« Chaque fois que je touche un vélo, je veux m'assurer qu'il puisse rouler vite. »
Le Sud-Africain Benedict Moqumo est encore en train d'apprendre les ficelles du métier de mécanicien, mais il dégage une assurance qui met instantanément le coureur en confiance. Il est cependant loin d’essayer de faire croire qu'il sait tout.
Actuellement en formation à l'atelier de mécanique du Centre Mondial du Cyclisme (CMC) UCI à Aigle, en Suisse, l'ancien cycliste de Johannesburg – connu de tous sous le nom de Bennie – acquiert de l'expérience et apprend chaque jour.
« Chaque fois que vous touchez un vélo, vous apprenez une nouvelle compétence. On se déteste pendant quelques minutes, puis on s'en remet parce qu'on a appris quelque chose de nouveau. Il y a beaucoup de choses que je continue à apprendre. Il y a tellement de petites choses, de trucs et de ficelles... Il faut des années pour apprendre. »
La passion de Bennie pour la mécanique des vélos a commencé lorsqu'il travaillait sur son propre vélo en tant qu'athlète.
« J'ai appris des choses qui sortaient de ma zone de confort, des choses qui me faisaient peur, qui m'amenaient à me demander si j'étais vraiment capable de les faire. »
Ses études en génie électrique ont renforcé son désir que tout fonctionne à 100 % : « Tout ce qui est mécanique doit fonctionner efficacement. Vous ne voulez pas entendre des bruits que vous ne comprenez pas, n'est-ce pas ? Et il ne faut travailler dessus qu'une seule fois. Quand on achète une voiture, ce n’est pas pour la ramener toutes les deux semaines au garage pour la faire réparer ! »
De l'athlète au mécanicien en passant par l'entraîneur
Le parcours cycliste de Bennie a commencé un peu par hasard lorsqu'il était écolier dans le township de Johannesburg, à Soweto : le patron de sa mère nettoyait son garage et donnait ses vélos. Bennie a reçu un mountain bike et s'est rapidement pris au jeu. Pour faire court, il a été invité à rejoindre un club, est passé au cyclisme sur route, puis sur piste. Il est vite devenu évident qu'il avait du talent, et il a été invité à participer à plusieurs camps d'entraînement au Satellite de développement continental du CMC UCI de Paarl, en Afrique du Sud. Il a également passé une semaine au CMC UCI d'Aigle, en Suisse, en octobre 2019, pour s'entraîner avec le groupe piste. Dans la foulée, il s'est lancé dans une qualification d'entraîneur.
Son entraînement et ses courses ont pris fin lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé. Il a terminé son diplôme puis, en 2021, a accompagné l'équipe sud-africaine au Caire, en Egypte, en tant que mécanicien lors des Championnats du Monde Piste Juniors UCI. Durant l'événement, il a également travaillé sur certains vélos du Satellite africain, et a donc été invité à revenir à Paarl, cette fois en tant que mécanicien stagiaire. Depuis, il n'a plus regardé en arrière.
Contribuer au programme Afrique 2025
Le jeune Sud-Africain a participé à la stratégie Afrique 2025 du Centre Mondial du Cyclisme UCI pour aider à préparer les coureurs du continent pour les Championnats du Monde Route UCI 2025 qui auront lieu à Kigali, au Rwanda. Il a fait partie du personnel qui a voyagé en Europe l'année dernière avec un groupe d'Africains sélectionnés pour un camp d’entraînement en Bretagne (France) en vue des Championnats du Monde de Cyclisme UCI 2023 de Glasgow et de l'Ecosse (Grande-Bretagne). Cette année, il a été leur mécanicien au Tour du Rwanda.
A l'époque, il a déclaré : « J'ai découvert beaucoup de choses sur moi-même, sur le vélo et en dehors du vélo, lorsque j'étais un athlète du CMC UCI Afrique. Avec de la patience, de la discipline, du dévouement et de la confiance dans le processus, le succès est possible. Aujourd'hui, en tant que mécanicien, je m'assure que le prochain grand talent de l'Afrique s'entraîne et court sur le meilleur équipement qu'il puisse jamais toucher ».
