. Associé aux avantages économiques, cela devrait faire des grands évènements cyclistes quelque chose que toutes les régions et toutes les villes accueillent favorablement, en particulier si elles visent à utiliser l’évènement pour contribuer à encourager leurs citoyens à utiliser le vélo comme moyen de transport.

Les villes et les régions accueillant de grands évènements cyclistes reçoivent des milliers de personnes dont les dépenses stimulent l’économie locale. Les évènements cyclistes de plein air, tels que les courses en ligne et le MTB contribuent également à présenter la région comme destination touristique, engendrant des retombées économiques qui se prolongent au-delà de la période pendant laquelle s’est déroulé l’évènement lui-même. Parfois, les retombées économiques sont dix fois plus importantes que les coûts engendrés par l’organisation de l’évènement.

Les manifestations sportives peuvent aussi contribuer à rapprocher les communautés, inspirant des changements positifs et durables dans la manière dont une ville ressent les choses et dans la façon dont ses citoyens interagissent, laissant un héritage de communes plus heureuses et plus actives.

De nombreux évènements mettent en place des stratégies visant à minimiser tout impact environnemental négatif, et le projet UCI Bike City label inclus une clause exigeant des villes de considérer ceci comme faisant partie des critères de qualification pour le label. L’UCI aimerait que les villes aillent encore plus loin, en utilisant leurs évènements pour inspirer les individus à utiliser davantage le vélo, que ce soit pour les loisirs ou comme moyen de transport. De tels changements pourraient contribuer beaucoup plus à la protection de l’environnement que n'importe quelle mesure de développement durable mise en place pour l’évènement en question.