Journée internationale du sport au service du développement et de la paix : un rappel au monde de la part de deux femmes afghanes

Masomah Ali Zada et Benafsha Faizi sont convaincues de la capacité du sport à unir les populations. Elles parlent d'expérience et ont un message clair.

La cycliste Masomah Ali Zada est arrivée en France en 2017 et suit actuellement des études de génie civil à Lille. Elle s'est entraînée au Centre Mondial du Cyclisme UCI, à Aigle, en Suisse, avant les Jeux Olympiques de Tokyo 2020, où elle a concouru au sein de l'Equipe olympique des réfugiés du CIO. En 2022, elle a été nommée à la Commission des Athlètes du Comité International Olympique (CIO).

La journaliste Benafsha Faizi faisait partie de la communauté cycliste évacuée d'Afghanistan par l'Union Cycliste Internationale (UCI) et différents partenaires en 2021. Ancienne responsable des médias et porte-parole du Comité National Olympique afghan, elle effectue actuellement un stage auprès de l’Olympic Refuge Foundation, qui aide les jeunes touchés par le déplacement à s'épanouir et à se rapprocher par le biais du sport. Elle vit à Montreux, en Suisse, avec son mari et son fils de 11 mois.

Les deux jeunes femmes espèrent que la Journée internationale du sport au service du développement et de la paix rappellera aux gens la persistance du conflit dans leur pays depuis la prise de Kaboul par les talibans en août 2021, ainsi que le sort des femmes du pays, qui ont perdu leurs droits fondamentaux.

Le pouvoir unificateur du sport

Masomah Ali Zada a découvert le pouvoir unificateur du sport après les Jeux Olympiques de Londres en 2012, lorsqu'un jeune athlète de son groupe ethnique, les Hazaras, a remporté une médaille de bronze en taekwondo. Masomah faisait partie de la foule qui s'était rassemblée pour accueillir le héros national Rohullah Nikpai de retour sur le sol afghan. Soudain, les conflits internes du pays dus aux différences ethniques n'existaient plus.

« Nous étions tous là, issus de différents groupes ethniques. Nous étions tous fiers et nous ne parlions pas de nos différences. Il était afghan, et sa médaille olympique faisait la fierté de tous les Afghans. Ce jour-là, j'ai vu l'unification du peuple. C'est le pouvoir du sport de rassembler les gens.C'était un moment de partage. Depuis ce jour, j'ai compris que le sport peut apporter la paix, l'unification, le partage, la fierté et la solidarité. »

Masomah Ali Zada a de nouveau fait l'expérience du pouvoir du sport dans ce domaine en tant que membre de l'Equipe olympique des réfugiés du CIO pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020, où elle a participé au contre-la-montre individuel.

« Nous étions de nationalités, de cultures, de langues et de couleurs de peau différentes. Mais nous étions tous dans une même équipe, grâce au sport. C'est un véritable exemple qui montre que le sport peut apporter la paix et rassembler tous les pays. Je ne sais pas s'il y a quelque chose d'autre qui a le pouvoir de faire cela. Je suis très fière d'avoir fait partie de cette équipe. »

Benafsha Faizi, qui a été la seule femme journaliste afghane à accompagner l'équipe d'Afghanistan aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, a également été témoin de la capacité du sport à briser les barrières et à rassembler les gens.

La capacité du sport à rassembler lui a été rappelée en octobre dernier, lorsqu'elle a assisté aux Championnats d’Afghanistan Route Femmes, qui se sont tenus exceptionnellement au Centre Mondial du Cyclisme UCI. L'événement, organisé par le CMC UCI et ses partenaires, a vu la participation de 50 femmes afghanes, dont Masomah Ali Zada, qui vivent aujourd'hui en sécurité dans différents pays depuis leur évacuation.

« Les Championnats ont été une excellente initiative de l'UCI, qui a permis aux cyclistes afghanes de participer à une compétition de très haut niveau. Ils ont également constitué un message clé adressé au monde pour qu'il n'oublie pas les femmes afghanes restées en Afghanistan et pour qu'il apporte un soutien suffisant à celles qui vivent aujourd'hui dans différents pays en tant que réfugiées, a déclaré Benafsha Faizi.

« Elles ont été forcées de fuir leur patrie, où elles avaient de la famille et des relations. S'adapter à la situation prend du temps et est très difficile, poursuit-elle. Mais heureusement, de nombreuses opportunités s'offrent à elles, et elles peuvent les saisir. »

Un rappel au monde

Benafsha Faizi espère que la Journée internationale du sport au service du développement et de la paix rappellera au monde la situation critique de son pays.

« Depuis que les talibans ont pris le pouvoir, la vie des femmes et des filles en Afghanistan a été bouleversée. Les femmes sont confrontées à des obstacles qui les empêchent d'exercer leurs droits fondamentaux en raison des règles imposées par les talibans. Ces règles limitent la capacité des femmes à gagner leur vie, à accéder aux soins de santé et à l'éducation, et à échapper aux situations de violence.

« Actuellement, l'Afghanistan reste le seul pays au monde où les filles n'ont pas le droit d'aller à l'école secondaire, où les femmes n'ont pas le droit de travailler en dehors de la maison et où elles n'ont pas le droit de faire du sport et de participer à des compétitions nationales et internationales.

Masomah Ali Zada ajoute : « Cette journée internationale nous permet de sensibiliser l'opinion publique. Le sport est très important pour la santé de tous, hommes et femmes. Mais en Afghanistan, il est interdit aux femmes. C'est terrible. »

Bien qu'elle ait reçu des messages de femmes de son pays lui disant qu'elle était leur source d'inspiration, l'athlète olympique tire sa propre inspiration de celles qui sont restées en Afghanistan.

« Elles ont peut-être plus de talent, plus d'énergie, plus de potentiel que moi, mais elles n'ont pas l'occasion d’en profiter. Elles m'inspirent plus que je ne les inspire. Si je ne suis pas motivée pour étudier ou m'entraîner, je pense à elles. Et cela me motive. Nous avons tout, et nous devons en profiter.

« Et c'est à nous, à moi en tant qu'athlète, d'être leur voix et d'essayer de transmettre leur message et de défendre leurs droits. Je suis pleine d'espoir. Mon grand rêve est de voir l'Afghanistan libéré. De voir beaucoup de femmes sur leur vélo. Les voir heureuses et en liberté. C'est mon rêve. »