Les trois mois qu'il a passés en tant que mécanicien stagiaire au CMC UCI d'Aigle font partie de son apprentissage continu. Il travaille occasionnellement sur des vélos de BMX Racing et de piste, mais se concentre principalement sur la route, se rendant à plusieurs courses avec l'Equipe Continentale Femmes UCI, la WCC Team.
« J'ai la chance d'avoir le soutien du CMC, à la fois du satellite situé en Afrique et ici au siège en Suisse », déclare-t-il.
Expérience de l'UCI WorldTour
Pendant son séjour en Suisse, il a été invité à travailler comme mécanicien stagiaire pour l'UCI WorldTeam Cofidis pendant le Tour de Romandie (23-28 avril), ajoutant ainsi une corde inattendue à son arc.
« Le premier jour, j'ai été très impressionné. Ils (l'équipe) travaillent déjà à 100 %, mais ils avaient établi un plan pour moi avec des tâches spécifiques.
« J'ai eu l'occasion de monter dans la voiture pendant la course, d'être dans le camion pour préparer les étapes suivantes et de sentir ce que c'est que de faire partie de l'équipe. J'étais là en tant que stagiaire, mais ils m'ont fait sentir que je faisais partie de l'équipe. Et la course était superbe, hors du commun. C'est quelque chose que tout le monde n'a pas l'occasion de voir, de ressentir. Pour moi, c'était comme un “wow”. De tous les Africains, je suis celui qui a pu goûter à cela... »
Peu avant de rentrer en Afrique du Sud, Bennie fera un nouveau passage chez Cofidis, cette fois pour le Tour de Suisse (9-18 juin). Il apprécie l'excitation du travail sur les événements, où « vous devez rester calme, mais calme à un rythme plus rapide ! »
Dès qu'il se trouve sur une course, il n'hésite pas à visiter les camions des différentes équipes et à engager la conversation avec ses collègues mécaniciens.
« Il faut parfois briser la glace, mais la communauté est plutôt cool. Les mécaniciens communiquent entre eux et partagent des choses. »
Bennie est très attaché à la préparation et au processus, et il est convaincu que les coureurs ne devraient pas voir leur mécanicien travailler sur leur vélo le matin d'une course ou d'une étape.
« Tout cela doit être terminé la veille, explique-t-il. Si un coureur vous voit réparer quelque chose le matin d'une course, il peut avoir des doutes. La seule chose qu'il doit vous voir faire est de mettre le dossard ou le transpondeur.
« Les athlètes doivent nous faire confiance, savoir qu'ils courent sur du bon matériel et que tout ce qu'ils vont faire sera fait sur des vélos qui sont à 100 %. »
Jacques Landry, Directeur du CMC UCI, a déclaré que l'histoire de Bennie est l'un des nombreux résultats positifs du programme de développement du centre.
« Notre mission est de développer le cyclisme dans le monde entier, et cela va au-delà de l'entraînement des athlètes eux-mêmes. Pour être performants et atteindre leurs objectifs, les athlètes doivent être entourés d'un personnel qualifié et compétent. Grâce à une étroite collaboration avec nos Satellites développement continentaux du CMC UCI, nous pouvons nous assurer que chaque région du monde dispose de mécaniciens, d'entraîneurs et de Directeurs Sportifs capables d'accompagner ces athlètes dans leur progression vers le plus haut niveau international.
« C'est le cas du CMC UCI Afrique et de son Directeur Jean-Pierre Van Zyl, qui a donné à Bennie une formidable formation en mécanique, qu'il prolonge aujourd'hui par son expérience professionnelle de trois mois en Europe. »
Crédit photo : Ville de Montréal / Mathieu Sparks